KIRGHIZISTAN

République kirghize

Chef de l’État : Almaz Atambaïev Chef du gouvernement : Djoomart Otorbaïev (a remplacé Jantoro Satibaldiev en avril)

Les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour répondre aux allégations de torture et d’autres mauvais traitements, ni traduire en justice les auteurs présumés de tels actes. Les crimes contre l’humanité et les autres violations des droits humains perpétrés lors des violences de juin 2010 et pendant la période qui a suivi n’ont fait l’objet d’aucune enquête impartiale et approfondie. Plusieurs parlementaires ont déposé des propositions de lois qui, si elles étaient adoptées, auraient un impact négatif sur la société civile. Le prisonnier d’opinion Azimjan Askarov était toujours en détention.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

La torture et les mauvais traitements restaient des pratiques répandues, malgré la mise en place d’un programme d’inspection indépendant des lieux de détention et la création du Centre national pour la prévention de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le Comité contre la torture [ONU] a publié le 20 décembre 2013 ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Kirghizistan. Il se disait entre autres « profondément préoccupé par la pratique persistante et répandue consistant à infliger des actes de torture et des mauvais traitements à des personnes privées de liberté, en particulier pendant la garde à vue, pour leur extorquer des aveux ». Le Comité des droits de l’homme [ONU] a examiné le 23 avril 2014 le deuxième rapport périodique de la République kirghize.
Ces deux organes ont souligné les manquements répétés de l’État partie à son obligation de mener sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur les allégations de torture et de mauvais traitements, et de poursuivre les auteurs présumés de tels actes. Ils se sont également dits préoccupés par l’absence d’enquête approfondie et efficace sur les violences survenues en juin 20101. Les deux Comités ont instamment prié le Kirghizistan de prendre des mesures immédiates et efficaces pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements, en mettant fin à l’impunité, en traduisant en justice les auteurs présumés et en menant des enquêtes sur toutes les allégations de torture et d’autres mauvais traitements, y compris ceux perpétrés dans le contexte des violences de juin 2010.
Le 16 juin 2014, l’organisation régionale de défense des droits humains Spravedlivost (Justice), basée à Djalal-Abad, a relevé deux cas de torture lors d’une visite d’inspection au centre de détention provisoire de la ville. Un membre du corps médical, qui faisait partie de la commission d’inspection, a dressé un constat des traces de torture.
L’un des détenus a déclaré avoir été giflé et frappé à coups de poing et avec un livre par des policiers, qui lui auraient également mis un sac en plastique sur la tête. Il aurait ensuite été enchaîné avec des menottes à un radiateur jusqu’au lendemain. Les mauvais traitements subis avaient entraîné une commotion cérébrale. Un autre détenu a accusé des policiers de l’avoir frappé au larynx, de lui avoir donné des coups de pied dans le ventre et de lui avoir asséné des coups de livre sur la tête. Spravedlivost a porté plainte auprès du parquet de la ville de Djalal-Abad. Le procureur a procédé à des vérifications préliminaires et demandé que les deux détenus soient examinés par un expert médicolégal, mais il a finalement refusé d’ouvrir une information judiciaire sur cette affaire.
La Cour européenne des droits de l’homme a pris en 2014 trois arrêts contre la Russie, dans lesquels elle indiquait que l’extradition des requérants, qui appartenaient à la communauté ouzbèke, vers le Kirghizistan exposerait ces derniers à un risque de torture ou d’autres mauvais traitements.

IMPUNITÉ

Les allégations de torture donnaient rarement lieu à des enquêtes pénales. Au cours du premier semestre 2014, le parquet général a reçu 109 plaintes, mais seules neuf d’entre elles ont débouché sur l’ouverture d’une enquête judiciaire. Sur ces neufs cas, trois seulement ont abouti à un procès. Ceux-ci n’étaient pas achevés à la fin de l’année.
Selon des informations parues dans la presse, le tribunal du district de Sverdlovsk (Bichkek) a condamné le 26 novembre 2013 un policier, Adilet Motouïev, à six ans d’emprisonnement. C’était la première fois qu’un accusé était reconnu coupable d’actes de torture au titre de l’article 305-1 du Code pénal. Le tribunal a conclu qu’Adilet Motouïev avait conduit illégalement un individu dans un commissariat, après l’avoir accusé d’avoir volé un téléphone portable. Le policier a menacé le détenu et l’a contraint à faire des « aveux » en lui tordant les poignets avec des menottes et en l’étouffant au moyen d’un sac en plastique. Un tribunal de deuxième instance l’a cependant acquitté en 2014 des accusations de torture portées contre lui, ne retenant que le chef de comportement non autorisé dans la conduite d’une enquête, pour lequel il l’a condamné à deux années d’emprisonnement.
Les autorités n’ont rien fait pour enquêter équitablement et efficacement sur les violences qui avaient éclaté en juin 2010 dans les villes d’Och et de Djalal-Abad et sur leurs conséquences. Les avocats qui défendaient des membres de la communauté ouzbèke détenus en raison de leur responsabilité présumée dans ces violences continuaient d’être pris pour cible. Ils faisaient l’objet de menaces et d’agressions, jusque dans la salle du tribunal, sans que leurs agresseurs n’aient à rendre de comptes.

PRISONNIERS D’OPINION

Le 3 septembre 2014, la Cour suprême a une fois de plus rejeté le recours déposé par l’avocat d’Azimjan Askarov, qui demandait la réouverture de l’instruction dans l’affaire concernant son client. Le tribunal municipal de Bichkek avait quelques mois plus tôt annulé le jugement du tribunal de district de la capitale, qui avait ordonné que l’affaire soit réexaminée, au motif que la défense avait présenté de nouveaux éléments.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Des militants de la société civile engagés sur des questions ayant trait aux droits humains se sont plaints de pressions exercées sur eux par les autorités en raison de leur action. Ces pressions créaient un sentiment d’insécurité accrue parmi ces militants.
En mai 2014, le ministère de la Justice a proposé de modifier la Loi sur les ONG, afin d’interdire la création d’une ONG sans statut juridique. Si cette proposition était adoptée, elle aurait pour effet de rendre illégales les activités de toutes les ONG non officiellement reconnues. Des députés ont appelé le Parlement à adopter une loi similaire à celle qui a été votée en Russie et qui impose aux ONG de se présenter sous l’appellation peu flatteuse d’« agents de l’étranger », dès lors qu’elles acceptent des fonds étrangers et se livrent à des activités « politiques ». En novembre, la Commission parlementaire des droits humains, du droit constitutionnel et de la structure de l’État a recommandé l’abandon des propositions de modification.

DISCRIMINATION

Le Comité des droits de l’homme [ONU] s’est dit préoccupé par le fait qu’il n’existait pas de législation complète interdisant la discrimination pour des motifs comme la couleur de peau, la langue, le handicap ou l’origine ethnique.
Le 15 octobre, le Parlement a adopté en première lecture un projet de loi interdisant la promotion des relations sexuelles dites « non classiques », aggravant ainsi la vulnérabilité des groupes qui défendent les droits des minorités sexuelles. Ce projet de loi prévoit de sanctionner pénalement tout acte visant à inciter à voir de manière positive les relations sexuelles « non classiques », et restreindrait la liberté d’expression et le droit de se rassembler pacifiquement.
Les membres de la communauté ouzbèke du sud du Kirghizistan restaient exposés aux agressions, en raison de leur appartenance ethnique. Toutefois, les pouvoirs publics qualifiaient ces actes de « houliganisme mineur », s’abstenant d’enquêter de manière approfondie et impartiale sur des faits a priori motivés par la haine de l’autre.
Le 4 août 2014, Kabouljan Osmonov, un membre de la communauté ouzbèke, a dû être traité d’urgence pour des blessures infligées par un groupe d’hommes, décrits par des témoins comme appartenant à la communauté kirghize, qui l’avaient attaqué sans la moindre provocation sur son lieu de travail, à Och, et l’avaient roué de coups, jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Ses agresseurs l’avaient traité de « sart », un qualificatif péjoratif désignant un Ouzbek. Kabouljan Osmonov a signalé l’agression au commissariat de police de son domicile, mais ce n’est que lorsque la presse s’est emparée de l’affaire qu’une enquête judiciaire a été ouverte. Le parquet et la police locale ont ensuite cherché à faire pression sur Kabouljan Osmonov pour qu’il retire sa plainte.

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