Les forces de sécurité pratiquaient en toute impunité les placements illégaux en détention et la torture, les autorités persistant à invoquer la Loi relative à la prévention du terrorisme pour arrêter et incarcérer des suspects sans inculpation ni procès. Des défenseurs des droits humains et des proches de victimes de disparition forcée ont été menacés et arrêtés, et des agressions mortelles contre les membres de minorités religieuses sont demeurées impunies. Devant l’impunité systématique pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a adopté, en mars, une résolution demandant une enquête approfondie qui serait menée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU], initiative que le gouvernement a contestée et à laquelle il a refusé de coopérer. Certains défenseurs des droits humains ont été menacés de représailles par des représentants et des partisans du gouvernement, qui les soupçonnaient de contacter des enquêteurs ou de mener d’autres actions pour promouvoir l’obligation de rendre des comptes en matière de droits humains. Des actes de violence politique et d’intimidation – visant essentiellement les partisans de l’opposition politique et les militants de la société civile ont été signalés dans la phase préalable à l’élection présidentielle anticipée prévue pour janvier 2015.
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Les Tamouls soupçonnés de liens avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) continuaient d’être arrêtés et détenus au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme et non du droit commun. La Loi relative à la prévention du terrorisme autorisait la détention administrative prolongée et faisait reposer la charge de la preuve sur les détenus qui affirmaient avoir subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Elle restreignait également la liberté d’expression et d’association, et elle a été utilisée pour procéder à l’arrestation de détracteurs.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
La torture et les autres mauvais traitements infligés aux détenus – y compris des violences sexuelles – restaient des pratiques très répandues au Sri Lanka, notamment au moment de l’arrestation et pendant les phases initiales de la détention provisoire. Des victimes ont dénoncé des cas de torture contre des détenus adultes et mineurs : il s’agissait notamment de personnes arrêtées dans le contexte d’opérations de sécurité ainsi que de personnes soupçonnées d’infractions de droit commun.
RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
L’utilisation excessive et injustifiée de la force, provoquant la mort de manifestants, continuait à être dénoncée et demeurait impunie. En mai, quatre officiers de l’armée suspendus à l’issue d’une enquête interne concernant des tirs à balles réelles, en 2013, sur des manifestants qui protestaient contre la pollution de l’eau à Weliweriya et dont certains avaient été tués ont été réintégrés dans leurs fonctions et affectés à de nouveaux postes. Lors de cet épisode, l’une des victimes aurait été battue à mort alors qu’elle s’était réfugiée dans une église. Le rapport de l’armée sur la fusillade n’a pas été rendu public.
MORTS EN DÉTENTION
En juin, le Friday Forum, un mouvement citoyen non officiel, a appelé l’inspecteur général de la police à prendre des mesures contre les homicides de personnes soupçonnées d’infractions pénales pendant leur détention par la police. La police a souvent affirmé que les suspects avaient été abattus pour des raisons de légitime défense ou parce qu’ils essayaient de s’évader. L’Ordre des avocats du Sri Lanka a également condamné l’homicide de suspects détenus par la police. À la fin de 2013, quatre hommes arrêtés pour le meurtre présumé d’un agent de police et de son épouse sont morts dans des circonstances suspectes en l’espace de deux semaines. L’Ordre des avocats a publié en décembre 2013 un communiqué constatant avec préoccupation que les justifications de la police étaient pratiquement identiques aux explications fournies lors d’anciennes affaires et que les décès étaient selon toute apparence des exécutions extrajudiciaires.
DISPARITIONS FORCÉES
La Commission présidentielle ad hoc chargée d’enquêter sur les plaintes relatives aux personnes disparues (Commission des disparitions) a été créée en août 2013 pour examiner des plaintes déposées entre le 10 juin 1990 et le 19 mai 2009. Elle a reçu environ 15 000 plaintes concernant des civils et environ 5 000 concernant des militaires. En août 2014, il semble que la Commission avait ouvert une enquête pour moins de 5 % de ces affaires, soit 462 plaintes. Certaines des plaintes, que la Commission a déclaré analyser dans le cadre d’une enquête plus approfondie, pouvaient dater de plus de 10 ans.
IMPUNITÉ
De graves violations du droit international commises pendant le conflit armé restaient impunies, notamment en ce qui concerne des cas de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de pilonnage délibéré de civils et de zones protégées, comme les hôpitaux. Le gouvernement a nié l’existence de ces atteintes jusqu’au 15 juillet, date à laquelle il a annoncé que la Commission des disparitions serait également chargée d’enquêter sur d’autres crimes présumés relevant du droit international. Un groupe d’avocats internationaux a été nommé pour conseiller le gouvernement.
RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE
Le Sri Lanka a détenu et renvoyé de force des demandeurs d’asile sans évaluer convenablement leurs demandes, y compris dans le cas de personnes qui étaient enregistrées auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et qui attendaient un entretien. Les autorités ont arrêté et détenu 328 demandeurs d’asile entre juin et mi-septembre, et elles ont expulsé 183 d’entre eux vers le Pakistan et l’Afghanistan. Le HCR a déclaré en septembre qu’à sa connaissance, le sort de plus de 100 personnes en détention, dont 38 Pakistanais et 64 Afghans, restait préoccupant. Nombre de ces personnes appartenaient à des minorités religieuses victimes de discriminations et de violences dans leurs pays d’origine.
DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Les autorités ont continué de menacer, de harceler et d’arrêter des défenseurs des droits humains, notamment des avocats, des proches de personnes disparues et d’autres militants. Aucun des faits portés à la connaissance d’Amnesty International n’a donné lieu à une véritable enquête ou à des poursuites judiciaires. Ceux et celles qui voulaient imposer l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains passées et présentes ont subi des actes de harcèlement et des menaces, notamment dans le cas de défenseurs des droits humains qui tentaient de communiquer leurs préoccupations aux Nations unies.
Certaines personnes, soupçonnées de porter ces questions à l’échelon international grâce à leurs relations avec des collègues étrangers, ont été arrêtées. Des militantes dans le nord du Sri Lanka ont été arrêtées et interrogées. Balendran Jeyakumari, dont le fils aurait été victime de disparition forcée, est toujours incarcérée depuis sa mise en détention arbitraire au mois de mars, au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme. Des défenseurs reconnus des droits humains, Ruki Fernando et Praveen Mahesan, ont subi des restrictions imposées par les tribunaux après avoir été arrêtés alors qu’ils cherchaient à enquêter sur le cas de cette femme1.
DROITS À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE RÉUNION PACIFIQUE, D’ASSOCIATION ET DE CIRCULATION
Selon des informations persistantes, des actes d’intimidation et de harcèlement ont été commis par des agents de l’État contre des journalistes, qui ont fait notamment l’objet d’agressions physiques, de menaces de mort et de poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques. Les auteurs ont agi en toute impunité dans ces affaires : aucun des incidents n’a fait l’objet d’une enquête sérieuse et les personnes soupçonnées d’infractions n’ont pas été traduites en justice. L’impunité persistait par ailleurs dans des affaires plus anciennes de violences contre des journalistes, y compris des homicides illégaux et des disparitions forcées.
Le 18 mai, cinquième anniversaire de la fin du conflit armé au Sri Lanka, l’armée a mis sous scellés les bureaux d’un journal publié à Jaffna, Uthayan. Le journal et ses employés avaient déjà subi des fermetures forcées, des menaces et des agressions brutales.
Des organisations de la société civile ont également subi des pressions. Le 1er juillet, le ministère de la Défense a publié un mémorandum à l’attention de « toutes les organisations non gouvernementales » pour leur intimer de ne plus organiser de conférences de presse, d’ateliers et de formations pour les journalistes, et de ne plus diffuser de communiqués de presse.
Dans de nombreuses régions du pays, des étudiants ont été violemment agressés et les autorités ont multiplié les initiatives pour les empêcher de s’organiser, y compris en interdisant les associations étudiantes et en renvoyant des étudiants militants.
En octobre, des restrictions sur les déplacements ont de nouveau été imposées, obligeant ainsi les voyageurs étrangers souhaitant aller dans la province du Nord à obtenir une autorisation du ministère de la Défense.
En décembre, des observateurs électoraux ont pris note du signalement de dizaines de cas de violences politiques, notamment des attaques contre des rassemblements politiques, des agressions et des incendies volontaires, imputés pour la plupart à des membres du parti au pouvoir.
JUSTICE
L’indépendance des institutions judiciaires au Sri Lanka a été compromise par la suppression des mécanismes de contrôle qui protégeaient la séparation des pouvoirs. Le 18e amendement de la Constitution, adopté en 2010, a donné au chef de l’État l’autorité de nommer et de limoger les responsables suivants : le président et les juges de la Cour suprême, le président et les juges de la Cour d’appel, le procureur général et les membres de la Commission des services judiciaires, qui est l’organe responsable des nominations, des mutations, des licenciements et du contrôle disciplinaire du personnel judiciaire. En 2013, après que la Cour suprême s’est prononcée contre le gouvernement dans plusieurs affaires de premier plan, le Parlement a engagé une procédure de destitution contre le président de la Cour suprême, qui a ensuite été démis de ses fonctions par le chef de l’État, malgré un arrêt de la Cour suprême rendant cette procédure inconstitutionnelle.
DISCRIMINATION – AGRESSIONS CONTRE LES MINORITÉS
Les discriminations se sont poursuivies contre les minorités ethniques, linguistiques et religieuses, et notamment les Tamouls, les musulmans et les chrétiens. Les minorités ont été visées par des restrictions arbitraires des droits à la liberté d’expression et d’association. Les Tamouls, notamment ceux qui vivent dans le nord du pays, ont été la cible de harcèlement, de menaces et d’arrestations de la part des forces de sécurité, qui les soupçonnaient d’être des partisans des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) ou d’entretenir des liens avec ce groupe – principalement sur la base de leur appartenance ethnique et de leur lieu d’origine ou de résidence.
Dans le nord du pays, l’armée et la police ont réprimé avec force le droit des Tamouls de demander justice publiquement et de célébrer la mémoire ou porter le deuil des personnes tuées pendant le conflit armé. Les pratiques religieuses hindoues et chrétiennes ont fait l’objet de restrictions dans les communautés tamoules du nord du Sri Lanka lors de dates clés. L’armée exigeait que tous les rassemblements publics, y compris les événements familiaux, soient signalés aux autorités militaires locales, ce qui a découragé la participation à ces activités.
La police n’a pas protégé les minorités religieuses lorsqu’elles subissaient des violences des forces de l’ordre locales et elle n’a pas arrêté les auteurs de ces violences même quand il existait des preuves photographiques permettant de les identifier. Les menaces, le harcèlement et les attaques contre les musulmans, les chrétiens et leurs lieux de culte se sont intensifiés lors de violences de grande ampleur survenues en juin 2014 dans un quartier musulman d’Aluthgama, provoquant des morts et des blessés parmi les habitants, ainsi que la destruction de maisons et de commerces.