GAMBIE

République de Gambie

Chef de l’État et du gouvernement : Yahya Jammeh

L’année 2014 a marqué le vingtième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du président Yahya Jammeh1. Les autorités ont continué de réprimer la dissidence. Le gouvernement a poursuivi sa politique de non-coopération avec les mécanismes des droits humains de l’ONU. Des lois adoptées successivement ont encore restreint la liberté d’expression et accentué les mesures punitives contre les journalistes. Cette année encore, les défenseurs des droits humains et les journalistes risquaient d’être emprisonnés et harcelés. Les menaces pesant sur les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI) se sont encore accrues. Une tentative de coup d’État, le 30 décembre, a donné lieu à plusieurs dizaines d’arrestations et à une vague de répression sur les médias.

CONTEXTE

La situation des droits humains en Gambie a été évaluée en octobre dans le cadre de l’Examen périodique universel de l’ONU. Les États membres de l’ONU se sont notamment inquiétés des restrictions de la liberté d’expression imposées par la Gambie, de son recours persistant à la peine de mort, ainsi que de la discrimination et des agressions subies par des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre.
Lors de leur visite en Gambie en novembre, deux représentants de l’ONU, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, se sont vu refuser l’accès à des centres de détention dans lesquels les détenus risquaient, semble-t-il, d’être torturés.
Ils ont qualifié la torture de « pratique constante » en Gambie et ont fait part de leurs préoccupations au sujet des exécutions de 2012 et du climat d’impunité. En août, les autorités avaient pris la décision unilatérale de reporter la visite des rapporteurs, sans fournir d’explication satisfaisante.
En janvier 2013, le chef de l’État avait suspendu le dialogue politique avec l’UE après l’inscription de la question des droits humains au programme des discussions. Malgré la reprise du dialogue en juillet 2013, rares ont été les progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements relatifs aux droits humains. En octobre 2013, le président a annoncé le retrait de son pays du Commonwealth, qui collaborait avec les autorités gambiennes dans le cadre d’initiatives de renforcement des capacités de l’appareil judiciaire et en vue de créer une commission nationale des droits humains.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Une série de lois adoptées ces dernières années a restreint la liberté d’expression.
En août 2014, l’Assemblée nationale a adopté la Loi de 2014 portant modification du Code pénal, qui a créé le chef d’accusation de « fuite de représentants de l’État ».
Cette infraction pourrait être utilisée contre des personnes ayant exprimé des opinions dissidentes et choisi de rester à l’étranger.
En juillet 2013, l’Assemblée nationale a adopté la Loi portant modification de la loi sur l’information et la communication, qui prévoit une peine allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement et de lourdes amendes pour diverses infractions, parmi lesquelles le fait de critiquer des responsables gouvernementaux sur Internet, de diffuser de « fausses nouvelles » sur le gouvernement ou des agents publics, de tenir des propos dénigrant des agents publics, ou encore d’inciter au mécontentement ou à la violence envers le gouvernement.
En mai 2013, l’Assemblée nationale a adopté la Loi de 2013 portant modification du Code pénal, qui a élargi la définition de plusieurs infractions et instauré des châtiments plus sévères pour les troubles à l’ordre public, comme le fait de « proférer des insultes » ou de « chanter des chansons injurieuses », et pour les fausses déclarations à un fonctionnaire. Cette dernière infraction, par exemple, est désormais passible de cinq ans d’emprisonnement (au lieu de six mois) et/ou d’une amende plus forte qu’auparavant. Journalistes En raison de leur travail, pourtant légitime, les journalistes étaient exposés au harcèlement, à l’intimidation, aux arrestations arbitraires et à la détention.
Sanna Camara a été arrêté le 27 juin et inculpé de publication de fausses informations après avoir écrit un article sur la traite des êtres humains en Gambie pour le journal Standard. Il n’a pu consulter un avocat ni entrer en contact avec ses proches.
Il a été libéré sous caution le lendemain et a reçu l’ordre de se présenter au siège de la police plusieurs fois par semaine pendant plusieurs mois.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Les défenseurs des droits humains étaient exposés au harcèlement, à l’intimidation, aux arrestations et à la détention arbitraires, à la torture et aux disparitions forcées. Les Gambiens qui tentaient de se mobiliser en lien avec l’Examen périodique universel et avant la visite des rapporteurs spéciaux de l’ONU étaient exposés à des risques de représailles.
À la fin de l’année, aucune enquête n’avait été ouverte sur l’arrestation illégale et la torture de l’imam Baba Leigh, dignitaire musulman et défenseur des droits humains connu. Arrêté par des agents de l’Agence nationale de renseignement (NIA) en décembre 2012, cet homme a été placé en détention au secret. Il a été torturé à de multiples reprises pour avoir condamné publiquement le recours des autorités à la peine de mort. Gracié par le président et libéré en mai 2013, il a quitté le pays par crainte pour sa sécurité.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Les responsables de l’application des lois pratiquaient couramment la torture sur les détenus à titre de sanction et pour leur extorquer des « aveux ».
Abdou Jeli Keita, agent de l’Agence nationale de lutte contre les stupéfiants et ancien journaliste, a été poussé dans une voiture devant son domicile à Wellingara le 1er août par cinq hommes en civil, qui feraient partie des services de sécurité. On lui a bandé les yeux avant de le conduire dans un lieu inconnu, où il a été détenu et frappé, selon ses dires. Abdou Jeli Keita n’a pas été inculpé, ni autorisé à contacter un avocat ou ses proches. Ses ravisseurs lui ont dit qu’il était détenu parce qu’il était soupçonné d’avoir publié des informations sur les mauvaises conditions carcérales. Il a été relâché le lendemain.
Le 18 décembre 2013, Amadou Sanneh, trésorier national du Parti démocratique unifié (UDP), dans l’opposition, et deux autres membres de l’UDP, Alhagie Sambou Fatty et Malang Fatty, ont été déclarés coupables de sédition et condamnés à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Ils ont été détenus au secret au siège de la NIA pendant près d’un mois avant leur procès en octobre 2013. Tous trois ont déclaré avoir subi des tortures visant à les obliger à « avouer » à la télévision nationale. Alhagie Sambou Fatty et Malang Fatty n’ont pas bénéficié des services d’un avocat pendant leur incarcération ni leur procès. Ces trois hommes sont des prisonniers d’opinion.

PEINE DE MORT

En novembre, la Cour suprême a commué la condamnation à mort de Lang Tombong Tamba et de six autres personnes en une peine de réclusion à perpétuité. Les sept hommes – le chef d’état-major des armées et général de corps d’armée Lang Tombong Tamba, le général de brigade Omar Bun Mbye, le commandant Lamin Bo Badgie, le lieutenant-colonel Kawsu Camara, l’ancien inspecteur général adjoint de la police Momodou B. Gaye, Gibril Ngorr Secka et Abdoulie Joof – avaient été déclarés coupables de trahison et condamnés à mort en 2010. Leur condamnation à mort pour trahison était contraire à la Constitution, qui réserve la peine capitale aux crimes « ayant entraîné la mort ».
Dans un entretien accordé aux médias en août 2013, le président a justifié le maintien de la peine de mort par son caractère de « droit divin » et a déclaré qu’il ne gracierait aucun condamné à mort. Cette position bafoue le droit de tout défendeur, consacré par le droit international, de former un recours en grâce.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES

Au moins huit personnes, dont trois femmes et un jeune de 17 ans, ont été arrêtées par des hommes s’étant présentés comme des agents de la NIA et de la Garde présidentielle entre le 7 et le 13 novembre. Elles ont été menacées de torture en raison de leur orientation sexuelle supposée. On leur a dit que si elles n’« avouaient » pas leur homosexualité, notamment en donnant le nom d’autres personnes, on leur enfoncerait un objet dans l’anus ou le vagin pour « tester » leur orientation sexuelle. De tels agissements seraient contraires au droit international, qui interdit la torture et les autres formes de mauvais traitements. Six autres femmes auraient été arrêtées les 18 et 19 novembre pour les mêmes motifs.
En août, l’Assemblée nationale a adopté la Loi de 2014 portant modification du Code pénal, qui a créé l’infraction d’« homosexualité avec circonstances aggravantes », punie de la réclusion à perpétuité. La nouvelle disposition étant formulée de manière vague, elle pourrait entraîner de nombreuses dérives. Parmi les personnes risquant d’être inculpées d’« homosexualité avec circonstances aggravantes » figurent les « délinquants récidivistes » et les personnes séropositives au VIH soupçonnées d’être homosexuelles.
Dans un discours prononcé à la télévision nationale en février, le président s’en est pris aux droits des LGBTI, déclarant : « Nous allons combattre ces vermines appelées homosexuels ou gays de la même manière que nous luttons contre les moustiques qui causent le paludisme, sinon de manière plus agressive. » En mai, il a menacé les Gambiens qui demandent l’asile pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

IMPUNITÉ

Le gouvernement n’a fait aucun progrès en vue d’exécuter les arrêts de la Cour de justice de la CEDEAO concernant la disparition forcée du journaliste Ebrima Manneh, la torture du journaliste Musa Saidykhan et l’homicide illégal de Deyda Hydara.

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