Rapport Annuel 2014/2015

TCHAD

République du Tchad

Chef de l’État : Idriss Déby Itno

Chef du gouvernement : Kalzeubé Payimi Deubet

De graves violations des droits humains ont continué d’être perpétrées dans une impunité quasi totale. Le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique a été fréquemment bafoué. Des défenseurs des droits humains, des journalistes et des syndicalistes ont subi des actes de harcèlement, des manœuvres d’intimidation, ainsi que des arrestations et des détentions arbitraires. Des membres des forces de sécurité ont tué plusieurs personnes, notamment des manifestants, lors de rassemblements de protestation.

CONTEXTE

Un certain nombre de problèmes liés aux droits économiques, sociaux et culturels sont restés très préoccupants toute l’année.
Dans l’ensemble du pays, des manifestations ont rassemblé des citoyens, notamment des fonctionnaires, qui réclamaient des hausses de salaire et protestaient contre le coût élevé de la vie. Le Tchad accueillait de plus en plus de réfugiés en provenance de la République centrafricaine, du Soudan et, plus récemment, du Nigeria, d’où une certaine pression sur des ressources déjà extrêmement limitées et des tensions au sein des populations, en particulier dans le sud, l’est et le nord-ouest du pays. Les auteurs de violations des droits humains, parmi lesquels figuraient des membres de la police, de la gendarmerie et de l’Agence nationale de sécurité (ANS), continuaient de jouir d’une impunité presque totale.

IMPUNITÉ

Des militaires et des membres de la composante tchadienne de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) qui étaient impliqués dans des homicides de civils et d’autres graves atteintes aux droits humains commis en République centrafricaine ont bénéficié de l’impunité après avoir quitté la MISCA le 3 avril. Le 29 mars, des soldats tchadiens ont ouvert le feu sur la foule dans un marché du quartier PK12 à Bangui, la capitale centrafricaine, faisant des dizaines de morts et de blessés. Des militaires tchadiens avaient déjà été impliqués en février dans des incidents au cours desquels des civils avaient été tués, dans les villes de Boali et de Damara ainsi que dans le quartier PK12. Le 19 juillet, le président Idriss Déby a nommé le chef rebelle Abdel Kader « Baba Laddé » préfet de la Grande Sido, située à la frontière avec la République centrafricaine. Baba Laddé et des membres de son groupe armé, le Front populaire pour le redressement (FPR), avaient pourtant été accusés de graves atteintes aux droits humains, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats dans le nord de la République centrafricaine. Ils avaient aussi été accusés d’avoir incendié des villages dans la même région entre janvier et juillet. Il a par la suite pris la fuite et quitté le pays. Il a été arrêté par des soldats de l’ONU chargés du maintien de la paix le 10 décembre près de la localité de Kabo, dans le nord de la République centrafricaine, non loin de la frontière tchadienne. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la justice centrafricaine en mai. Il restait incarcéré à Bangui à la fin de l’année.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Selon le Groupe d’experts des Nations unies sur la République centrafricaine, trois fonctionnaires centrafricains – le sous-préfet de Markounda, le secrétaire général de la sous-préfecture et le directeur d’une école publique – ont été arrêtés en République centrafricaine par les forces de sécurité tchadiennes le 17 mai et emmenés à N’Djamena, la capitale tchadienne. Ces trois personnes n’ont pas été libérées, malgré les demandes répétées des autorités de Bangui.
Le 23 juin, deux membres du Groupe d’experts ont été arrêtés par les forces de défense et de sécurité tchadiennes à un poste-frontière de la République centrafricaine alors qu’ils effectuaient des recherches. Le Groupe d’experts a indiqué qu’ils avaient décliné leur identité, expliqué leur mandat et fait part de leurs privilèges et immunités mais avaient été néanmoins conduits de force dans la ville de Goré, au Tchad, où ils avaient été détenus quatre heures avant d’être escortés jusqu’à la frontière et relâchés.

CONDITIONS CARCÉRALES

Les conditions d’incarcération demeuraient extrêmement dures dans la majorité des prisons du pays. Selon des témoins, les conditions étaient pires encore dans les centres de détention où les visites étaient interdites. Ceux-ci étaient gérés par la police, la gendarmerie et les services de la sécurité nationale. N’Djamena était toujours dépourvue d’établissement carcéral à la suite de la démolition de sa prison, en décembre 2011. Les détenus étaient placés dans une caserne de gendarmerie à Amsinéné, à la périphérie de la ville.
Les rudes conditions d’incarcération étaient à l’origine de nombreuses évasions et mutineries. Le 4 novembre, une mutinerie a éclaté à Amsinéné parce que la direction n’avait pas autorisé certains prisonniers à sortir dans la cour et les avait contraints à rester en cellule. Par solidarité envers les détenus punis, d’autres prisonniers s’étaient rassemblés dans la cour principale. Les gendarmes gardant la prison ont ouvert le feu contre eux. Selon diverses sources, un prisonnier au moins a été tué et plusieurs autres ont été blessés.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

La liberté d’expression des défenseurs des droits humains, des journalistes et des syndicalistes était régulièrement bafouée. Ceux-ci étaient fréquemment la cible de manœuvres d’intimidation, de harcèlement ou d’arrestations arbitraires imputables aux services de sécurité et aux autorités administratives.
Le 8 octobre, la radio locale FM Liberté a été suspendue pour une durée de sept jours, en application d’une décision du Haut Conseil de la communication. Elle avait diffusé une déclaration, signée par 12 ONG de défense des droits humains, qui dénonçait l’absence de carburant sur le marché.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Le droit des syndicats, des formations politiques et des organisations de défense des droits humains à mener des activités et des manifestations pacifiques était fréquemment bafoué. La plupart des rassemblements de protestation ont été violemment dispersés par les forces de sécurité.
Le 11 novembre, les forces de sécurité s’en sont pris à des manifestants, parmi lesquels un certain nombre d’enseignants, rassemblés à N’Djamena et dans les villes de Moundou et Sarh pour protester contre le coût élevé de la vie. Selon diverses sources, une personne au moins a été tuée et plusieurs autres ont été blessées par balle.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES

Le gouvernement a présenté un projet de loi portant modification du Code pénal et érigeant en infraction les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe.
Le texte prévoyait des peines de 15 à 20 ans de réclusion et des amendes de 50 000 à 500 000 francs CFA (100 à 1 000 dollars des États-Unis). Le texte n’avait pas été adopté à la fin de l’année.

JUSTICE INTERNATIONALE

À la fin de l’année, les Chambres africaines extraordinaires siégeant à Dakar (Sénégal) parachevaient leur enquête sur les crimes présumés de l’ancien président tchadien Hissène Habré, inculpé en juillet 2013. Si les juges d’instruction concluaient que les éléments de preuve étaient suffisants, le procès s’ouvrirait en mai 2015. Hissène Habré a dirigé le Tchad entre 1982 et 1990, période entachée de graves violations des droits humains, notamment d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales.
Le 14 novembre, le procès de 26 anciens agents des services de la sûreté de l’État liés au régime d’Hissène Habré s’est ouvert au Tchad. Des organisations internationales et locales de défense des droits humains ont fait part de leur inquiétude quant au fait que ce procès pourrait avoir des conséquences négatives pour celui d’Hissène Habré prévu à Dakar. En octobre, les Chambres africaines extraordinaires ont demandé au Tchad d’envoyer les suspects concernés à Dakar, mais les autorités tchadiennes ont refusé.
Ces dernières n’ont pas non plus donné suite à une autre requête des Chambres, qui souhaitaient envoyer des représentants recueillir les déclarations des accusés. En outre, les victimes et des organisations de défense des droits humains craignaient que le procès ne soit pas conforme aux normes internationales d’équité.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Malgré les efforts consentis par la communauté internationale et les autorités pour venir en aide aux dizaines de milliers de personnes ayant fui la République centrafricaine et le Nigeria, celles-ci continuaient de vivre dans des conditions déplorables. Plus de 150 000 réfugiés et Tchadiens de retour dans le pays avaient besoin d’abris, de nourriture et d’installations médicales. La majorité d’entre eux vivaient dans des camps du sud du Tchad, près de la frontière avec la République centrafricaine. Tout au long de l’année, les violences perpétrées par le groupe armé Boko Haram au Nigeria ont aussi contraint des milliers de personnes à chercher refuge au Tchad, principalement dans la région du lac Tchad. En outre, 368 000 réfugiés du Darfour vivaient dans des camps de l’est du Tchad. Quelque 97 000 Centrafricains qui avaient fui leur pays étaient installés quant à eux dans des camps du sud du Tchad.
Le 8 août, des personnes présentes dans le site de transit de Doba (Logone-Oriental, sud du pays) ont été réinstallées de force et sans préavis par les autorités locales dans le village de Kobitey

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