Rapport Annuel 2014/2015

POLOGNE

République de Pologne

Chef de l’État : Bronislaw Komorowski

Chef du gouvernement : Ewa Kopacz (a remplacé Donald Tusk en septembre)

L’ancien président polonais a reconnu que son pays avait accueilli une prison secrète de la CIA. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Pologne pour complicité avec la CIA dans son programme de détention secrète et de torture. La protection et le respect des droits sexuels et reproductifs restaient problématiques.
La Pologne n’avait pas ratifié la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [Conseil de l’Europe].

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

La Pologne est le premier État membre de l’Union européenne à avoir été reconnu complice des programmes américains de restitution et de détention secrète autorisés par le président George W. Bush au lendemain des attentats perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, dans deux arrêts distincts rendus en juillet, que le gouvernement polonais s’était rendu coupable de collusion avec la CIA, dans le cadre de la mise en place d’une prison secrète à Stare Kiejkuty, où les détenus étaient clandestinement enfermés, soumis à des disparitions forcées et torturés. Les deux requérants, Abd al Rahim al Nashiri et Zayn al Abidin Muhammad Husayn (Abu Zubaydah), avaient saisi la Cour en 2011 et 2013, respectivement. De nationalité saoudienne, Abd al Rahim al Nashiri est soupçonné d’avoir organisé l’attentat à la bombe commis en 2000 contre le navire USS Cole, au large des côtes du Yémen. Il affirmait avoir été interrogé dans un centre secret en Pologne et soumis à des « techniques d’interrogatoire poussé » et à d’autres violations des droits humains, notamment un « simulacre d’exécution » avec un pistolet et des menaces d’agression sexuelle visant les membres de sa famille. Palestinien apatride né en Arabie saoudite, Abu Zubaydah disait lui aussi avoir été détenu en Pologne, où il affirmait avoir subi des traitements entraînant une douleur physique et une souffrance psychologique extrêmes, notamment par la méthode de torture dite du waterboarding, soumettant la victime à un simulacre de noyade. Abd al Rahim al Nashiri risquait d’être traduit devant une commission militaire à Guantánamo et encourait la peine de mort.
La Cour a estimé que la Pologne avait violé la Convention européenne des droits de l’homme concernant, entre autres, l’absence d’enquête sur les affirmations des deux hommes, les actes de torture et autres mauvais traitements qu’ils avaient subis, leur détention secrète et leur transfert vers des lieux où ils risquaient de subir d’autres violations des droits humains.
Elle a également réaffirmé le droit des victimes et du public à connaître la vérité. Le gouvernement polonais a demandé en octobre à la Grande Chambre de la Cour européenne de réexaminer ces deux affaires. La Grande Chambre n’avait pas statué sur sa requête à la fin de l’année.
Un troisième homme qui affirmait avoir été détenu sur un site secret en 2003 avait obtenu en octobre 2013 le statut de « personne blessée » dans le cadre de l’enquête ouverte par les autorités polonaises sur le site géré par la CIA. Cet homme, un ressortissant yéménite du nom de Walid bin Attash, est actuellement détenu à Guantánamo Bay et attend d’être jugé par une commission militaire. Un quatrième, Mustafa al Hawsawi, a déposé une demande auprès du parquet pour être reconnu comme « personne blessée » dans le cadre de l’enquête en cours sur les allégations concernant les programmes de restitution et de détention secrète. Le parquet examinait à la fin de l’année l’opportunité de revenir sur une décision antérieure, aux termes de laquelle la requête de Mustafa al Hawsawi avait été rejetée.
Après des années de dénégation, l’ancien président Alexandre Kwasniewski a reconnu en décembre que la Pologne avait abrité sur son sol une prison secrète de la CIA, où des personnes avaient été détenues entre 2002 et 2003. Cet aveu est intervenu après la publication d’un résumé (expurgé d’un grand nombre d’informations) d’un rapport du Sénat des États-Unis sur le programme de détention secrète de la CIA. La Pologne n’était pas nommément citée, mais les faits concernant ce qui était désigné dans le rapport du Sénat comme le « site bleu » concordaient avec les dates de détention et les récits de torture faits par Abu Zubaydah et Abd al Rahim al Nashiri dans leur requête auprès de la Cour européenne.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

Malgré l’arrêt rendu en octobre 2012 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire P. et S. c. Pologne, estimant que la Pologne, en refusant à une jeune fille de 14 ans le droit de subir une interruption volontaire de grossesse, avait violé le droit à la vie privée et le droit de ne pas faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants, le pays n’a guère fait de progrès en matière d’accès à l’avortement légal. Les autorités n’ont pas mis en place de mesures destinées à appliquer réellement la loi sur l’interruption volontaire de grossesse et garantissant que le droit des membres du corps médical à invoquer une clause de conscience ne puisse pas compromettre le libre accès des femmes à des services officiels.
En juin, une femme s’est vu refuser un avortement alors que les tests prénataux qui avaient été pratiqués indiquaient que le fœtus présentait des lésions graves et irréversibles. Bien que la loi permette l’avortement dans ce genre de cas, le directeur de l’hôpital public de Varsovie où s’était rendue la patiente a refusé d’autoriser que l’intervention ait lieu dans son établissement. Il a invoqué la clause de conscience, alors que celle-ci ne peut être mise en avant que par des personnes, et non par des institutions. L’enfant est mort 10 jours après sa naissance. En juillet, le ministère de la Santé a imposé une amende à cet hôpital, pour violation des droits de la patiente, et la maire de Varsovie a démis le directeur de ses fonctions. Réagissant à cette affaire, le bureau de la commissaire aux droits des patients a recommandé au gouvernement de modifier la réglementation sur la clause de conscience.

DISCRIMINATION

En mars, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a déploré l’augmentation des crimes motivés par la haine, et notamment des agressions antisémites. Il a dénoncé l’absence de disposition dans le Code pénal établissant le mobile raciste comme une circonstance aggravante d’un crime ou d’un délit.
La législation contre les discriminations n’accordait pas une protection égale dans tous les domaines et pour tous les motifs. La discrimination fondée sur l’identité sexuelle n’était pas expressément interdite. En matière d’orientation sexuelle, elle ne l’était que dans le monde du travail.

JUSTICE

La loi sur les mesures à l’égard des personnes présentant des troubles mentaux est entrée en vigueur en janvier. Elle permettait aux tribunaux d’imposer des mesures préventives aux condamnés souffrant de troubles mentaux susceptibles de menacer la vie, la santé ou la liberté sexuelle d’autrui. Parmi les mesures possibles figurait notamment l’isolement dans des unités psychiatriques fermées, une fois la peine d’emprisonnement purgée. Le président de la République a saisi la Cour constitutionnelle sur ce texte.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Entrée en vigueur en mai, la nouvelle Loi sur les étrangers portait à 24 mois la durée possible de détention d’un demandeur d’asile. Selon la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme et l’Association pour l’intervention juridique, deux ONG polonaises, près d’un quart des personnes détenues dans les centres pour migrants était des mineurs.
En octobre, la Cour européenne des droits de l’homme a demandé au gouvernement polonais de clarifier les circonstances dans lesquelles était intervenue la détention administrative d’une demandeuse d’asile tchétchène et de ses cinq enfants. Tous les six avaient été renvoyés en mars en Tchétchénie, alors que la procédure d’asile n’était pas achevée.

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