Rapport Annuel 2014/2015

ROYAUME-UNI

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Chef de l’État : Elizabeth II

Chef du gouvernement : David Cameron

Le Premier ministre a confirmé qu’en cas de victoire du Parti conservateur aux élections de 2015, le nouveau gouvernement abrogerait la Loi relative aux droits humains. La lumière n’était toujours pas faite sur les allégations faisant état d’actes de torture perpétrés dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme à l’étranger. Le gouvernement a fait adopter une loi étendant les pouvoirs en matière d’interception des données de communication. Les mécanismes de reddition de comptes pour les violations des droits humains et les violences commises dans le passé en Irlande du Nord n’étaient toujours pas satisfaisants. L’accès à l’avortement restait extrêmement limité en Irlande du Nord.

ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES, CONSTITUTIONNELLES OU INSTITUTIONNELLES

Lors du référendum organisé en Écosse en septembre, les électeurs se sont prononcés contre l’indépendance.
Les organisations à but non lucratif et les organisations de la société civile ont fait part de leurs préoccupations concernant la Loi sur la transparence des lobbies, le soutien aux partis politiques et l’encadrement des syndicats qui est entrée en vigueur en septembre. Les dispositions du texte pourraient restreindre de manière significative leurs activités de campagne destinées au public durant une « période réglementée » avant des élections nationales.
Les réductions imposées en 2012 et 2013 à l’aide juridique, notamment en vertu des dispositions de la Loi relative à l’aide judiciaire, à la condamnation et aux peines applicables aux contrevenants, continuaient d’entraver l’accès à la justice. Un projet de loi visant à limiter les possibilités de réexamen judiciaire soulevait lui aussi des inquiétudes.
Le Premier ministre, David Cameron, a confirmé en octobre qu’en cas de réélection du Parti conservateur, le nouveau gouvernement abrogerait la Loi relative aux droits humains pour la remplacer par une Charte des droits. L’objectif était de limiter l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme. Les avant-projets en la matière laissaient craindre d’importantes restrictions quant aux droits.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Detainee inquiry Un rapport sur les travaux préparatoires de l’enquête relative aux détenus (detainee inquiry) a été rendu public en décembre 2013, 23 mois après la clôture par le ministre de la Justice de l’enquête sur les allégations selon lesquelles le Royaume- Uni aurait participé à des actes de torture et d’autres violations des droits fondamentaux infligés à des personnes détenues à l’étranger dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme. Le rapport établissait des axes à suivre pour toute enquête future. Le gouvernement a annoncé que les points soulevés dans le rapport seraient examinés par le Comité du renseignement et de la sécurité, un organe parlementaire, et non dans le cadre d’une enquête publique et indépendante [1]. Le gouvernement a reporté sine die toute éventuelle nouvelle enquête indépendante conduite par un juge.
« Restitutions » à la Libye Dans un arrêt rendu le 30 octobre, la Cour d’appel a estimé qu’il existait des raisons impérieuses justifiant qu’elle exerce sa compétence sur une action au civil déposée par Abdel Hakim Belhaj et son épouse, Fatima Boudchar, pour « restitution », actes de torture et autres formes de mauvais traitements infligés en 2004 par le gouvernement des États-Unis et le gouvernement libyen, au su de responsables britanniques et avec leur coopération [2]. Le gouvernement a formé un recours contre cette décision.
« Assurances diplomatiques » Le gouvernement continuait de s’appuyer sur des « assurances diplomatiques » peu fiables et inapplicables lorsqu’il cherchait à renvoyer des personnes qui, selon lui, représentaient un danger pour la sécurité nationale vers des pays où elles risquaient d’être victimes de violations graves des droits humains, notamment de torture.
En juillet 2013, les autorités britanniques ont expulsé Abu Qatada vers la Jordanie, où, statuant dans deux procès au pénal contre lui, la Cour de sûreté de l’État jordanienne n’a pas écarté les « aveux » obtenus sous la torture (voir Jordanie). En juillet 2014, la Cour d’appel a examiné un recours déposé par huit ressortissants algériens contre une décision de janvier 2013 de la Commission spéciale des recours en matière d’immigration, qui autorisait leur renvoi sous couvert d’« assurances ».
Forces armées en Irak En mai 2013, la Haute Cour de justice a conclu que l’Iraq Historic Allegations Team (IHAT), une unité créée au sein du ministère de la Défense pour enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés à des civils irakiens par les forces armées britanniques entre mars 2003 et juillet 2009, ne s’acquittait pas de l’obligation lui incombant de faire respecter le droit à la vie. Le juge a estimé qu’il fallait mettre en place de petits mécanismes d’enquête, du type de celles menées par un coroner pour établir les causes de la mort en cas de mort violente (appelées inquests), mais a rejeté les arguments des requérants faisant valoir un manque d’indépendance de l’IHAT et la nécessité de la remplacer par une commission d’enquête unique.
La procureure de la Cour pénale internationale a lancé en mai 2014 un nouvel examen préliminaire sur les allégations mettant en cause les forces armées britanniques pour crimes de guerre incluant des mauvais traitements infligés de façon systématique à des détenus en Irak.
En novembre, un juge de la Haute Cour de justice a conclu que deux Pakistanais capturés par les forces britanniques en Irak en 2004 et remis par la suite aux autorités américaines en Afghanistan avaient le droit d’engager devant les tribunaux du Royaume- Uni une action en dommages et intérêts contre le gouvernement britannique.
Les conclusions de l’enquête Al Sweady ont été rendues publiques en décembre. Cette enquête a été ouverte en 2009 pour faire la lumière sur les allégations selon lesquelles des soldats britanniques auraient infligé des actes de torture ou d’autres mauvais traitements à neuf détenus irakiens après des affrontements qui se sont déroulés près de la ville de Majar al Kabir, dans le sud de l’Irak, en 2004. Le rapport indique que les plus graves allégations sont « totalement infondées » mais reconnaît que les pratiques relatives au traitement des détenus ont été « peu satisfaisantes », « mises en place de manière ponctuelle », et aggravées par le manque de supervision des soldats.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

Dans son arrêt d’octobre 2013 concernant l’affaire R. v. Gul, la Cour suprême, faisant référence à des rapports de l’Expert indépendant chargé d’étudier la législation antiterroriste, a exprimé des préoccupations quant à une définition trop large du terrorisme dans les textes. En février 2014, toutefois, la Haute Cour de justice a estimé que la décision, en août 2013, d’interpeller, d’interroger et de placer en détention David Miranda, époux du journaliste Glenn Greenwald, en vertu de l’article 7 de la Loi de 2000 relative au terrorisme était légale et proportionnée. Un recours a été formé contre cette décision. L’Expert indépendant a de nouveau demandé durant l’année qu’une définition moins large du « terrorisme » et des « activités liées au terrorisme » soit adoptée. Les poursuites engagées contre Moazzam Begg ont été abandonnées en octobre. Ce ressortissant britannique était inculpé de sept chefs liés au terrorisme pour des faits concernant la Syrie. Après avoir reçu de nouvelles informations, de la part semble-t-il du service britannique du renseignement MI5, le parquet n’a pas présenté d’élément de preuve devant le tribunal. Le juge a déclaré Moazzam Begg « non coupable » de toutes les charges pesant sur lui [3].
Le gouvernement a déposé en novembre devant le Parlement un projet de loi relative à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité, pour un examen selon la procédure accélérée. Le texte contenait entre autres des dispositions permettant de restreindre les déplacements des personnes soupçonnées d’implication dans des activités liées au terrorisme, et notamment d’exclure des résidents britanniques qui refusent certaines conditions imposées par le gouvernement pour leur retour chez eux. Il étendait aussi les pouvoirs définis dans le cadre de la Loi relative aux mesures d’investigation et de prévention du terrorisme, pour restreindre la liberté, les mouvements et les activités de personnes considérées comme constituant une menace pour la sécurité nationale.

IRLANDE DU NORD

Les mécanismes et les institutions mandatés pour examiner les violations des droits humains commises dans le passé et notamment dans le cadre du conflit travaillaient de manière fragmentée et progressaient à petits pas.
À la suite de nombreuses critiques, un terme a été mis aux travaux de l’Historical Enquiries Team (HET), chargée depuis 2006 de réexaminer tous les cas de décès attribués au conflit en Irlande du Nord. En juillet 2013, l’Inspection royale de la police avait conclu que la HET déployait moins de rigueur pour l’examen des affaires dans lesquelles l’État était impliqué que pour les autres. Le transfert, annoncé en décembre, d’une partie de la mission de la HET à un service spécialisé de la police d’Irlande du Nord, le Legacy Investigative Branch, a suscité des craintes quant à l’indépendance des réexamens à venir.
Le Bureau du médiateur de la police d’Irlande du Nord a fait l’objet en 2013 et 2014 de réformes allant dans le bon sens. Dans un rapport du 30 septembre, l’Inspection de la justice pénale en Irlande du Nord a estimé que la confiance dans la capacité du Bureau du médiateur à enquêter sur les dossiers du passé était « pleinement rétablie ». Le même jour, cependant, des coupes dans le budget du Bureau du médiateur ont entraîné une baisse de 25 % des effectifs affectés au traitement de ces dossiers, ce qui laissait craindre sérieusement qu’il ne puisse mener à bien sa mission.
Le fonctionnement du système d’enquête du coroner en Irlande du Nord restait marqué par un manque de ressources et des lenteurs chroniques. Dans un jugement rendu en novembre, le président de la Haute Cour de justice d’Irlande du Nord a relevé que l’incapacité de l’organe législatif à remédier aux défaillances du système empêchait les coroners de s’acquitter de leur mission de manière efficace et satisfaisante.
Le gouvernement se montrait toujours réticent à instaurer des commissions d’enquête publiques sur des affaires héritées du passé. En septembre 2013, la secrétaire d’État à l’Irlande du Nord a refusé d’instaurer une commission d’enquête sur l’attentat à l’explosif perpétré en août 1998 à Omagh par le groupe armé IRA véritable. Le gouvernement continuait de refuser la mise en place d’une enquête indépendante sur l’assassinat de l’avocat de Belfast Patrick Finucane, en 1989 [4].
En septembre 2013, des pourparlers entre partis se sont ouverts sous la conduite du diplomate américain Richard Haass, dans l’objectif de parvenir à un accord sur les défilés et les manifestations, l’utilisation des drapeaux, symboles et emblèmes, et la façon d’aborder le « passé ». Les pourparlers se sont achevés le 31 décembre 2013 sans qu’un accord ait été obtenu.
Deux mécanismes d’enquête avaient été proposés : une unité d’investigation sur les crimes du passé (Historical Investigation Unit, HIU) et une commission indépendante de recherche d’information (Independent Commission for Information Retrieval, ICIR) [5].
De nouveaux pourparlers, qui ont pris fin en décembre 2014, ont abouti à un accord de principe sur la mise en œuvre de ces deux propositions. Les questions relatives au financement, aux ressources, aux calendriers et au cadre législatif n’avaient cependant pas été totalement résolues à la fin de l’année.
En juin, la chaîne de télévision irlandaise RTÉ a diffusé des documents d’archives récemment découverts qui tendaient à montrer que le Royaume-Uni avait trompé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, sur la question de l’utilisation de cinq méthodes de torture par les forces de sécurité britanniques en Irlande du Nord en 1971 et 1972. Le gouvernement irlandais a demandé une réouverture du dossier à la Cour européenne des droits de l’homme. Les avocats des victimes ont par ailleurs réclamé l’ouverture au Royaume-Uni d’une enquête indépendante et respectueuse des droits humains sur les nouveaux éléments de preuve [6].

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

En Irlande du Nord, l’accès à l’avortement restait limité à des cas exceptionnels, dans lesquels la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille étaient en danger. La Loi de 1967 relative à l’avortement ne s’appliquait pas en Irlande du Nord. Le ministère de la Justice a lancé en octobre une consultation sur l’opportunité de légiférer pour permettre l’accès à l’avortement dans les cas de viol, d’inceste et de non-viabilité du fœtus.

SURVEILLANCE

La Loi relative à la rétention des données et aux pouvoirs d’enquête est entrée en vigueur en juillet. Le texte conférait aux mandats d’interception émis au Royaume-Uni un effet extraterritorial d’une portée potentiellement importante, étendant de ce fait les pouvoirs d’interception des autorités. Les dispositions suffisantes pour garantir qu’une telle surveillance était autorisée et menée dans le respect du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression n’étaient pas en place.
En décembre, l’Investigatory Powers Tribunal (IPT), le tribunal chargé de juger les abus de pouvoir en matière d’enquête, a communiqué la partie publique de sa décision sur le premier volet de la plainte déposée par Amnesty International et d’autres ONG concernant les pratiques des autorités britanniques en matière de surveillance des communications. L’IPT a jugé que ces pratiques de surveillance étaient conformes à la loi. Une partie importante de la procédure s’est tenue dans le secret [7].

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Le gouvernement a annoncé en janvier qu’il allait accueillir au titre de la réinstallation 500 réfugiés syriens particulièrement vulnérables. Le programme Accueil des personnes vulnérables s’adresse en priorité aux victimes de torture et de violences, aux femmes et aux enfants en danger et aux personnes ayant besoin de soins médicaux, telles qu’identifiées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Un jury chargé de déterminer les causes de la mort de Jimmy Mubenga a conclu en mars à un homicide illégal. De nationalité angolaise, Jimmy Mubenga est décédé en 2010 après avoir été immobilisé par des agents d’une société de sécurité privée à bord d’un avion, lors d’une tentative d’expulsion vers son pays d’origine. Les trois agents de sécurité impliqués dans l’opération de renvoi ont été acquittés en décembre du chef d’homicide involontaire.
Dans une affaire concernant une Guinéenne, la Haute Cour de justice a conclu en juillet que la détention prolongée de l’intéressée avait constitué un traitement inhumain et dégradant. Il s’agissait de la sixième décision de ce type depuis 2011.
En décembre, la Cour d’appel a jugé illégale la politique sur laquelle se fonde la procédure d’asile accélérée du Royaume- Uni, qui s’accompagne lorsqu’elle est mise en œuvre du placement en détention du requérant, et confirmé la décision rendue en juillet par la Haute Cour de justice, qui avait estimé que l’accès insuffisant à une représentation juridique rendait la procédure illégale.

TRAITE D’ÊTRES HUMAINS

Le gouvernement a rendu public en juin un avant-projet de loi de lutte contre l’esclavage et la traite des êtres humains en Angleterre et au Pays de Galles. Des modifications ont été apportées au projet de loi sur l’esclavage moderne, afin d’y inclure des dispositions s’appliquant à l’ensemble du Royaume-Uni, notamment l’instauration d’un Commissaire chargé de la lutte contre l’esclavage.
Un texte sur la lutte contre la traite a également été présenté devant l’Assemblée de l’Irlande du Nord en juin, et un texte similaire a été présenté devant le Parlement écossais en décembre.

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