BAHREÏN

Royaume de Bahreïn

Chef de l’État : Hamad bin Issa al Khalifa Chef du gouvernement : Khalifa bin Salman al Khalifa

Les autorités ont continué d’étouffer et de réprimer la dissidence, et de restreindre la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestants, tuant deux personnes au moins. Des militants de l’opposition condamnés à l’issue de procès inéquitables au cours des années précédentes étaient toujours détenus. Certains étaient des prisonniers d’opinion. La torture était toujours pratiquée contre les détenus, le plus souvent en toute impunité. Vingt et un Bahreïnites déclarés coupables de chefs de terrorisme ont été déchus de leur nationalité. Cinq personnes ont été condamnées à mort par des tribunaux ; aucune exécution n’a eu lieu.

CONTEXTE

Les tensions entre le gouvernement, à majorité sunnite, et les principales formations politiques d’opposition sont demeurées fortes tout au long de l’année à la suite de la suspension, en janvier, du dialogue national. De nouvelles manifestations, parfois violentes, ont été menées par des militants appartenant à la communauté chiite, majoritaire dans le pays, qui réclamaient des réformes politiques. Les forces de sécurité sont fréquemment intervenues en faisant usage d’une force excessive, y compris en tirant des coups de feu. En mars, trois policiers ont été tués dans l’explosion d’une bombe dans le village d’Al Daih. En décembre, des attentats à l’explosif perpétrés dans les villages de Karzakan et de Demistan ont causé la mort d’un policier et d’une autre personne. Le gouvernement a interdit la « Coalition du 14 février », un mouvement de jeunesse, ainsi que deux autres organisations, déclarant qu’il s’agissait de groupes terroristes.
Les premières élections parlementaires depuis le début des troubles en 2011 se sont tenues le 22 novembre, mais elles ont été boycottées par l’opposition, emmenée par la plus grande formation politique chiite, la Société nationale islamique Al Wefaq.
Des modifications de la loi contre le terrorisme adoptées en décembre ont accordé de plus larges pouvoirs à la police, lui permettant de maintenir jusqu’à 28 jours en détention au secret des personnes soupçonnées de terrorisme.
Des représentants de la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme se sont rendus à Bahreïn entre février et mai afin d’évaluer les besoins de formation en matière de droits humains dans le pays. En septembre, le gouvernement a rendu public un bilan intermédiaire concernant la mise en œuvre des recommandations qu’il avait acceptées lors de l’Examen périodique universel de l’ONU en 2012.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont continué de réprimer la dissidence. En février, peu avant le troisième anniversaire du début des manifestations de 2011, le gouvernement a alourdi les peines imposées en cas d’outrage contre le souverain, le drapeau bahreïnite ou l’emblème national. Ces actes étaient désormais sanctionnés d’une peine d’un à sept ans d’emprisonnement et d’une forte amende.
Saeed Mothaher Habib Al Samahiji, qui exerce la profession d’ophtalmologiste, a été arrêté le 1er juillet afin qu’il purge la peine d’un an d’emprisonnement prononcée contre lui en décembre 2013 ; il avait été condamné pour « outrage au roi » lors d’un discours aux obsèques d’un manifestant tué par une voiture de police. À la fin de l’année il était détenu à la prison de Jaww, au sud de Manama.
D’autres prisonniers d’opinion étaient incarcérés dans la prison de Jaww, dont des dirigeants de l’opposition et des militants des droits humains condamnés les années précédentes à l’issue de procès inéquitables. Libéré en mai après avoir purgé une peine de deux ans d’emprisonnement pour rassemblement illégal, le militant des droits humains Nabeel Rajab a été de nouveau arrêté en octobre pour outrage aux institutions publiques. Remis en liberté sous caution en novembre, il était toutefois sous le coup d’une interdiction de se rendre à l’étranger, dans l’attente d’une décision de justice dans son affaire, prévue pour janvier 2015. La militante Zainab Al Khawaja a été arrêtée en octobre et condamnée en novembre et décembre à un total de quatre ans et quatre mois d’emprisonnement, dont trois ans pour outrage au roi. À la fin de l’année elle était en liberté dans l’attente du résultat d’un recours en appel. La militante des droits des femmes Ghada Jamsheer, arrêtée en septembre, a été inculpée de plusieurs infractions. Elle est notamment accusée d’avoir agressé un policier. Elle a été libérée sous caution en décembre.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Tous les rassemblements publics dans la capitale, Manama, demeuraient interdits en vertu de décrets pris par le gouvernement en 2013. Quelques manifestations ont toutefois eu lieu dans d’autres villes. Les forces de sécurité ont arrêté des dizaines de personnes ayant participé à des manifestations.
Certaines ont été condamnées à une peine d’emprisonnement.
Ahmad Mshaima a comparu en mai, cinq mois après son interpellation, pour « rassemblement illégal dans l’intention de commettre des infractions et de perturber la sécurité publique ». Il a déclaré que des membres des services de sécurité l’avaient torturé dans les jours qui avaient suivi son arrestation, mais les autorités n’ont pas ouvert d’enquête sur ses allégations. Il a été remis en liberté sous caution en juin mais de nouveau arrêté en novembre et condamné en décembre à un an d’emprisonnement pour « outrage au roi ».
En décembre, le défenseur des droits humains Mohammad al Maskati et 10 autres accusés ont été condamnés à des peines de six mois d’emprisonnement pour « rassemblement illégal ».

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les autorités ont restreint la liberté d’association, faisant usage de nouvelles dispositions qui permettaient au ministre de la Justice de suspendre ou dissoudre des formations politiques en invoquant des motifs peu précis. Le ministre a lancé une procédure de suspension contre les deux principales formations d’opposition, Waad et Al Wefaq, leur reprochant d’avoir commis des irrégularités au cours de leurs activités. Le ministère de la Justice a abandonné les poursuites contre Waad en novembre. Un tribunal a ordonné en octobre la suspension d’Al Wefaq pendant trois mois. L’action en justice avait été ouverte peu après que le parquet eut inculpé le dirigeant d’Al Wefaq, Ali Salman, et son adjoint pour avoir « rencontré des responsables étrangers sans en avoir averti les autorités ». Ils s’étaient entretenus avec le secrétaire d’État adjoint américain chargé de la démocratie, des droits humains et du travail, Tom Malinowski, en visite dans le pays. Fin décembre, les autorités ont arrêté Ali Salman pour divers motifs, notamment pour incitation à promouvoir le changement de régime politique par la force, des menaces ou d’autres moyens illégaux.

DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ

En juillet, le roi a pris par décret des dispositions modifiant la Loi sur la nationalité de 1963 et donnant aux tribunaux de nouveaux pouvoirs pour déchoir des citoyens de leur nationalité, notamment ceux déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme. La loi permettait aussi aux autorités de révoquer la nationalité de personnes vivant à l’étranger sans interruption depuis plus de cinq ans sans en avoir informé le ministère de l’Intérieur. Vingt et une personnes ont été déchues de leur nationalité sur décision de justice en 2014. En août, la Haute Cour criminelle a déchu de leur nationalité bahreïnite neuf hommes après les avoir déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme. Ils ont aussi été condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement et ce, en partie sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture, selon les affirmations de certains d’entre eux. En octobre, un tribunal a prononcé une mesure d’expulsion contre plusieurs personnes qui avaient été arbitrairement déchues de leur nationalité en 2012. Le tribunal a considéré qu’elles étaient restées illégalement sur le territoire après la révocation de leur nationalité. Leur appel devait être examiné en avril 2015.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des cas de torture ont continué d’être signalés, malgré la création de plusieurs organes officiels chargés d’enquêter sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements commis en détention. Certains détenus ont fait état de brutalités infligées par des policiers ou d’autres membres des services de sécurité au moment de leur arrestation, pendant des perquisitions au domicile, dans des véhicules de police pendant le transfert au poste ou à la prison, ainsi que pendant les interrogatoires par des fonctionnaires de la Direction des enquêtes criminelles, lorsqu’ils ont été gardés à vue pendant plusieurs jours sans contact avec leur avocat ou leur famille. Passages à tabac, coups de poing, décharges électriques, suspension par les bras et les jambes, viol et menaces de viol et exposition délibérée à un froid extrême figuraient parmi les méthodes de torture décrites.
Mohamed Ali Al Oraibi a déclaré que des membres des services de sécurité l’avaient torturé durant cinq jours après son arrestation, le 2 février, à l’aéroport international de Manama, où il arrivait de l’étranger. Il a indiqué qu’il avait été interrogé nu et que les agents lui avaient infligé des décharges électriques sur les parties génitales, l’avaient suspendu par les bras et les jambes et frappé à coups de bâton, et lui avaient fait subir des violences sexuelles. Il a été remis en liberté le 17 avril dans l’attente d’un complément d’enquête. Il a signalé les faits auprès des autorités, mais à la connaissance d’Amnesty International ses allégations de torture n’ont fait l’objet d’aucune enquête.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Un décret royal (Décret n° 24 de 2014) réglementant l’utilisation de la force et des armes à feu a été publié en mars.
Les forces de sécurité avaient régulièrement recours à une force excessive pour disperser des manifestations de l’opposition. Elles ont notamment utilisé des gaz lacrymogènes contre les manifestants et tiré des coups de feu sur eux, faisant des blessés et au moins deux morts.
Sayed Mahmoud Sayed Mohsen, un adolescent de 14 ans, est mort le 21 mai après que les forces de sécurité eurent ouvert le feu et utilisé des gaz lacrymogènes contre des manifestants qui participaient à un cortège funéraire sur l’île de Sitra. Selon sa famille, il avait des plombs dans la poitrine, ce qui semble indiquer que l’on a tiré sur lui à bout portant. Le ministère de l’Intérieur a annoncé l’ouverture d’une enquête, mais aucun résultat n’avait été rendu public à la fin de l’année.

IMPUNITÉ

Le nombre d’enquêtes sur des cas de torture et d’autres mauvais traitements de détenus restait faible, et les autorités ont maintenu en détention certaines des personnes pour lesquelles la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn a établi qu’elles avaient été torturées en 2011. Des poursuites ont été engagées contre des agents subalternes dans quelques affaires mais, en pratique, les forces de sécurité continuaient d’agir en bénéficiant d’une large impunité.
De nouveaux cas de torture de détenus et d’utilisation d’une force excessive contre des manifestants continuaient d’être signalés.
Les autorités ont engagé des poursuites contre huit policiers pour le meurtre d’une personne et le décès en détention d’une autre personne. Un policier accusé de coups et blessures a été acquitté ; le procès des autres était toujours en cours à la fin de l’année. Au cours des deux années écoulées depuis le début des procès intentés contre des membres des forces de sécurité, au total 15 d’entre eux ont été acquittés des chefs de torture ou d’homicide sur la personne de manifestants et six ont été condamnés à des peines allant de six mois à trois ans d’emprisonnement dans des affaires de mort en détention et d’homicide de manifestants.
Selon les informations recueillies, deux membres des forces de sécurité accusés d’avoir causé la mort de Hussein Al Jazairi, 16 ans, lors d’une manifestation le 14 février 2013 à Al Daih, étaient toujours en liberté et n’ont pas été jugés en 2014.
Inculpés de coups et blessures ayant entraîné la mort, ils avaient été remis en liberté sous caution en mai 2013 par la Haute Cour criminelle. Hussain Al Jazairi est mort après avoir été touché à la poitrine par des plombs de fusil tirés à bout portant.
En septembre, la Haute Cour de justice de l’Angleterre et du Pays de Galles a infirmé une décision du parquet britannique estimant que le prince Nasser bin Hamad Al Khalifa, fils du souverain, bénéficiait de l’immunité diplomatique au Royaume-Uni. La Haute Cour de justice a jugé que cet homme pouvait, s’il pénétrait sur le territoire britannique, être poursuivi au Royaume- Uni pour complicité présumée d’actes de torture commis contre des détenus à Bahreïn en 2011.

PEINE DE MORT

La peine de mort était toujours en vigueur pour un certain nombre de crimes, dont le meurtre. Les tribunaux ont prononcé cinq condamnations à mort au cours de l’année ; l’une d’elles a été annulée par la Cour d’appel en décembre. Il n’y a pas eu d’exécution.
Mahir Abbas Al Khabaz a été condamné à mort le 19 février après avoir été déclaré coupable du meurtre d’un policier, commis en 2013. Le tribunal a retenu comme élément de preuve des « aveux » qui auraient été obtenus sous la torture. Cette peine capitale a été confirmée en appel. À la fin de l’année, Mahir Abbas Al Khabaz était en attente d’une décision en dernier ressort de la Cour de cassation.

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