LIBYE

État de Libye

Chef de l’État : litigieux (Aguila Salah Issa, président de la Chambre des représentants, a remplacé Nouri Abou Sahmin, président du Congrès général national, en août) Chef du gouvernement : litigieux (Abdallah al Thinni a remplacé Ali Zeidan en mars ; Ahmed Miitig a brièvement remplacé Abdallah al Thinni en mai à l’issue d’un scrutin controversé jugé inconstitutionnel ; Abdallah al Thinni a remplacé Ahmed Miitig en juin)

Des milices et d’autres forces armées ont commis des crimes qui pourraient être assimilés à des crimes de guerre, ainsi que d’autres violations du droit international humanitaire et atteintes aux droits humains.
Elles ont blessé ou tué des centaines de civils et détruit ou endommagé des infrastructures et d’autres biens civils lors de bombardements aveugles notamment à Benghazi, Tripoli, Warchafana, Zawiya et dans la région des monts Nafusa. Des forces d’Aube de la Libye, des brigades de Zintan et des milices de Warchafana ont enlevé des civils du fait de leur origine ou de leur affiliation politique, infligé des actes de torture et d’autres mauvais traitements à des détenus, et dans certains cas exécuté de façon sommaire des combattants capturés. Des forces islamistes affiliées au Conseil consultatif des révolutionnaires de Benghazi ont également enlevé des civils et exécuté de façon sommaire de très nombreux soldats qu’elles avaient capturés. Des forces de l’opération Dignité, qui ont obtenu le soutien du gouvernement provisoire basé à Tobrouk, ont mené contre des zones résidentielles des frappes aériennes qui ont endommagé des biens civils et fait des victimes parmi les civils. Elles ont aussi torturé et autrement maltraité des civils et des combattants qu’elles détenaient et se sont rendues responsables de plusieurs exécutions sommaires. Les assassinats politiques étaient courants et perpétrés en toute impunité. Des centaines d’agents des services de sécurité, de fonctionnaires, de dignitaires religieux, de militants, de juges, de journalistes et de défenseurs des droits ont été assassinés. Le procès de 37 hauts responsables du régime de Mouammar Kadhafi a débuté et il suscitait de vives préoccupations quant à l’équité de la procédure ; la torture était toujours couramment pratiquée ; des journalistes ont été pris pour cible en raison de leurs activités d’information et les agressions contre des étrangers se sont multipliées.
L’impunité, y compris pour les violations des droits humains commises dans le passé, restait profondément ancrée.

CONTEXTE

Après plusieurs mois d’aggravation des clivages politiques et de crise touchant à la légitimité et au mandat du Congrès général national (CGN), le premier parlement élu de la Libye, le pays a plongé dans le chaos. Benghazi, Derna, Tripoli, Warchafana et la région des monts Nafusa, entre autres, sont devenus le théâtre de conflits armés motivés par des questions politiques, idéologiques, régionales et tribales.
La situation était extrêmement tendue en février au moment de l’élection de l’Assemblée constituante, chargée d’élaborer une nouvelle constitution. Cette élection a été marquée par des violences et boycottée par certaines minorités ethniques, et un faible nombre de sièges ont été réservés aux femmes. À la fin de l’année, l’Assemblée constituante avait remis ses recommandations préliminaires et les avait soumises à une consultation publique.
En mai, le général à la retraite Khalifa Haftar a lancé sur Benghazi l’opération Dignité, offensive militaire ayant pour but déclaré de combattre le terrorisme et dirigée contre une coalition regroupant Ansar al Charia (les Partisans de la charia) et d’autres groupes armés islamistes (qui ont par la suite pris le nom de Conseil consultatif des révolutionnaires de Benghazi). Dénoncée dans un premier temps par les autorités, l’opération Dignité, qui s’est par la suite étendue à Derna, a obtenu le soutien du nouveau gouvernement entré en fonction après les élections de juin ; celles-ci avaient été organisées pour élire les membres de la Chambre des représentants (CDR), qui a remplacé le CGN. Ce scrutin, également marqué par des violences et par une faible participation, s’est soldé par une défaite des partis islamistes.
En juillet, une coalition regroupant principalement des milices basées à Misratah, Zawiya et Tripoli a lancé une offensive militaire, baptisée Aube de la Libye, au nom de la protection de la « révolution du 17 Février » contre des milices rivales de Zintan et Warchafana. La coalition accusait ces dernières, affiliées aux partis libéraux et fédéralistes majoritaires à la CDR, de mener une contre-révolution en parallèle avec l’opération Dignité. En août, la CDR a quitté Tripoli, en raison de l’insécurité qui y régnait, pour s’établir à Tobrouk. Une trentaine de députés ont boycotté la CDR pour protester contre cette décision. La CDR a considéré que l’opération Dignité était une opération militaire légitime menée par l’armée libyenne, déclaré que les forces d’Aube de la Libye et d’Ansar al Charia étaient des groupes terroristes, et appelé à une intervention étrangère afin de protéger la population civile et les institutions de l’État. Des raids aériens auraient été menés à partir des Émirats arabes unis et de l’Égypte contre les forces d’Aube de la Libye qui combattaient pour prendre le contrôle de l’aéroport international de Tripoli. Le 23 août, l’aéroport est tombé entre les mains des forces d’Aube de la Libye, qui ont chassé les brigades de Zintan de la capitale et se sont emparées des institutions du pays. Les combats et l’insécurité – des diplomates étrangers et le personnel étranger d’organisations internationales ont notamment été attaqués – ont conduit la Mission d’appui des Nations unies en Libye (MANUL), dont le mandat a été renouvelé en mars par le Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que des ambassades étrangères et des organisations internationales à suspendre leurs activités à Tripoli et à évacuer leur personnel. Tout au long de l’année, des bâtiments gouvernementaux et des lieux publics ont subi des attentats à l’explosif et d’autres attaques.
Après la prise de Tripoli, les forces d’Aube de la Libye ont réuni de nouveau le CGN, qui a nommé un nouveau Premier ministre et formé un « gouvernement de salut national ». Ce dernier a déclaré qu’il avait pris en charge la plupart des institutions de l’État dans l’ouest du pays, en opposition au gouvernement de la CDR à Tobrouk.
Le 6 novembre, la Cour suprême a rendu un arrêt invalidant les élections pour la CDR. Le gouvernement basé à Tobrouk, reconnu par l’ONU et soutenu par la majeure partie de la communauté internationale, a rejeté cet arrêt en soutenant que les juges avaient subi des menaces de la part d’Aube de la Libye. Les affrontements armés se sont poursuivis entre tribus rivales à Sabha et Obari, dans le sud-ouest de la Libye, ce qui a encore aggravé la situation humanitaire. Derna, dans l’est du pays, était sous le contrôle de groupes armés islamistes qui faisaient appliquer une interprétation stricte de la charia (droit musulman) et commettaient de graves atteintes aux droits humains. En octobre, un groupe armé basé à Derna, le Conseil consultatif de la jeunesse islamique, a déclaré son allégeance au groupe armé État islamique qui combat en Syrie et en Irak.

CONFLIT ARMÉ INTERNE

Dans l’est et l’ouest du pays, les parties en présence ont été responsables d’attaques menées sans discrimination qui ont fait des centaines de victimes civiles et endommagé des infrastructures et des bâtiments civils, notamment des hôpitaux, des logements, des mosquées, des commerces, des fermes, des centrales électriques, des aéroports, des routes et un important site de stockage de carburant. Elles ont procédé à des tirs d’artillerie, d’obus de mortier et de roquettes Grad et utilisé des armes anti-aériennes depuis et contre des zones résidentielles.
Les forces de l’opération Dignité ont mené des frappes aériennes sur Benghazi, Derna, Tripoli, Zouara, Bir al Ghanam et Misratah, touchant parfois des zones résidentielles. Ces frappes auraient blessé et même tué des civils et endommagé des bâtiments civils. Les brigades de Zintan auraient posé des mines antipersonnel dans le secteur de l’aéroport international de Tripoli.
Selon les autorités, plusieurs bâtiments et aéronefs ont été endommagés lors de l’opération lancée par Aube de la Libye contre les brigades de Zintan qui protégeaient l’aéroport. En décembre, une roquette a touché un important réservoir de pétrole du port d’al Sedra, provoquant un incendie qui a détruit environ 1,8 million de barils de pétrole brut.
À quelques exceptions près, les milices, les unités de l’armée et les groupes armés ont fait preuve de mépris pour la vie des civils et pour les infrastructures et biens civils, et n’ont pas pris les précautions nécessaires pour éviter ou réduire au minimum le nombre de pertes civiles et les dommages aux structures civiles. Les violents affrontements dans les zones résidentielles ont provoqué une interruption des services médicaux, en particulier à Warchafana et à Benghazi, où les patients ont dû être évacués des hôpitaux. Des pénuries de carburant, d’électricité, de nourriture et de médicaments ont été signalées dans toute la Libye.
À Warchafana et à Tripoli, les forces d’Aube de la Libye ont pillé et incendié des maisons et d’autres biens civils en raison de l’origine ou de l’affiliation politique de leurs propriétaires. Des groupes armés ont empêché l’aide humanitaire d’accéder à Obari et bloqué l’évacuation des blessés à Kikla.
Selon les estimations du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 395 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays à cause du conflit entre mi-mai et mi-novembre. Les Tawarghas, déplacés depuis 2011, ont subi de nouveaux déplacements et été attaqués par des milices ; beaucoup se sont réfugiés dans des parkings et des jardins publics.
Les forces armées de tous les camps ont procédé à des enlèvements à titre de représailles. Elles se sont emparées de civils uniquement en raison de l’origine ou de l’affiliation politique supposée de ces derniers, souvent afin de les utiliser comme otages pour des échanges de prisonniers. Les forces d’Aube de la Libye et les groupes armés affiliés à la coalition Zintan-Warchafana ont les unes comme les autres infligé des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements à des combattants capturés et à des civils enlevés ; ceux-ci ont subi des décharges électriques, ont été forcés de se tenir dans des positions douloureuses ou ont été privés de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires. Toutes les parties ont procédé à des exécutions sommaires de combattants capturés. À Benghazi, des forces affiliées au Conseil consultatif des révolutionnaires de Benghazi ont enlevé des civils et procédé à des exécutions sommaires, dont la décapitation de soldats capturés et de sympathisants supposés de l’opération Dignité. Des groupes rangés du côté des forces de l’opération Dignité ont incendié et détruit des dizaines de maisons et d’autres biens de personnes soupçonnées d’être des islamistes, détenu des civils en raison de leur affiliation politique, infligé dans plusieurs cas des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, et procédé à plusieurs exécutions sommaires.
HOMICIDES ILLÉGAUX Des centaines de personnes, parmi lesquelles des agents des services de sécurité, des fonctionnaires, des dignitaires religieux, des militants, des journalistes, des juges et des procureurs, ont été assassinées pour des motifs politiques à Benghazi, Derna et Syrte, par des groupes islamistes armés semble-t-il. Aucun des responsables de ces assassinats n’a eu à rendre des comptes. En mai, des hommes armés ont abattu un délégué de la Croix-Rouge internationale à Syrte.
En juin, la militante et avocate spécialiste des droits humains Salwa Bughaighis a été abattue à son domicile après avoir donné une interview dans laquelle elle avait accusé des groupes armés de saper les élections parlementaires. En juillet, à Derna, des agresseurs non identifiés ont tué Fariha Barkawi, ancienne membre du CGN. Le 19 septembre, dit « Vendredi noir », 10 personnes au moins, parmi lesquelles deux militants de mouvements de jeunesse, ont été tuées par des agresseurs non identifiés.
Le Conseil consultatif de la jeunesse islamique s’est rendu responsable de deux assassinats commis dans des conditions évoquant une exécution publique, et a flagellé des personnes en public. Ce groupe armé contrôlait la ville de Derna, où un tribunal islamique a été mis en place. En août, un Égyptien accusé de vol et de meurtre a été abattu dans un stade à Derna. En novembre, trois militants ont été décapités à Derna après avoir été enlevés, apparemment par un groupe islamiste. En décembre, le tribunal islamique a adressé un avertissement aux anciens et actuels fonctionnaires des ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Défense.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Le CGN a renforcé les restrictions à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le décret 5/2014, adopté par le CGN en janvier, a interdit aux chaînes de télévision par satellite de diffuser des propos considérés comme « hostiles à la révolution du 17 Février », et le décret 13/2014 a donné aux autorités le pouvoir de suspendre les bourses d’étude et le salaire des étudiants et des fonctionnaires se trouvant à l’étranger qui participeraient à des « activités hostiles à la révolution du 17 Février ». La loi 5/2014 a modifié l’article 195 du Code pénal afin d’ériger en infractions le fait d’insulter des représentants de l’État ou l’emblème et le drapeau nationaux, ainsi que tout acte considéré comme « une attaque contre la révolution du 17 Février ».
En janvier, un tribunal a condamné un ingénieur à trois ans d’emprisonnement pour avoir participé en juin 2011 à une manifestation à Londres (Royaume-Uni) contre l’intervention de l’OTAN dans le conflit en Libye, et parce qu’il aurait publié de fausses informations sur la Libye.
En novembre, Amara al Khattabi, rédacteur en chef d’un journal, a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour insulte envers des représentants de l’État. Il lui a en outre été interdit de mener des activités journalistiques et il a été déchu de ses droits civiques pour la durée de sa peine et condamné à payer de lourdes amendes1.
Les milices ont multiplié les attaques contre les médias ; de très nombreux journalistes ont été enlevés et d’autres ont été agressés physiquement ou ont subi d’autres formes de mauvais traitements, des détentions arbitraires, des menaces ou des tentatives d’assassinat. Quatre journalistes au moins ont été exécutés de façon illégale, dont le rédacteur en chef Muftah Abu Zeid, qui a été abattu à Benghazi en mai. En août, les forces d’Aube de la Libye à Tripoli ont saccagé et incendié les locaux de deux chaînes de télévision, Al Assema et Libya International.
Un très grand nombre de journalistes, de défenseurs des droits humains et de militants ont fui à l’étranger en raison des menaces que les milices faisaient peser sur eux. En septembre, les forces d’Aube de la Libye auraient fait une descente dans les bureaux de la Commission nationale des droits humains et emporté les dossiers concernant les plaintes individuelles, ce qui laissait craindre des représailles contre des victimes de violences.
En novembre, le Conseil national des droits humains et des libertés civiles a été fermé, par les forces d’Aube de la Libye semble-t-il. Les membres de cette institution ont subi des manœuvres d’intimidation.

SYSTÈME JUDICIAIRE

Le système judiciaire était toujours paralysé du fait du climat de violence et de non- droit, ce qui empêchait les enquêtes sur les atteintes aux droits. En mars, les tribunaux ont suspendu leurs activités à Derna, Benghazi et Syrte, les magistrats du siège et du parquet faisant l’objet de menaces et d’attaques. Le ministère de la Justice n’exerçait qu’un contrôle théorique sur les nombreux centres de détention où étaient incarcérés des fidèles présumés de Mouammar Kadhafi.
La date butoir fixée par la loi relative à la justice de transition, et reportée par le CGN, pour l’inculpation ou la remise en liberté le 2 avril au plus tard de toutes les personnes détenues en lien avec le conflit de 2011, n’a pas été respectée. En mars, 10 % seulement des 6 200 personnes incarcérées dans des prisons dépendant du ministère de la Justice avaient été jugées. Des centaines d’autres étaient toujours détenues, dans des conditions déplorables, sans inculpation ni jugement. Les ordonnances de remise en liberté n’étaient toujours pas appliquées en raison des pressions exercées par les milices.
Les retards enregistrés dans le traitement des affaires concernant des fidèles présumés de Mouammar Kadhafi détenus depuis 2011 ont encore été aggravés par la reprise des affrontements, les bombardements empêchant le transfèrement des détenus pour leur procès. Les visites des familles aux prisonniers ont été suspendues dans plusieurs villes, ce qui a suscité des craintes quant à la sécurité des détenus.
Le procès de 37 anciens hauts responsables du régime de Mouammar Kadhafi, qui a débuté en mars, suscitait de vives préoccupations concernant l’équité de la procédure. Des avocats ont été empêchés de disposer de certains éléments de preuve car ils n’avaient pas suffisamment de temps pour préparer la défense de leur client, et ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation. Principal accusé, Saif al Islam Kadhafi, l’un des fils de Mouammar Kadhafi, a comparu par liaison vidéo seulement car il était détenu par une milice à Zintan, ce qui faisait planer des doutes sur l’autorité que la cour pouvait avoir sur lui. Les autorités qui contrôlaient le centre pénitentiaire d’al Hadba, où était installée la salle d’audience, ont empêché certains observateurs indépendants, dont Amnesty International, d’assister au procès.
Une vidéo des « aveux » d’un autre fils de Mouammar Kadhafi, Saadi Kadhafi, a été diffusée à la télévision libyenne à la suite de son extradition par le Niger et de son incarcération à al Hadba. Les autorités pénitentiaires l’ont interrogé sans qu’il ait pu consulter un avocat et elles n’ont pas autorisé la MANUL ni Amnesty International, entre autres, à lui rendre visite, alors que le ministère public avait autorisé ces visites.
À Zawiya, à l’ouest de Tripoli, un grand nombre de personnes fidèles à Mouammar Kadhafi ont été détenues pendant des périodes qui pouvaient dépasser de 18 mois la date à laquelle elles auraient dû être libérées, la peine prononcée ne tenant pas compte de la période de détention arbitraire aux mains des milices. La torture et d’autres formes de mauvais traitements restaient très couramment pratiquées dans les prisons de l’État comme dans celles des milices, et des morts en détention consécutives à des actes de torture continuaient d’être signalées.

IMPUNITÉ

Les autorités n’ont pas mené de véritables enquêtes sur les allégations de crimes de guerre et d’atteintes graves aux droits humains commis lors du conflit armé de 2011 ni pris les mesures nécessaires pour faire face aux violations perpétrées sous le régime de Mouammar Kadhafi, notamment le massacre en 1996 de plus de 1 200 détenus à la prison d’Abu Salim.
Les autorités n’ont pas remis Saif al Islam Kadhafi à la Cour pénale internationale (CPI), qui le poursuivait pour crimes contre l’humanité. En mai, la Chambre d’appel de la CPI a confirmé que la Libye était juridiquement tenue de procéder à son transfèrement à la CPI.
En juillet, la Chambre d’appel de la CPI a confirmé la décision selon laquelle Abdallah Senoussi, ancien chef des services du renseignement militaire accusé de crimes contre l’humanité, pouvait être jugé en Libye. De graves préoccupations demeuraient cependant quant au respect de son droit à une procédure régulière, notamment en ce qui concerne les restrictions à l’autorisation de consulter un avocat de son choix.
La procureure de la CPI a ouvert une deuxième enquête et a commencé à rassembler des éléments de preuve contre des suspects résidant à l’étranger, conformément à l’accord conclu en 2013 avec le gouvernement libyen sur les poursuites contre les anciens hauts responsables du régime de Mouammar Kadhafi. Bien que se déclarant, en novembre, préoccupée par le fait que des crimes relevant de la compétence de la CPI étaient en train d’être commis, la procureure de la CPI n’a pas ouvert d’enquête sur les crimes perpétrés par les milices.
En août, la résolution 2174 du Conseil de sécurité de l’ONU a étendu le champ d’application des sanctions internationales en y incluant ceux qui sont responsables d’avoir « planifié, dirigé, ou commis » des violations du droit international humanitaire ou relatif aux droits humains ou des atteintes aux droits humains en Libye.

DROITS DES FEMMES

Les femmes continuaient d’être en butte à la discrimination, dans la législation et dans la pratique, et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre. Le nombre de cas de harcèlement sexuel signalés a augmenté. Un décret prévoyant l’octroi de réparations pour les victimes de violences sexuelles commises par des agents de l’État sous le régime de Mouammar Kadhafi et lors du conflit de 2011 a été adopté mais il restait très largement inappliqué.
Les femmes candidates à l’élection de l’Assemblée constituante se sont heurtées à des difficultés pour faire campagne et pour se faire enregistrer pour le scrutin.
Des personnes militant pour les droits des femmes ont subi des manœuvres d’intimidation et ont parfois été agressées par des milices. Les femmes ne portant pas le voile ont de plus en plus souvent été interpellées, harcelées et menacées à des postes de contrôle. Plusieurs femmes auraient été tuées par des parents proches de sexe masculin pour des raisons d’« honneur » dans la région de Sabha.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Des milliers de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants sans papiers ont été placés en détention pour une durée indéterminée pour des infractions liées à l’immigration, à la suite de leur interception en mer ou de contrôles d’identité. Ils risquaient d’être torturés ou autrement maltraités dans les centres de détention gérés par le ministère de l’Intérieur ou les milices, notamment en raison de leur religion, et certains étaient soumis au travail forcé. Les femmes pouvaient subir des fouilles corporelles intrusives réalisées par des surveillants de sexe masculin.
Des étrangers, en particulier des Égyptiens coptes, ont été enlevés, soumis à des violences et exécutés illégalement en raison de leurs convictions religieuses. En février, sept Égyptiens coptes, travailleurs migrants, ont été enlevés et abattus à Benghazi, par des membres d’Ansar al Sharia semble-t-il.
Les autorités continuaient d’obliger des étrangers à se soumettre à des examens médicaux pour l’obtention d’un permis de résidence ou de travail, et plaçaient en détention tous ceux qui présentaient un diagnostic d’infection à l’hépatite B ou C ou au VIH, entre autres, en vue de leur expulsion du pays.
Des étrangers ont été enlevés et soumis à des violences contre rançon. Beaucoup de personnes sont tombées entre les mains de trafiquants après leur arrivée irrégulière en Libye et ont été victimes de traite d’êtres humains.
L’escalade de la violence a contraint quelque 130 000 réfugiés et migrants, y compris des réfugiés venus de Syrie, à tenter de gagner l’Italie à bord de bateaux de pêche bondés et inadaptés à un voyage en mer. Beaucoup ont passé des semaines entières enfermés dans des maisons par des passeurs avant de pouvoir partir, et ont été exploités, maltraités et soumis à d’autres atteintes à leurs droits. Des passeurs ont forcé des ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne à voyager sous le pont dans des salles des machines surchauffées, sans eau ni aération ; certaines personnes sont ainsi mortes par suffocation ou intoxiquées par les émanations.
Le HCR a indiqué à la mi-novembre que 14 000 demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés étaient piégés dans des zones de conflit en Libye.

DISCRIMINATION – MINORITÉS RELIGIEUSES ET ETHNIQUES

Les attaques contre des sites religieux soufis se poursuivaient ; les autorités ne prenaient pas les mesures de protection nécessaires et ne menaient pas d’enquêtes. Des tombes soufies ont été détruites à Tripoli, Brak al Chatti, Derna et Awjila. En juillet, l’imam soufi Tarek Abbas a été enlevé à Tripoli par des hommes non identifiés ; il a été relâché en décembre.
Des athées et des agnostiques libyens ont fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation de la part de milices en raison d’articles publiés sur des réseaux sociaux.
Les minorités ethniques des Toubous et des Touaregs continuaient de se heurter à des obstacles pour l’obtention du livret de famille, ce qui entravait leur accès aux soins et à l’éducation ainsi que leur participation à la vie politique.

PEINE DE MORT

La peine de mort était maintenue pour toute une série de crimes. Aucune exécution judiciaire n’a été signalée.

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