Rapport Annuel 2014/2015

NÉPAL

République démocratique fédérale du Népal

Chef de l’État : Ram Baran Yadav

Chef du gouvernement : Sushil Koirala

L’impunité a encore été renforcée après l’adoption par l’Assemblée constituante d’une loi instituant un mécanisme de justice de transition habilité à recommander des amnisties pour les crimes de droit international commis pendant la guerre civile (1996-2006), malgré une décision contraire de la Cour suprême. Les institutions nationales assurant la protection des droits humains étaient affaiblies par un manque de volonté politique et l’impunité persistait pour les violations des droits humains passées et actuelles. Les discriminations, fondées notamment sur le genre, la caste, la classe sociale, l’origine ethnique et la religion, étaient toujours aussi vives. Des cas de détention arbitraire, de torture et d’exécution extrajudiciaire ont été signalés tout au long de l’année.

CONTEXTE

Une deuxième Assemblée constituante a été formée le 21 janvier. La première avait été dissoute en mai 2012 car elle n’était pas parvenue à rédiger une nouvelle constitution. Sushil Koirala, membre du Parti du Congrès népalais, a été nommé Premier ministre le 11 février. La nouvelle Assemblée constituante s’est engagée à promulguer une nouvelle constitution le 22 janvier 2015 au plus tard, mais on ignorait encore si elle pourrait y parvenir car les partis politiques débattaient du modèle de fédéralisme à adopter et de l’élargissement de l’autonomie des minorités ethniques et des peuples autochtones. En juillet, le gouvernement a adopté son quatrième plan quinquennal d’action nationale en faveur des droits humains. En septembre, un an après la fin du mandat des anciens membres de la Commission nationale des droits humains (CNDH), le gouvernement a nommé l’ancien président de la Cour suprême Anup Raj Sharma à la présidence de la CNDH. De nouveaux membres de la CNDH ont été désignés en octobre.

JUSTICE DE TRANSITION

Le 25 avril, le Parlement a adopté la loi relative à la Commission vérité et réconciliation, qui a instauré deux commissions, l’une consacrée à la vérité et la réconciliation et l’autre aux disparitions forcées. Toutes deux étaient habilitées à recommander des amnisties, y compris pour des violations graves des droits humains. En janvier, la Cour suprême avait pourtant jugé qu’une ordonnance semblable promulguée en 2013 concernant une commission vérité et réconciliation habilitée à recommander des amnisties était contraire au droit international relatif aux droits humains et à l’esprit de la Constitution provisoire de 2007. Les familles de victimes ont introduit une requête devant la Cour suprême afin d’obtenir la modification des dispositions relatives aux amnisties.

IMPUNITÉ

L’obligation de rendre des compte pour les atteintes aux droits humains et le droit des victimes à la justice, à la vérité et à des réparations continuaient d’être gravement compromis, les policiers s’abstenant de dresser des procès-verbaux introductifs, d’ouvrir des enquêtes et d’appliquer les décisions de justice, notamment dans des cas présumés d’exécution extrajudiciaire, de traite d’êtres humains, de violence liée au genre et de torture et autres mauvais traitements.
En juillet, des éléments médicolégaux recueillis par la CNDH concernant la disparition forcée et l’exécution extrajudiciaire de cinq étudiants dans le district de Dhanusha, en 2003, ont confirmé l’identité des victimes, qui avaient été tuées à bout portant, les yeux bandés, avec des munitions alors utilisées uniquement par l’armée népalaise. La police avait retardé son enquête depuis quatre ans, invoquant un manque de preuve, et à la fin de l’année elle n’avait rien entrepris pour donner suite à ces nouvelles conclusions.

VIOLENCES DANS LA RÉGION DU TERAÏ

En raison d’une culture de l’impunité régnant de longue date dans le pays, et malgré un recul des activités des groupes armés dans la région du Teraï (ou Madhes), des violations des droits humains commises par la police continuaient d’être signalées, notamment des détentions arbitraires, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires. La police s’abstenait de dresser des procès-verbaux introductifs, de mener des enquêtes et d’appliquer les décisions de justice pour ces infractions.
C. K. Raut, ardent défenseur de l’indépendance du Teraï, a été arrêté et inculpé de sédition le 8 octobre en raison de sa participation présumée à des « activités antinationales » ; il avait appelé à un « Madhes indépendant ». Remis en liberté sous caution, il a par la suite été arrêté à plusieurs reprises pour avoir tenté d’organiser des rassemblements publics.
Plusieurs de ses sympathisants ont également été arrêtés et blessés lors d’opérations de répression menées par la police contre des réunions publiques.

DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS

Au moins 500 000 Népalais ont émigrévia des canaux officiels pour trouver du travail, principalement dans des secteurs requérant peu de qualifications tels que la construction, l’industrie manufacturière et le service domestique. Beaucoup continuaient de faire l’objet de la traite à des fins d’exploitation et de travail forcé organisée par des agences de recrutement et des intermédiaires.
Les recruteurs trompaient les travailleurs migrants sur la rémunération et les conditions de travail et leur faisaient payer des commissions dépassant les plafonds fixés par le gouvernement, obligeant ainsi nombre d’entre eux à souscrire des prêts à des taux exorbitants. Les femmes de moins de 30 ans n’étaient toujours pas autorisées à émigrer dans les États du Golfe pour y travailler. Cette mesure destinée à protéger les femmes amenait toutefois un grand nombre d’entre elles à utiliser des réseaux non officiels, ce qui aggravait le risque d’exploitation et d’atteintes aux droits humains. Les inquiétudes quant à la santé et la sécurité de ces personnes ont été mises en évidence quand le nombre de décès de travailleurs à l’étranger a atteint 880 pour la période allant de juillet 2013 à juillet 2014.
Le gouvernement a fait des efforts pour résoudre les problèmes de la traite et de la corruption dans le processus de recrutement. Dans la pratique, pourtant, des agences de recrutement peu scrupuleuses continuaient d’agir en toute impunité alors que les victimes de la traite et leurs familles se heurtaient à des obstacles considérables quand elles tentaient d’accéder à des mécanismes permettant de porter plainte et d’obtenir une indemnisation, tels que le Fonds de prévoyance pour l’emploi à l’étranger.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

La police continuait d’infliger des actes de torture et d’autres mauvais traitements à des hommes, des femmes et des enfants, en particulier en détention provisoire, à des fins d’intimidation et pour extorquer des « aveux ». En avril, le Comité des droits de l’homme [ONU] a rappelé au Népal son obligation de promulguer une loi définissant la torture et l’érigeant en crime, et d’instaurer de véritables sanctions et recours pour le crime de torture et les autres formes de mauvais traitements, conformément aux normes internationales. À la fin de l’année 2014, aucune mesure n’avait été adoptée en ce sens.

DISCRIMINATION

Les discriminations, fondées notamment sur le genre, la caste, la classe sociale, l’origine ethnique et la religion, persistaient. Les victimes étaient soumises à l’exclusion et à des mauvais traitements, ainsi qu’à la torture, y compris au viol et à d’autres violences sexuelles. La situation des femmes appartenant à des groupes marginalisés, notamment celle des dalits et des femmes les plus pauvres, restait particulièrement pénible en raison des multiples formes de discrimination qu’elles subissaient. La Loi de 2011 contre la discrimination fondée sur la caste et l’intouchabilité n’a été appliquée que dans quelques rares affaires pénales, par méconnaissance de ce texte et parce que les victimes n’osaient pas signaler les agressions.
La législation sur le viol restait inappropriée et reflétait toujours des comportements discriminatoires vis-à-vis des femmes.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS ET DROIT À LA SANTÉ

Les femmes et les filles au Népal continuaient de subir une forte discrimination liée au genre. Cette discrimination entravait leur capacité à contrôler leur sexualité et à faire des choix en matière de procréation, notamment en ce qui concerne l’utilisation de la contraception, à refuser le mariage précoce, à recevoir les soins prénatals et de santé maternelle appropriés et à avoir accès à une alimentation suffisante et nutritive. Elle les exposait également au risque de subir des violences domestiques, notamment le viol conjugal. L’une des conséquences de ces facteurs était le risque de prolapsus utérin auquel ces femmes restaient fortement exposées, souvent à un âge très précoce.
Les mesures prises par le gouvernement pour éradiquer la discrimination liée au genre subie par les femmes et les filles ne permettaient toujours pas de réduire le risque de prolapsus utérin. Malgré les progrès enregistrés en terme de baisse de la mortalité maternelle, les besoins en matière de contraception étaient encore très loin d’être satisfaits et un grand nombre de femmes et de filles n’avaient pas accès à des assistants obstétriques qualifiés. Du fait des disparités entre groupes ethniques et régions géographiques, ce problème était particulièrement aigu pour les femmes dalits, les femmes musulmanes et les femmes vivant dans la région du Teraï. Le plan quinquennal d’action nationale du gouvernement en faveur des droits humains exprimait, entre autres, l’intention du ministère de la Santé et de la Population d’« adopter des mesures de prévention pour mettre un terme au problème du prolapsus utérin ». Cette initiative était encourageante mais aucune précision n’était donnée sur les mesures à prendre ou sur la manière dont le gouvernement avait prévu d’assurer leur mise en œuvre.

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