Rapport Annuel 2014/2015

SIERRA LEONE

République de Sierra Leone

Chef de l’État et du gouvernement : Ernest Bai Koroma

Une épidémie de la maladie à virus Ebola a fait au moins 2 758 morts. L’état d’urgence a été déclaré. Des milliers de personnes soupçonnées de crimes commis pendant les 11 années de conflit armé en Sierra Leone n’ont toujours pas fait l’objet d’enquêtes.
Au moins deux plaintes pour des homicides illégaux perpétrés par la police ont été déposées. Le recours de plus en plus fréquent à des poursuites pénales pour diffamation contre des journalistes menaçait la liberté d’expression.

CONTEXTE

En 2013, le président Koroma a lancé un processus de révision de la Constitution de la Sierra Leone. Des groupes de la société civile ont alors mis en place des programmes d’éducation civique et instauré le dialogue autour de cette révision, mais ces actions ont cependant dû être remises à plus tard en raison de l’épidémie d’Ebola. L’aide internationale a été insuffisante, malgré quelques améliorations plus tard dans l’année.

ÉPIDÉMIE D’EBOLA

La Sierra Leone a été durement touchée par l’épidémie d’Ebola qui s’est répandue dans toute l’Afrique de l’Ouest. Au 31 décembre 2014, 9 446 cas avaient été confirmés et au moins 2 758 personnes étaient mortes. L’épidémie a affaibli le système de santé déjà fragile et, en date du 31 octobre, plus de 199 professionnels de santé avaient été infectés par la maladie. Les ONG ont fait part de leurs préoccupations concernant la sécurité alimentaire, les conséquences disproportionnées de l’épidémie sur les femmes et le traitement des personnes placées en quarantaine. En juillet 2014, le président a décrété l’état d’urgence et a promulgué la Loi de 2014 sur les pouvoirs exceptionnels. Des règlements relatifs à la prévention d’Ebola et d’autres maladies ont également été adoptés par le ministère de la Gouvernance locale. Ils prévoyaient notamment l’interdiction des rassemblements publics.

JUSTICE INTERNATIONALE

En 2013, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, dans le cadre de sa mission qui consiste à juger les principaux responsables des crimes commis durant le conflit, a confirmé la peine de 50 ans de prison prononcée contre l’ancien président libérien Charles Taylor pour son rôle dans le conflit armé en Sierra Leone. Toutefois, des milliers de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes lors de ce conflit n’ont toujours pas fait l’objet d’enquêtes et n’ont pas été traduites en justice. La question de l’obligation de rendre des comptes concernant les violations des droits humains s’est tout particulièrement posée lorsque le Groupe d’experts des Nations unies sur le Liberia a découvert qu’Ibrahim Bah, marchand d’armes présumé, de nationalité sénégalaise, était présent en Sierra Leone en 2013. Des victimes du conflit ont engagé une procédure de citation directe contre lui, avec le soutien d’une organisation de la société civile, le Centre pour l’obligation de rendre des comptes et l’état de droit. La Sierra Leone a expulsé Ibrahim Bah vers le Sénégal plusieurs jours avant la date de sa comparution.

PEINE DE MORT

La peine de mort était maintenue en Sierra Leone pour les crimes de trahison, de vol avec circonstances aggravantes et de meurtre (elle s’appliquait de manière obligatoire dans ce dernier cas). En mai, le procureur général et ministre de la Justice a affirmé au Comité contre la torture [ONU] que la Sierra Leone abolirait prochainement la peine de mort, précisant par la suite que cette abolition se ferait par le biais d’une révision du Code de procédure pénale. À la fin de l’année, aucune mesure n’avait été prise.

DÉTENTION ARBITRAIRE

La police détenait régulièrement des personnes au-delà de la durée maximale prévue par la Constitution. En août 2013, 18 membres des forces armées de la République de Sierra Leone accusés de préparer une mutinerie à la caserne de Tekoh, à Makeni, ont été placés en détention. Ils ont été détenus au secret pendant huit mois, en violation des durées maximales de détention prévues par la Constitution. Quatorze d’entre eux ont été inculpés et jugés lors d’un procès qui était toujours en cours à la fin de l’année.

POLICE ET FORCES DE SÉCURITÉ

Le gouvernement a pris des mesures pour renforcer l’obligation de rendre des comptes de la police de Sierra Leone. Un nouveau système de gestion des performances a été mis en œuvre par la police en 2013 et le Parlement a adopté des dispositions prévoyant l’établissement d’une Commission indépendante des plaintes concernant la police. Cependant, le gouvernement n’a pas mené d’enquête sur les policiers accusés de faire un usage arbitraire ou excessif de la force et ne leur a pas demandé de comptes. Il n’a engagé aucune poursuite contre des agents de police, alors que des enquêtes indépendantes sur les cas présumés d’homicides illégaux avaient été recommandées. En 2014, la police a fait l’objet d’au moins deux accusations d’homicides illégaux, survenus quand la police a ouvert le feu à Kono en réponse à une émeute liée à un cas présumé d’Ebola.

JUSTICE NATIONALE

Le système judiciaire souffrait toujours d’un manque de ressources. Les reports permanents, les retards dans la procédure de mise en accusation et la pénurie de magistrats contribuaient à allonger de manière excessive la durée de la détention provisoire et favorisaient la surpopulation carcérale. Des avancées positives ont eu lieu concernant l’application de la Loi relative à l’assistance judiciaire, adoptée en 2013, mais le Bureau d’assistance judiciaire n’était toujours pas opérationnel. Des mesures ont également été prises pour réviser le Code de procédure pénale de 1965. La Loi sur les établissements pénitentiaires a été adoptée en 2014. Elle réforme les Règles pénitentiaires de 1960 et accorde une plus grande importance à la réinsertion des prisonniers.
En mars 2014, le Comité des droits de l’homme [ONU] a examiné la mise en œuvre par la Sierra Leone du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a fait part de ses préoccupations au sujet de plusieurs problèmes, tels que les retards dans les procès, les conditions de détention et le manque d’obligation de rendre des comptes de la police.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les violences sexuelles et les violences liées au genre restaient un problème particulièrement courant. La Loi de 2012 sur les infractions sexuelles a introduit de meilleures définitions des violences sexuelles et accru la sévérité des sanctions. Cependant, beaucoup restait à faire pour la mettre en œuvre.
En septembre 2013, le vice-ministre de l’Éducation, des Sciences et de la Technologie a été limogé à la suite d’allégations d’agression sexuelle et de viol. Pendant le procès, les médias ont révélé le nom de la victime présumée, en violation de la loi de 2012 et du Code de bonne conduite des médias. Le président du tribunal a accepté une demande de mesures de protection, et les témoins suivants ont été autorisés à faire leurs déclarations derrière un écran. La Commission indépendante des médias a publiquement condamné certains organes de presse et a engagé une enquête sur des plaintes formulées à leur encontre. L’affaire pénale était toujours en cours à la fin de l’année.
Le projet de loi sur l’égalité entre les genres, qui proposait de garantir une représentation d’au moins 30 % de femmes au Parlement, dans les conseils locaux et dans les ministères, départements et agences, n’a pas été adopté. La Sierra Leone devait encore ratifier le Protocole de Maputo (Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique). Elle était le seul pays d’Afrique de l’Ouest à ne pas l’avoir encore fait. Le ministre de la Protection sociale, du Genre et de l’Enfance a assuré en 2014 que des progrès seraient faits en vue de cette ratification.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Le recours de plus en plus fréquent à des poursuites pénales pour diffamation contre des journalistes menaçait la liberté d’expression. En juillet 2013, Jonathan Leigh, rédacteur en chef du journal Independent Observer a été inculpé de quatre faits de diffamation après avoir publié un article accusant un homme d’affaires de corruption et de comportement frauduleux. L’affaire a finalement été réglée à l’amiable.
En octobre 2013, Jonathan Leigh et Bai Bai Sesay, de l’Independent Observer, ont été inculpés de diffamation pour avoir publié un article critiquant le président. Les journalistes ont plaidé coupables de collusion en vue de publier un article séditieux. Ils ont reçu un avertissement puis ont été relaxés en mars 2014.
La Commission des droits humains de Sierra Leone, l’Association des journalistes de Sierra Leone et divers groupes de la société civile ont préconisé l’abrogation de la loi sur la diffamation en vigueur dans le pays.
En janvier 2014, David Tam Baryoh a été arrêté pour diffamation séditieuse avant d’être libéré sous caution. En mai, son émission de radio Monologue avait été suspendue pendant deux mois sur décision gouvernementale. Il a été une nouvelle fois arrêté en novembre pour des commentaires faits pendant son émission à propos de la réaction du gouvernement à l’épidémie d’Ebola. Il a été détenu 11 jours puis libéré sous caution.
En octobre 2013, la Loi relative au droit d’accès à l’information a été adoptée. Elle instaurait le droit d’accéder aux informations gouvernementales et prévoyait que toutes les composantes du gouvernement adoptent et diffusent largement un projet visant à rendre leurs archives accessibles au public. Ce texte prévoyait aussi des sanctions en cas d’obstruction volontaire à ses dispositions.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES

Le Comité des droits de l’homme [ONU] a exprimé son inquiétude à propos des actes de violence signalés contre des membres de la communauté LGBTI et a appelé la Sierra Leone à revoir sa législation afin de garantir l’interdiction de la discrimination à l’égard de la communauté LGBTI.
En 2013, trois militants LGBTI ont été agressés et ont reçu des messages de menaces ; la maison de l’un d’eux a été l’objet de plusieurs effractions. Malgré le signalement de ces incidents à la police, aucune enquête crédible n’a été ouverte. À cause de ce harcèlement, les militants ont dû fuir la Sierra Leone ; ils ont obtenu l’asile en Europe.

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