Rapport Annuel 2014/2015

SERBIE

République serbe, y compris le Kosovo

Chef de l’État : Tomislav Nikoli ?

Chef du gouvernement : Aleksandar Vu ?i ? (a remplacé Ivica Da ?i ? en avril)

Des avancées ont été enregistrées dans les enquêtes menées sur les meurtres non élucidés de journalistes de premier plan. Les poursuites engagées contre les auteurs présumés de crimes de guerre progressaient avec lenteur. Pour la première fois depuis son interdiction en 2010, la marche des fiertés de Belgrade a bien eu lieu. Au Kosovo a été proposée la création d’un tribunal spécial chargé de juger les anciens membres de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) présumés responsables de l’enlèvement de Serbes en 1999. Dans le nord, les violences ont persisté. Les minorités subissaient toujours des discriminations et les agressions interethniques n’avaient pas cessé.

CONTEXTE

Le Parti progressiste serbe a pris les rênes du gouvernement en avril. Le mois suivant, de graves inondations ont fait 51 morts et des dizaines de milliers de sans-abri.
Avant l’ouverture des négociations avec la Serbie en vue de l’adhésion de celle-ci à l’Union européenne, la Commission européenne a demandé au pays de se doter de plans d’action relatifs à l’état de droit et aux droits fondamentaux, et de s’engager à « normaliser » ses relations avec le Kosovo. Comme l’exigeait le Fonds monétaire international, le gouvernement a adopté des mesures d’austérité, parmi lesquelles une baisse des salaires dans le secteur public et des retraites versées par l’État ainsi que des restrictions imposées aux syndicats.

JUSTICE INTERNATIONALE

En janvier, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a confirmé la déclaration de culpabilité de Vlastimir ?or ?evi ?, ancien adjoint du ministre de l’Intérieur serbe, pour meurtre, pour persécutions – dont des agressions sexuelles constitutives de crimes contre l’humanité – et pour le transfert forcé de 800 000 Albanais du Kosovo. Il a bénéficié d’une réduction de peine en appel, à l’image de trois autres hauts fonctionnaires, Nikola Šainovi ?, Sreten Luki ? et Vladimir Lazarevi ?. La peine de 22 ans d’emprisonnement prononcée contre Nebojša Pavkovi ?, ancien chef militaire, a été confirmée.
Le chef du Parti radical serbe Vojislav Šešelj, inculpé en 2003 de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité – notamment en raison du transfert forcé et de la persécution de ressortissants non serbes de Bosnie-Herzégovine, Croatie et Voïvodine –, a été libéré en novembre à titre provisoire afin de se faire soigner d’un cancer. Il est rentré en Serbie après 12 années passées en détention.
Les maigres ressources affectées au Bureau du procureur chargé des crimes de guerre et le manque de rigueur des enquêtes de police entravaient la progression des poursuites judiciaires engagées au niveau national1. Cinq actes d’inculpation ont été émis, mais un jugement n’a été prononcé en première instance que dans une seule affaire.
Le chef de l’Unité de protection des témoins, organisme qui aurait, semble-t-il, intimidé des témoins protégés, a été congédié en juin, apparemment pour corruption. Des procureurs, des policiers et des témoins ont été menacés par d’anciens combattants alors qu’ils enquêtaient sur l’enlèvement de 19 civils par des paramilitaires bosno-serbes à Štrpci en 1992. Quinze suspects ont été arrêtés un peu plus tard, en décembre, lors d’une opération menée conjointement avec les autorités bosniennes.
En août, une enquête a été ouverte sur la responsabilité présumée, en tant que supérieur hiérarchique, du général Dragan Živanovi ? dans des crimes de guerre commis au Kosovo entre le 1er avril et le 15 mai 1999, alors qu’il dirigeait la 125e brigade motorisée. On le soupçonnait de ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient pour empêcher une « campagne de terreur contre les civils albanais », marquée notamment par des meurtres, la destruction d’habitations, des actes de pillage et des expulsions forcées.
Une nouvelle loi présentée en décembre ne garantissait pas de réparations satisfaisantes aux victimes civiles de la guerre, notamment aux proches des personnes disparues et aux victimes de violences sexuelles constitutives de crimes de guerre.

DISPARITIONS FORCÉES

Malgré l’exhumation des restes de 53 civils albanais du Kosovo à Raška, où ils avaient été ré-enfouis en 1999, et de nouvelles investigations à Batajnica, où plus de 800 corps ont été exhumés en 2000 et 2001, les personnes qui avaient organisé le transfert des corps depuis le Kosovo n’avaient toujours pas été déférées à la justice.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Le contrôle exercé par le gouvernement sur les médias a été renforcé. Des critiques publiées par des citoyens sur la façon dont les pouvoirs publics ont géré les suites des inondations de mai ont été supprimées de sites Internet gouvernementaux, et des détracteurs ont été convoqués par la police aux fins d’« entretiens d’information ». Le site Pes ?anik a été indisponible après avoir été la cible d’attaques par déni de service, qui ont fait suite à la publication d’accusations de plagiat visant le ministre de l’Intérieur.
Les enquêtes engagées sur les meurtres de Dada Vujasinovi ?, Slavko ?uruvija et Milan Panti ?, journalistes indépendants qui auraient été tués par des agents de l’État respectivement en 1994, 1999 et 2001, se poursuivaient. Quatre suspects ont été inculpés du meurtre de Slavko ?uruvija. Parmi eux figuraient l’ex-chef des services de la sûreté de l’État, Radomir Markovi ?, précédemment déclaré coupable de l’assassinat en 2000 de l’ancien président Ivan Stamboli ?.
En décembre, 11 étrangers, sympathisants du mouvement Fa Lun Gong, ont été arrêtés arbitrairement après l’interdiction de la manifestation qu’ils souhaitaient organiser contre le gouvernement chinois. Ils ont ensuite été expulsés.

DISCRIMINATION

Droit DES ROMS à un logement convenable
Les organisations de défense des droits des Roms étaient à l’origine d’une proposition de loi en faveur de la légalisation des quartiers d’habitat précaire de la communauté.
Ces quartiers ont été touchés de façon disproportionnée par les inondations du mois de mai, et 31 Roms (dont 12 enfants) se sont vu refuser l’accès à un centre d’accueil d’urgence de Belgrade. Ils ont été relogés dans un abri construit pendant la guerre, sans eau courante ni installations sanitaires.
La construction, financée par l’Union européenne, de logements sociaux pour les Roms expulsés de force du quartier d’habitat précaire de Belvil en 2012 n’avait toujours pas débuté, même après la détermination des sites de relogement. Environ 32 familles ont préféré être réinstallées dans des maisons situées dans des villages, mais plus de 100 autres vivaient toujours dans des conteneurs métalliques qui ne répondaient pas de manière satisfaisante à leurs besoins. Le relogement d’autres familles de Belvil, en amont des travaux de construction financés par la Banque européenne d’investissement, a été reporté jusqu’au mois de décembre.
Vingt-quatre familles sur les 50 concernées ont alors été réinstallées. Des Roms et d’autres habitants restaient sous la menace d’une expulsion forcée, avant la démolition de leurs logements prévue dans le cadre du projet de transformation urbaine « Belgrade sur l’eau ».

Crimes de haine
Les menaces et les agressions subies par les militants et les organisations qui défendaient les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées, dont l’Alliance gay-hétéro, ne faisaient pas l’objet d’enquêtes sérieuses. La motivation haineuse était rarement admise et, très souvent, les dispositions prévoyant un alourdissement des peines en cas de crimes de haine n’étaient pas appliquées.
En mars, un porte-parole de la police antiterroriste a appelé sur Internet les supporters des clubs de football à attaquer un rassemblement organisé par l’ONG Femmes en noir pour commémorer l’anniversaire de la guerre du Kosovo. Il a été inculpé de menaces contre la sécurité et non de discrimination fondée sur le genre ; la motivation haineuse n’a donc pas été prise en compte. En juillet, quatre membres de l’ONG ont été agressés et blessés à Valjevo.
En octobre, après le survol d’un match de football Serbie-Albanie joué à Belgrade par un drone arborant le symbole de la Grande Albanie, au moins 33 biens immobiliers appartenant à des Albanais ont été attaqués, principalement en Voïvodine.

RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE

Entre le mois de janvier et le mois d’octobre, 18 955 ressortissants serbes, dont la majorité étaient roms semble-t-il, ont demandé l’asile dans des pays de l’Union européenne.
Quelque 13 000 migrants et réfugiés – dont 8 000 Syriens – ont exprimé l’intention de solliciter l’asile en Serbie même si, pour la plupart d’entre eux, il ne s’agissait que d’un pays de transit. Seules cinq personnes avaient obtenu le statut de réfugié à la mi-décembre, à l’issue d’une procédure de détermination du statut de réfugié qui ne respectait pas les modalités définies dans la loi sur l’asile. D’après les informations reçues, la police des frontières a expulsé des demandeurs d’asile et des migrants vers la Macédoine.
KOSOVO À l’issue d’élections législatives tenues en juin, le Parti démocratique du Kosovo (PDK), dirigé par Hashim Thaçi, n’a pas réussi à obtenir une majorité face à une coalition de partis d’opposition, ce qui a plongé le pays dans une impasse politique. En décembre, un gouvernement de coalition a été constitué avec Isa Mustafa (Ligue démocratique du Kosovo [LDK]), désigné Premier ministre.
Atifete Jahjaga a conservé la présidence du Kosovo. À partir du mois de juin, les négociations entamées sous l’égide de l’Union européenne sur la normalisation des relations avec la Serbie se sont poursuivies, mais ont été limitées aux aspects techniques.
Le mandat de la mission de police et de justice de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) a été renouvelé jusqu’en juin 2016. Dans le cadre du nouvel accord, les juges internationaux n’étaient plus majoritaires au sein des comités judiciaires chargés de traiter les affaires graves.
La haute représentante de l’Union européenne a annoncé en novembre l’ouverture d’une enquête indépendante sur les allégations de corruption portées contre un juge d’EULEX.

VIOLENCES INTERETHNIQUES

Cette année encore le Kosovo, en particulier le nord du pays à population majoritairement serbe, a été le théâtre de tensions interethniques. Des responsables politiques serbes n’ont pas été autorisés à se rendre dans le pays, et des Serbes du Kosovo – dont, en février et en octobre, des personnes réinstallées à Klina/Klinë – ont vu leurs biens immobiliers, leurs cimetières et leurs bâtiments religieux visés par des attaques, notamment des incendies volontaires. Ces actes se sont multipliés après le match de football Serbie-Albanie en octobre.
En juin, après des heurts entre des policiers kosovars et des Albanais qui manifestaient contre la fermeture du pont enjambant le fleuve Ibar (ligne de partage des secteurs serbe et albanais de Mitrovica), des policiers internationaux d’EULEX ont tiré des balles en caoutchouc en direction des contestataires. Leur utilisation avait été interdite par la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) après la mort de deux hommes en 2007, à Pristina.
Crimes de droit international L’équipe spéciale d’enquête constituée au sein d’EULEX pour enquêter sur les allégations portées contre d’anciens membres haut placés de l’UÇK a annoncé en juillet que des individus, dont l’identité n’a pas été dévoilée, seraient accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour des faits perpétrés contre des Serbes du Kosovo et des civils albanais, transférés illégalement en Albanie en 1999. Les chefs retenus seraient notamment les suivants : homicides illégaux, enlèvements, détention illégale, violences sexuelles et déplacement forcé. Les suspects devaient être mis en accusation et jugés par un tribunal spécial, qui n’a pas encore été créé, siégeant hors du Kosovo pour garantir une véritable protection des témoins.
En octobre, deux témoins protégés sont revenus sur leurs déclarations d’origine lors du nouveau procès de sept membres du « groupe de Drenica », une composante de l’ancienne UÇK, inculpés de crimes de guerre commis en 1998 contre des Albanais dans le camp de Likovc/Likovac .
En septembre s’est ouvert le nouveau procès de Fatmir Limaj et de neuf autres personnes accusées d’avoir torturé et maltraité des civils albanais dans le camp de Kle ?ka/Kleçkë en 1999. Ils avaient été acquittés en septembre 2013, après le suicide d’un témoin protégé sur lequel reposait le dossier de l’accusation.
Arrêté en janvier, le leader politique serbe du Kosovo Oliver Ivanovi ? a été inculpé en août d’incitation à la commission de crimes de guerre en 1999 et d’incitation à la perpétration d’homicides qualifiés en février 2000.
Violences sexuelles constituant des crimes de guerre En mars, la présidente Jahjaga a inauguré un conseil national pour les victimes de violences sexuelles pendant la guerre, destiné à encourager ces personnes à demander des réparations, y compris une indemnisation, conformément à de nouvelles dispositions juridiques adoptées un peu plus tard ce même mois par l’Assemblée.
En juin, la Cour d’appel a infirmé l’acquittement de deux Serbes du Kosovo et les a déclarés coupables de crimes de guerre pour le viol en avril 1999 d’une adolescente albanaise âgée de 16 ans.
Ils ont été condamnés à 12 et 10 ans d’emprisonnement.

DISPARITIONS FORCEES

Les familles de personnes disparues se sont élevées contre des dispositions juridiques mettant fin au versement d’une indemnisation mensuelle de 135 euros une fois le corps de leur proche retrouvé. En novembre, 1 655 personnes étaient toujours portées disparues depuis le conflit armé. En octobre, les restes de 53 Albanais du Kosovo exhumés à Raška avaient été rendus aux familles.
La MINUK n’a pas octroyé de réparations, y compris sous forme d’indemnisation, aux familles de Serbes du Kosovo portés disparus, alors que cette mesure avait été recommandée par le Groupe consultatif sur les droits de l’homme [ONU].
Liberté d’expression Le gouvernement et les institutions publiques ont exercé une influence abusive sur les médias en contribuant largement à leurs revenus publicitaires. Des journalistes d’investigation ont cette année encore été victimes d’agressions. Visar Duriqi , qui travaille pour le journal Express , a reçu des menaces de mort après avoir relayé des informations sur des groupes islamistes radicaux. L’Association des journalistes professionnels a déploré qu’EULEX ait exercé des pressions sur un journaliste du quotidien Koha Ditore, Vehbi Kajtazi, qui avait dénoncé des faits présumés de corruption au sein de la mission européenne.
La première marche célébrant la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie s’est déroulée en mai, sans incident.
Discrimination – crimes de haine En mars, trois hommes ont été reconnus coupables et condamnés à des peines avec sursis pour violation des règles garantissant l’égalité des citoyens kosovars. Ils étaient jugés pour leur participation à une attaque menée en 2012 contre une soirée de lancement d’un numéro de Kosovo 2.0, magazine sur l’orientation et l’identité sexuelles publié en ligne. Personne n’a été traduit en justice à la suite d’une autre attaque menée le lendemain contre un centre accueillant des gays, des lesbiennes et des personnes bisexuelles ou transgenres. Enfin, personne n’a eu à répondre des menaces reçues en 2013 par des militantes des droits humains parce qu’elles s’étaient mobilisées en faveur de la loi relative aux réparations pour les victimes de viol.

DISCRIMINATION – ROMS

Les Roms , les Ashkalis et les « Égyptiens » étaient cette année encore en butte à une discrimination systématique et généralisée.
Pourtant, peu de mesures ont été mises en œuvre pour faciliter leur intégration. Quelque 360 familles (1 700 personnes) avaient, semble-t-il, quitté le Kosovo en novembre pour solliciter l’asile en Hongrie.
Des habitants de Hereq, village situé dans le district de Gjakovë/ ?akovica, se sont opposés à des projets de construction de logements pour les Roms dans le village.
Réfugiés et demandeurs d’asile Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 17 227 personnes, des Serbes du Kosovo pour la plupart, étaient toujours déplacées à la suite du conflit armé. Au 30 novembre, seuls 404 membres de minorités étaient rentrés volontairement au Kosovo, où les conditions de leur réinsertion demeuraient totalement inadaptées. En octobre, 11 000 ressortissants du Kosovo avaient demandé l’asile dans des pays de l’Union européenne.

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