Rapport Annuel 2014/2015

PÉROU

République du Pérou

Chef de l’État et du gouvernement : Ollanta Moisés Humala Tasso

Des militants et des détracteurs du gouvernement ont subi des agressions. Des cas de recours à une force excessive par les forces de sécurité ont été signalés. Les droits des peuples indigènes à être consultés convenablement et à donner leur consentement préalable, libre et éclairé n’étaient pas respectés. Les droits sexuels et reproductifs n’étaient pas garantis. L’impunité restait une source de préoccupation.

CONTEXTE

Les conflits sociaux et les protestations au sein des populations touchées par les industries extractives demeuraient très répandus. Certaines manifestations ont conduit à des affrontements avec les forces de sécurité.
Des affrontements avec ce qui reste du groupe armé d’opposition Sentier lumineux ont fait au moins quatre morts et sept blessés parmi les forces de sécurité.
En juin, le Congrès a approuvé la création d’un mécanisme national pour la prévention de la torture et des autres mauvais traitements. Ce programme n’avait toutefois pas été mis en œuvre à la fin de l’année car le président ne l’avait pas ratifié.
Les conditions de détention d’une centaine de prisonniers à la prison de Challapalca, située à plus de 4 600 mètres au-dessus du niveau de la mer dans la région de Tacna, suscitaient de vives inquiétudes. Le droit des prisonniers de recevoir la visite de leurs proches, de médecins ou d’avocats est limité par l’inaccessibilité du lieu, ce qui constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.
En juillet, le Congrès a adopté pour une durée de deux ans le deuxième plan national pour les droits humains, malgré les préoccupations sur l’exclusion explicite des droits des personnes LGBTI et en dépit du fait que le plan ne bénéficiait pas de toutes les ressources nécessaires à sa mise en œuvre.
Un projet de loi visant à accorder des droits égaux aux couples de même sexe n’avait pas encore été examiné au Congrès à la fin de l’année.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

Des militants et des détracteurs du gouvernement, dont des défenseurs des droits humains, continuaient de subir des agressions. C’était notamment le cas des personnes qui défendaient les droits des populations touchées par les industries extractives.
Les forces de sécurité et le personnel de sécurité privé de la mine d’or de Yanacocha ont intimidé et agressé Máxima Chaupe, sa famille et d’autres membres de communautés indigènes et paysannes dans les provinces de Cajamarca, Celendín et Hualgayoc- Bambamarca (région de Cajamarca). Ils s’opposaient à l’extraction minière sur leurs terres, faisant valoir qu’ils n’avaient pas été consultés et que leurs droits à l’eau et à des moyens de subsistance étaient menacés. En mai, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a demandé la mise en place de mesures conservatoires en leur nom. Aucune mesure n’avait été accordée à la fin de l’année.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

En septembre, les responsables indigènes Edwin Chota Valera, Jorge Ríos Pérez, Leoncio Quinticima Meléndez et Francisco Pinedo, de la communauté asháninka d’Alto Tamaya-Saweto (région d’Ucayali), ont été tués par des personnes soupçonnées d’être des bûcherons illégaux, en représailles de leurs actions contre l’abattage illégal sur leurs terres ancestrales. Avant cette attaque, la population avait exprimé ses craintes quant à la sécurité de ces personnes et les autorités n’avaient rien fait pour les protéger. Une enquête avait été ouverte à la fin de l’année. Toutefois, la sûreté des familles des victimes restait un motif de préoccupation.
Malgré des initiatives visant à appliquer la loi de 2011 qui garantit le droit au consentement préalable, libre et éclairé des peuples indigènes, des inquiétudes se sont fait jour car son application dans l’étape préalable à l’attribution de concessions aux industries extractives semblait se faire sans méthodologie claire et sans cohérence.
En janvier, les autorités ont accordé une concession d’extension du projet gazier Camisea, dans la région de Cusco ; il existait cependant des préoccupations quant à l’absence de consentement des diverses communautés indigènes susceptibles d’être touchées et quant à la présence probable, sur près d’un quart du territoire concerné, de peuples indigènes en situation d’isolement volontaire.
En mai s’est ouvert le procès de 53 personnes, parmi lesquelles des indigènes et certains de leurs dirigeants. Ils étaient accusés de la mort de 12 agents de police au cours d’une opération policière et militaire visant à disperser un barrage routier installé en 2009 par des indigènes à Bagua, dans la région d’Amazonas. Le nombre total de morts s’est élevé à 33 personnes, dont 23 policiers, et plus de 200 personnes ont été blessées lors de cette opération. Aucun policier ou militaire n’a été tenu de rendre des comptes pour les violations des droits humains commises contre des civils.

IMPUNITÉ

Recours excessif à la force Au cours de l’année, il y a eu au moins neuf morts et de très nombreux blessés, ce qui fait craindre que les forces de sécurité aient eu recours à une force excessive lors de manifestations. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’avait été ouverte sur ces décès à la fin de l’année.
Une nouvelle loi adoptée en janvier risquait de perpétuer l’impunité. Cette loi affranchissait les forces de sécurité de toute responsabilité pénale si leurs membres tuaient ou blessaient des personnes dans l’exercice de leurs fonctions. En février, quatre policiers, traduits en justice du fait de leur responsabilité dans la mort de trois manifestants à Huancavelica en 2011, ont été acquittés en raison de l’application rétroactive de cette loi par un juge. Selon certaines informations, il y a eu recours à une force excessive lorsque de très nombreux manifestants ont été blessés durant ces manifestations.
Conflit armé interne Onze ans après la publication du rapport de la Commission vérité et réconciliation, l’évolution du processus visant à ce que toutes les victimes aient droit à la vérité, à la justice et à des réparations restait lente. Des craintes ont été émises quant au refus persistant des forces armées de coopérer avec le pouvoir judiciaire et au classement de certaines affaires, des juges ayant fait valoir que le délai de prescription était écoulé.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

En janvier, le parquet de Lima, la capitale, a clos les dossiers de plus de 2 000 femmes indigènes et paysannes qui affirmaient avoir été stérilisées de force dans les années 1990. À l’issue d’une enquête qui a débuté en 2004 et duré près de 10 ans, le parquet n’a engagé de poursuites que contre quelques professionnels de santé accusés d’être responsables dans une seule des affaires. Les autorités responsables de la mise en œuvre du programme de planification familiale qui a donné lieu à ces stérilisations n’ont fait l’objet d’aucune poursuite.
En juin, la ministre de la Santé a adopté des lignes directrices techniques sur l’avortement thérapeutique. L’interprétation restrictive de l’avortement thérapeutique dans le protocole était une source de préoccupation, car elle risquait d’inciter les femmes à recourir à des interruptions de grossesse illégales et dangereuses, en raison des deux conditions exigées : la présence et la signature d’un témoin et l’aval d’un comité, qui ont été jugées de nature à entraver l’accès à la procédure.
L’avortement dans les cas de grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste restait une infraction pénale et la distribution gratuite de contraceptifs d’urgence, notamment dans les cas de violences sexuelles, demeurait interdite. À la fin de l’année, un projet de loi soutenu par 60 000 signatures en vue de légaliser l’avortement pour les victimes de viol n’avait pas encore été examiné par le Congrès.

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