ALGÉRIE

République algérienne démocratique et populaire
Chef de l’État : Abdelaziz Bouteflika Chef du gouvernement : Abdelmalek Sellal

Les autorités ont imposé des restrictions à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, tout particulièrement à l’approche de l’élection présidentielle d’avril. Des manifestations ont été dispersées et des militants harcelés. Les femmes étaient victimes de discrimination en droit et en pratique et restaient insuffisamment protégées contre les violences – mais les autorités ont déposé des projets de modification de la loi.
Les responsables d’atteintes graves aux droits humains perpétrées durant les années 1990 et d’actes de torture commis les années suivantes bénéficiaient toujours de l’impunité. Les migrants en situation irrégulière étaient en butte à la discrimination, au risque d’expulsion arbitraire et à d’autres atteintes à leurs droits fondamentaux. Des groupes armés ont mené des attaques meurtrières. Des condamnations à mort ont été prononcées ; aucune exécution n’a eu lieu.

CONTEXTE

L’année 2014 a été marquée par une agitation sociale persistante provoquée par des tensions entre les communautés mozabite et arabe dans la ville de Ghardaïa. Des manifestations contre le chômage, la pauvreté et la corruption ont eu lieu dans le sud du pays, une région riche en pétrole et en gaz ; d’autres ont été organisées pour protester contre la décision du président Bouteflika de briguer un nouveau mandat en avril.
À la suite du scrutin, le gouvernement a ouvert des consultations sur des propositions de modification de la Constitution ; certains partis politiques les ont boycottées et la plupart des organisations indépendantes de la société civile en ont été exclues. Le processus semblait dans l’impasse à la fin de l’année.
De nouveaux affrontements ont eu lieu entre les forces de sécurité et des groupes armés, en particulier Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), essentiellement dans le sud et l’est de l’Algérie. Des gouvernements étrangers ont renforcé leur coopération en matière de sécurité avec l’Algérie à la suite de l’attaque menée en janvier 2013 par un groupe armé contre le complexe gazier d’In Amenas, au cours de laquelle plusieurs dizaines de personnes ont été tuées et des centaines d’autres prises en otage ; des travailleurs étrangers civils figuraient au nombre des victimes. En septembre, un groupe armé se faisant appeler Jund al Khalifa (Soldats du califat) a enlevé un Français dans la région de Tizi Ouzou, une zone où des personnes avaient déjà été kidnappées contre rançon. Il a ensuite publié sur Internet une vidéo montrant cet homme décapité. Cet homicide a selon toute apparence été commis à titre de représailles pour la participation de la France à l’alliance dirigée par les États-Unis qui combattait le groupe armé État islamique en Irak.Le gouvernement a annoncé en décembre avoir tué le chef de Jund al Khalifa ainsi que deux autres membres du groupe.
En janvier, l’Algérie est devenue membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mais, comme les années précédentes, le gouvernement n’a adressé aucune invitation à des organes et experts importants des Nations unies, notamment ceux chargés de la torture, de la lutte contre le terrorisme, des disparitions forcées et du droit à la liberté d’association, qui sollicitaient pourtant de longue date l’autorisation de se rendre dans le pays. Les autorités n’ont pas non plus accordé de visas aux délégués d’Amnesty International1.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Des journalistes et des détracteurs du gouvernement ont été soumis à des restrictions et à un harcèlement judiciaire de la part des autorités. Le 12 mars, les forces de sécurité ont fermé Al Atlas TV, une chaîne de télévision privée qui avait rendu compte de manifestations antigouvernementales et avait donné la parole à des personnes qui critiquaient le gouvernement. Les autorités ont accusé Al Atlas TV d’émettre sans licence2.
Le 10 juin, Youcef Ould Dada a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement assortie d’une amende pour avoir publié sur Internet une vidéo montrant des policiers en train de commettre un vol dans un magasin pendant les affrontements de Ghardaïa. Le tribunal l’a déclaré coupable de publication de photos et de vidéos portant atteinte à l’intérêt national, et d’outrage à corps constitué. La condamnation de Youcef Ould Dada a été confirmée en appel.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Les autorités continuaient d’interdire toutes les manifestations dans la capitale, Alger, mais les forces de sécurité ont néanmoins laissé certains rassemblements se dérouler sans intervenir. Dans d’autres cas elles ont dispersé par la force les manifestants, tout particulièrement ceux du mouvement Barakat (Assez), qui protestaient contre la candidature du président Bouteflika à un quatrième mandat à la tête de l’État lors du scrutin d’avril. Des manifestants ont été arrêtés, la plupart étant relâchés au bout de quelques heures3. La police a également dispersé par la force des manifestations dans d’autres villes.
C’est ainsi que le 20 avril des policiers ont recouru à une force excessive à Tizi Ouzou pour disperser des personnes qui commémoraient la répression violente de manifestations organisées en 2001 en Kabylie. Selon des témoins, des policiers ont battu des manifestants non armés et tiré des balles en plastique ; Lounis Aliouat, atteint par un de ces projectiles, a perdu un œil. Les autorités ont annoncé la suspension de cinq policiers pendant la durée d’une enquête sur les brutalités, mais n’ont pas rendu publics de quelconques résultats à l’issue de celle-ci.
En mai, un tribunal a condamné un étudiant, Mohand Kadi, et un ressortissant tunisien, Moez Benncir, à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis pour « attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité publique ». Les deux hommes avaient été interpellés le 16 avril en marge d’une manifestation du mouvement Barakat à Alger, à laquelle ils ont nié avoir participé4. La condamnation de Mohand Kadi a été confirmée en appel.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

La date butoir pour l’enregistrement des associations existantes aux termes de la Loi 12-06 est intervenue en janvier. Cette loi imposait des restrictions arbitraires et d’une grande portée aux associations, notamment aux ONG et aux organisations de la société civile, et prévoyait des peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement assortis d’une amende pour les membres des associations non enregistrées, suspendues ou dissoutes. Certaines structures ont réussi à s’enregistrer, mais d’autres attendaient toujours la réponse des autorités à leur demande d’autorisation et se trouvaient dans un vide juridique.
Amnesty International Algérie était au nombre des ONG indépendantes qui ont déposé une demande d’enregistrement conformément à la procédure prévue par la Loi 12-06 et n’ont pas reçu d’accusé de réception ni d’autre réponse des autorités, en dépit de leurs demandes répétées.

DROITS DES FEMMES

Les autorités ont pris quelques initiatives pour améliorer les droits des femmes. Le 1er février, les autorités ont adopté le décret 14-26, qui prévoit le versement par l’État d’une indemnisation aux femmes victimes de viols commis par des membres de groupes armés durant le conflit interne des années 1990.
On ignorait à la fin de l’année le nombre de femmes qui avaient bénéficié des dispositions de ce décret.
En juin, le gouvernement a déposé un projet de loi érigeant en infraction pénale le harcèlement sexuel dans les lieux publics et les violences infligées par un époux.
Ce texte rend aussi passible de sanctions pénales le fait d’abandonner un conjoint ou d’utiliser la contrainte ou l’intimidation pour obtenir les ressources financières d’un conjoint. Le projet de loi mettant en place un fonds gouvernemental destiné aux femmes divorcées qui ont la garde de leurs enfants et dont l’ex-mari ne veut, ou ne peut pas, verser une pension alimentaire a été adopté par le Parlement le 26 novembre. Les autres modifications législatives envisagées n’avaient pas encore été promulguées à la fin de l’année.
En dépit de ces progrès, les femmes restaient insuffisamment protégées par la législation contre les violences, notamment sexuelles. Par exemple, la disposition permettant à un violeur d’échapper aux poursuites pénales s’il épousait sa victime, dans la mesure où celle-ci était âgée de moins de 18 ans, était toujours en vigueur. Les groupes de défense des droits des femmes poursuivaient leur longue campagne en faveur de l’adoption d’une loi globale de lutte contre les violences faites aux femmes. Par ailleurs le Code de la famille restait discriminatoire à l’égard des femmes en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage5.

IMPUNITÉ

Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées et autres atteintes graves aux droits humains qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990 et durant les années suivantes. Les familles des personnes soumises à une disparition forcée continuaient de réclamer des informations sur le sort de leurs proches, et se sont mobilisées notamment à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui accordait l’impunité aux forces de sécurité et rendait passibles de poursuites les personnes qui critiquaient leur comportement.
Le Comité des droits de l’homme [ONU] a statué sur cinq cas de disparition forcée et exhorté les autorités à ouvrir des enquêtes exhaustives sur ces cas, à traduire en justice les responsables et à mettre des recours effectifs à la disposition des familles des disparus.
Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour mettre en application les recommandations du Comité contre la torture [ONU] formulées en novembre 2013 sur le cas de Mounir Hammouche, mort en décembre 2006 alors qu’il était détenu par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Le Comité avait préconisé une enquête impartiale sur la mort de cet homme en vue de garantir la comparution en justice de ses tortionnaires et d’accorder une réparation intégrale à ses proches.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

Une série d’attaques ont été menées par des groupes armés contre des membres des forces de sécurité. En septembre le groupe armé Jund al Khalifa a enlevé et tué le Français Hervé Goudel, et mis en ligne une vidéo sur laquelle on voyait cet homme décapité.
Les autorités et les médias ont fait état de très nombreux homicides de membres de groupes armés par les forces de sécurité, mais n’ont pratiquement pas fourni de détails sur les circonstances de ces homicides, ce qui laissait craindre que certains n’aient été des exécutions extrajudiciaires.
Malgré des informations à propos de querelles internes parmi les décideurs sur le rôle du DRS, cet organisme continuait d’exercer de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention, y compris le maintien au secret de personnes soupçonnées d’actes de terrorisme, ce qui favorisait le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.
Le président a promulgué en juin le décret 14-183, qui a créé au sein du DRS un service d’investigation judiciaire chargé de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme ou portant atteinte à la sûreté de l’État, ainsi que les activités des organisations criminelles internationales visant à affecter la sécurité nationale.
En mars, les autorités des États-Unis ont renvoyé en Algérie Ahmed Belbacha, un homme qu’elles détenaient sans jugement depuis plus de 12 ans à Guantánamo Bay (Cuba). Il avait été condamné par contumace en 2009 par un tribunal algérien à une peine de 20 ans d’emprisonnement. Le tribunal pénal d’Alger l’a acquitté en décembre des charges de terrorisme pesant contre lui.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Cette année encore les migrants ont été victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux, et notamment de discrimination et d’expulsion arbitraire. Les autorités n’ont pas communiqué de chiffres officiels sur les expulsions, mais selon certaines informations le nombre de migrants renvoyés de force aurait atteint plusieurs centaines. Beaucoup de ces expulsions étaient effectuées en dehors de toute procédure régulière et en l’absence de garanties.
Les migrants en situation irrégulière ou sans papiers restaient particulièrement vulnérables aux violences, à la xénophobie et aux expulsions. En janvier, une Camerounaise a été placée en détention pour séjour irrégulier après s’être rendue dans un poste de police d’Oran pour déposer une plainte pour viol.
Appelés harragas, des milliers d’Algériens et d’étrangers, originaires pour la plupart d’Afrique subsaharienne, tentaient toujours la périlleuse traversée de la mer Méditerranée entre l’Algérie et l’Europe, bien qu’une loi promulguée en 2009 ait érigé en infraction pénale toute sortie « illicite » du territoire algérien à l’aide de documents falsifiés ou en empruntant des lieux de passage autres que les ports officiels de sortie du territoire.

PEINE DE MORT

Des condamnations à mort ont été prononcées ; aucune exécution n’a eu lieu depuis 1993.
En novembre, l’Algérie a approuvé la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.

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