CAMBODGE

Royaume du Cambodge

Chef de l’État : Norodom Sihamoni Chef du gouvernement : Hun Sen

Le respect de la liberté d’expression, d’association et de réunion s’est affaibli et les rassemblements publics ont été interdits pendant sept mois. Les autorités ont eu recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques et des personnes ont été blessées et tuées. Des défenseurs des droits humains et des militants politiques ont été en butte à des menaces, des manœuvres de harcèlement, des poursuites judiciaires et parfois à des violences. L’impunité des auteurs d’atteintes aux droits humains a persisté ; des cas d’homicides et de passages à tabac n’ont ainsi pas fait l’objet d’enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes. Deux nouvelles condamnations des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens pour crimes contre l’humanité sous le régime des Khmers rouges se sont traduites par des peines de réclusion à perpétuité ; un second procès contre les mêmes accusés était en cours.
Des milliers de personnes ont été spoliées de leurs terres par des entreprises privées pour des projets agroalimentaires ou de développement ; elles ont été victimes d’expulsions forcées et ont perdu leurs terres, leur logement et leurs moyens de subsistance.

CONTEXTE

En juillet, le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), une formation d’opposition, a mis un terme à son boycott de l’Assemblée nationale, qui a duré un an, après un accord sur la réforme électorale conclu avec le Premier ministre Hun Sen et son Parti du peuple cambodgien (PPC) au pouvoir. L’opposition, qui a remporté 55 sièges sur 123 lors des élections législatives de juillet 2013, a dénoncé une fraude électorale en faveur du PPC.
Deux nouvelles lois – la Loi sur l’organisation des tribunaux et la Loi sur le statut des juges et des procureurs – ont été adoptées en juillet, et la Loi relative à l’organisation et au fonctionnement du Conseil suprême de la magistrature a été modifiée. Ces lois accordaient au ministère de la Justice et au Conseil suprême de la magistrature des pouvoirs excessifs sur les juges et les procureurs, ce qui est contraire aux normes internationales.
Malgré une vague de critiques émanant d’organisations de défense des droits humains et des réfugiés, notamment du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Cambodge a signé en septembre un protocole d’accord controversé avec l’Australie, par lequel il acceptait d’accueillir pour leur réinstallation un nombre indéterminé de réfugiés reconnus se trouvant sur l’île de Nauru, dans l’océan Pacifique.
L’Australie s’est engagée à couvrir les coûts de réinstallation et de services pour l’accueil des réfugiés au Cambodge pendant un an et à apporter un soutien supplémentaire d’une valeur de 40 millions de dollars des États- Unis sur une période de quatre ans.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Les forces de sécurité ont recouru à une force excessive en réprimant des rassemblements pacifiques, et des personnes ont été blessées et d’autres tuées. Le 2 janvier, 10 hommes, dont quatre défenseurs des droits humains, ont été frappés à coups de bâton en bois et de barre métallique, puis arrêtés lors d’une opération militaire violente contre des manifestations majoritairement pacifiques menées par des ouvriers d’usines textiles en grève.
Le lendemain, quatre hommes ont été tués par balle, et 21 autres blessés par des tirs à balles réelles des forces de sécurité lors de violents affrontements avec des ouvriers du textile en grève et d’autres manifestants dans le district de Pur Senchey, à Phnom Penh, la capitale. Même si certains manifestants ont jeté des pierres, la vie des membres des forces de sécurité ou d’autres personnes n’avait pas été mise en danger. L’usage de balles réelles n’était manifestement pas nécessaire et il constitue donc une violation des normes internationales. Parmi les dizaines de personnes qui ont été hospitalisées, un grand nombre souffraient de blessures par balle. Certaines victimes étaient encore des adolescents. Ainsi, Khem Saphath, âgé de 16 ans, avait une blessure par balle lorsqu’il a été aperçu pour la dernière fois et serait vraisemblablement mort1.
Tout au long de l’année, des agents de sécurité de district et des hommes en civil ont été déployés pour disperser des manifestations à Phnom Penh. Ils ont fait usage d’armes telles que des bâtons, des matraques en bois, des barres métalliques, des armes à impulsions électriques et des lance-pierres. Des observateurs de la situation des droits humains et des journalistes étaient au nombre des personnes qui ont été spécifiquement prises pour cible et battues.
En juin, le Cambodge a rejeté les recommandations des États qui participaient à l’examen du bilan du gouvernement en matière de droits humains dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme [ONU]. Ils demandaient au pays d’enquêter sur le recours excessif à la force contre des manifestants et sur les homicides survenus pendant des manifestations, et de mettre fin à l’impunité dont jouissaient les auteurs de ces actes. Personne n’a eu à rendre de comptes pour les blessures infligées et pour les morts.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Le 5 janvier, le ministère de l’Intérieur a annoncé que les mouvements de protestation « devaient être provisoirement suspendus », après trois jours de répression des manifestations au cours desquels au moins quatre personnes ont été tuées et 23 arrêtées. Les demandes d’autorisation de rassemblements à Phnom Penh déposées auprès des autorités par des groupes et des personnes ont à maintes reprises été rejetées. En avril, le parc de la Liberté – un parc de la capitale désigné comme lieu de rassemblement pacifique dans la Loi relative aux manifestations pacifiques – a été barricadé avec du fil barbelé. Ceux qui ont essayé de se rassembler malgré l’interdiction ont été violemment dispersés par les forces de sécurité. Les restrictions à la liberté de réunion pacifique ont été assouplies et le parc de la Liberté a rouvert en août, à la suite d’un accord politique conclu entre le gouvernement et le parti d’opposition.
En plus des 10 arrestations du 2 janvier, 13 autres travailleurs ont été arrêtés le 3 janvier pendant les affrontements meurtriers dans le district de Pur Senchey, à Phnom Penh. Parmi ces 23 hommes arrêtés, certains ont été roués de coups par les forces de sécurité et privés de soins médicaux. Ils ont tous été inculpés de violences volontaires et d’autres infractions et placés en détention.
En mai, ils ont été déclarés coupables à l’issue de procès considérés comme inéquitables par des observateurs locaux ; leurs peines ont été suspendues et ils ont tous été libérés.
Huit responsables du parti d’opposition PSNC ont été arrêtés et inculpés d’incitation à l’« insurrection » après un violent affrontement entre des sympathisants du PSNC et des agents de sécurité du district lors d’une tentative de rassemblement pacifique au parc de la Liberté en juillet. Ils ont tous été libérés une semaine plus tard, au moment de la conclusion de l’accord politique. Cependant, 10 militants d’un mouvement de jeunesse et un responsable du PSNC, dont cinq se trouvaient en détention provisoire, ont ensuite été assignés à comparaître devant un tribunal le 25 décembre pour « insurrection ». Le procès a été reporté à janvier 2015. Une action en justice a été engagée en septembre contre six dirigeants syndicaux pour « provocation ».
Ils n’ont pas été placés en détention mais le tribunal a émis des ordonnances de surveillance à leur encontre, ce qui signifie qu’ils ne pouvaient pas participer à des manifestations ou en organiser.
En novembre, sept défenseures du droit au logement de la communauté de Boeung Kak ont été incarcérées pour une durée d’une année à l’issue d’un procès sommaire, pour avoir participé à une manifestation pacifique dans la rue. Trois autres femmes ainsi qu’un moine bouddhiste ont également été emprisonnés pour avoir réclamé leur libération devant le tribunal3.
La tenue de réunions et forums a aussi été empêchée par les autorités locales dans d’autres endroits du pays. En mars et en juin, le Réseau de la jeunesse cambodgienne a tenté d’organiser dans la province de Kampong Thom des sessions de formation sur des questions relatives aux droits humains, en particulier sur le problème de l’exploitation forestière illégale, mais ces sessions ont été interrompues par la police armée. En juin, un forum public sur l’exploitation forestière illégale dans la province de Preah Vihear, qui avait été prévu à l’avance, a également été interdit.

CONFLITS FONCIERS

Les conflits relatifs à la terre se sont poursuivis, avec notamment des conflits portant sur des spoliations de terres, des expulsions forcées, des concessions d’exploitation et des préoccupations environnementales. Ils ont donné lieu à une multiplication des mouvements de protestation et des confrontations, impliquant souvent les autorités locales et des entreprises privées. En avril, la Ligue cambodgienne des droits de l’homme (LICADHO), organisation cambodgienne de défense des droits humains, a estimé que le nombre total de personnes touchées depuis 2000 par les spoliations de terres et les expulsions forcées dans les 13 provinces observées – soit la moitié du pays environ – avait dépassé le demi-million.
Des conflits fonciers n’étaient toujours pas résolus, laissant des milliers de personnes sans logement adéquat et sans terre, et donc dans l’impossibilité de gagner leur vie, ou en danger d’expulsion forcée. En mars, l’Association pour les droits de l’Homme et le développement au Cambodge (ADHOC) a de nouveau déposé des plaintes auprès des autorités concernées au nom de quelque 11 000 familles impliquées dans des conflits prolongés, dont certains duraient depuis plus de 10 ans. Les familles appartenaient à 105 communautés de 17 des 25 provinces cambodgiennes.
Alors que les autorités ont promis à de nombreuses reprises qu’une solution serait trouvée, plus de 100 familles sur les 300 expulsées de force du quartier de Borei Keila à Phnom Penh en janvier 2012 étaient toujours sans abri et vivaient dans des conditions particulièrement difficiles.
En octobre, un groupe d’experts en droit international a transmis des informations à la Cour pénale internationale au nom de 10 victimes, affirmant que la spoliation de terres « généralisée et systématique » par le gouvernement cambodgien constituait un crime contre l’humanité.

JUSTICE INTERNATIONALE

En août, Nuon Chea, 88 ans, ancien numéro deux du régime des Khmers rouges, et Khieu Samphan, 83 ans, ancien chef d’État de ce régime, ont été condamnés à la réclusion à perpétuité par les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC, chargées de juger les crimes des Khmers rouges). Ils ont été reconnus coupables de l’évacuation forcée de la population de Phnom Penh et d’autres déplacements forcés, ainsi que de l’exécution de soldats de la République khmère, le régime renversé par les Khmers rouges. Ils ont tous les deux fait appel de leur peine. Onze projets de réparation élaborés par des victimes avec des financements externes ont aussi été approuvés par les CETC.
Les audiences de l’affaire 002/02, qui concerne également ces deux hommes, ont débuté en octobre. Cette affaire porte sur des crimes contre l’humanité présumés dans des coopératives agricoles et dans un centre de sécurité de la province de Takeo.

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