Rapport Annuel 2014/2015

PALESTINE

État de Palestine

Chef de l’État : Mahmoud Abbas

Chef du gouvernement : Rami Hamdallah


Les autorités de Cisjordanie et de Gaza imposaient des restrictions à la liberté d’expression et de réunion pacifique, procédaient à des arrestations et des incarcérations arbitraires, et infligeaient des actes de torture et d’autres mauvais traitements aux détenus en toute impunité.
Les femmes et les filles étaient victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique ; elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre. La peine de mort était toujours en vigueur ; aucune exécution n’a eu lieu en Cisjordanie, mais les autorités du Hamas à Gaza, qui continuaient de faire juger des civils devant des tribunaux militaires iniques, ont exécuté au moins deux condamnés. Par ailleurs, les forces du Hamas à Gaza ont procédé à l’exécution extrajudiciaire d’au moins 22 personnes accusées de « collaboration » avec Israël. L’offensive militaire israélienne Bordure protectrice a fait plus de 1 500 morts et des milliers de blessés parmi la population civile à Gaza et causé d’énormes dégâts, accentuant les difficultés du 1,8 million d’habitants du territoire, qui ressentaient déjà durement les conséquences du blocus militaire imposé depuis longtemps par Israël. Pendant les 50 jours de ce conflit, le Hamas et les groupes armés palestiniens ont tiré sans discrimination des milliers de roquettes et d’obus de mortier sur des zones civiles en Israël, tuant six civils, dont un enfant.

CONTEXTE

Les négociations ouvertes en 2013 sous l’égide des États-Unis pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien, qui dure depuis plusieurs dizaines d’années, se sont achevées fin avril sans qu’aucun accord n’ait été trouvé.
Le même mois, le Fatah, parti au pouvoir de l’Autorité palestinienne, qui administre la Cisjordanie, et le Hamas, dont le gouvernement de facto gérait Gaza depuis 2007, ont annoncé un accord de réconciliation. En juin, le Fatah, le Hamas et d’autres formations palestiniennes se sont mis d’accord sur un gouvernement d’unité nationale composé de technocrates indépendants, qui est chargé de gérer les affaires courantes dans les deux territoires jusqu’à la tenue d’élections législatives et présidentielle. Aucune date de scrutin n’avait été fixée à la fin de l’année.
La Palestine était de plus en plus reconnue comme un État sur le plan international, malgré l’opposition d’Israël et des États-Unis. En octobre, la Suède est devenue le premier État membre de l’Union européenne (UE) à reconnaître l’État de Palestine (trois autres pays européens l’avaient toutefois déjà fait avant d’adhérer à l’UE). La Chambre des Communes du Royaume-Uni et l’Assemblée nationale française se sont prononcées en faveur de cette reconnaissance lors de votes non contraignants. En décembre, la Jordanie a présenté au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution proposant d’établir un calendrier de négociation d’un accord qui imposerait à Israël de mettre un terme à l’occupation des territoires palestiniens d’ici à la fin 2017.
En avril, la Palestine a ratifié les quatre Conventions de Genève et tout un éventail d’autres traités internationaux relatifs, entre autres, aux droits humains, tels que le PIDCP, le PIDESC, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés, et la Convention contre la torture. Le 31 décembre, le président Mahmoud Abbas a signé 16 autres traités internationaux, ainsi que le Statut de Rome reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale dans les territoires palestiniens occupés, dont Jérusalem-Est, à compter du 13 juin 2014.
Les tensions ont été exacerbées par la mort d’au moins 15 Palestiniens tués par les forces israéliennes entre le début de l’année et la fin juin, l’enlèvement et l’assassinat de trois adolescents israéliens par des Palestiniens près d’Hébron, et l’assassinat en représailles d’un jeune Palestinien par des Israéliens. Ces tensions ont dégénéré en un nouveau conflit armé en juillet, avec le lancement par Israël de son offensive militaire Bordure protectrice, comprenant des attaques aériennes et une invasion terrestre de Gaza. Après 50 jours d’hostilités, les deux parties ont conclu un cessez-le-feu sous la médiation des gouvernements des États-Unis et de l’Égypte. L’offensive a fait de plus de 1 500 morts parmi la population civile de Gaza, dont plus de 500 enfants, et des milliers de blessés. Elle a causé d’énormes dégâts, endommageant et détruisant des écoles, des hôpitaux, des habitations et d’autres infrastructures de caractère civil. Le blocus militaire israélien est resté en vigueur à Gaza pendant toute l’année.

CONFLIT ARMÉ

Le Hamas et les groupes armés palestiniens de Gaza ont procédé à de nombreux tirs aveugles de roquettes et d’obus de mortier vers Israël. Ces tirs se sont fortement intensifiés juste avant et pendant l’opération militaire israélienne Bordure protectrice à Gaza. Au moment de la conclusion, en août, du cessez-le-feu qui a mis fin au conflit, les munitions tirées sans discrimination par des groupes armés palestiniens depuis Gaza avaient fait six morts, dont un enfant de quatre ans, et plusieurs blessés parmi les civils israéliens ; un certain nombre d’habitations civiles avaient en outre été endommagées. L’explosion prématurée de certaines roquettes a aussi tué des civils à Gaza. Ainsi, la mort de 10 civils palestiniens, dont neuf enfants, dans le camp de réfugiés d’Al Shati le 28 juillet semblait avoir été causée par une roquette ayant manqué son objectif. Les groupes armés palestiniens ont aussi exposé les civils de Gaza à des attaques meurtrières des forces israéliennes en cachant des roquettes et d’autres munitions dans des zones résidentielles ou à proximité de celles-ci, et en tirant depuis ces mêmes zones. L’accord de cessez-le-feu a quasiment mis un terme à ces tirs.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

En Cisjordanie comme dans la bande de Gaza, les autorités chargées de la sécurité ont arrêté et incarcéré arbitrairement des personnes qui les critiquaient et des sympathisants d’organisations politiques rivales.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des détenus ont été torturés et maltraités en toute impunité. La Commission indépendante des droits humains, organisme national de surveillance des droits humains, habilité à recevoir les plaintes, a indiqué avoir recueilli de nombreuses allégations de détenus faisant état de torture et d’autres mauvais traitements : plus de 120 en Cisjordanie et plus de 440 à Gaza durant l’année. Parmi les méthodes signalées figuraient les coups et le maintien prolongé debout ou assis dans des positions douloureuses (shabeh). En Cisjordanie, des détenus ont dit avoir été torturés ou maltraités par des membres de la police, de la Sécurité préventive, du renseignement militaire et des services des renseignements généraux. À Gaza, trois hommes au moins sont morts en détention après avoir, selon certaines informations, été torturés par des agents de la Sécurité intérieure. Les autorités des deux territoires n’ont pas su protéger les détenus de la torture et des autres mauvais traitements, enquêter sur les allégations faisant état de tels actes ni amener les responsables présumés à rendre des comptes.

PROCÈS INÉQUITABLES

Les autorités politiques et judiciaires ne faisaient pas le nécessaire pour que tous les détenus bénéficient de procès équitables dans les meilleurs délais. Les autorités de Cisjordanie maintenaient des personnes en détention pour une durée indéterminée sans inculpation ni procès. À Gaza, les autorités du Hamas continuaient de soumettre des civils à des procès inéquitables devant des tribunaux militaires.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Des restrictions sévères pesaient sur la liberté d’expression, d’association et de réunion en Cisjordanie et à Gaza. Les forces de sécurité ont dispersé des manifestations organisées par des militants de l’opposition, dans bien des cas en utilisant une force excessive. À plusieurs reprises, des journalistes couvrant des manifestations se sont plaints que les forces de sécurité les avaient agressés ou avaient endommagé leur matériel. Des agents des forces de sécurité ont par ailleurs harcelé et cherché à intimider des journalistes et des militants intervenant sur les réseaux sociaux, notamment en les convoquant à plusieurs reprises pour interrogatoire et parfois en les incarcérant pour leurs écrits.
En mars, la police de la ville de Khan Younès, à Gaza, a dispersé par la force une manifestation commémorative organisée par des sympathisants du Fatah. Elle aurait tiré en l’air pour disperser les participants et aurait arrêté et détenu brièvement un grand nombre d’entre eux.
En Cisjordanie, les forces de sécurité s’en sont pris à plusieurs reprises à des journalistes de la chaîne de télévision Wattan TV qui travaillaient sur des manifestations. Par exemple, en octobre, elles ont attaqué une équipe de cette chaîne qui couvrait une manifestation à Hébron et ont saisi son matériel.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

Pendant l’opération israélienne Bordure protectrice, des membres des brigades Ezzedine al Qassam – la branche armée du Hamas – et des agents de la Force de sécurité intérieure se sont rendus coupables d’au moins 22 exécutions sommaires ou extrajudiciaires de personnes accusées de « collaboration » avec Israël. Parmi les victimes de ces exécutions figuraient un certain nombre de prisonniers qui avaient fait appel de leur condamnation à mort ou d’une peine d’emprisonnement prononcée par un tribunal militaire de Gaza ; les autres étaient des détenus qui n’avaient été ni inculpés, ni jugés. Le 5 août, sur ordre du ministre de l’Intérieur de facto, cinq détenus de la prison de Katiba ont été extraits de leur cellule et exécutés de façon extrajudiciaire en dehors de l’établissement pénitentiaire. Le 22 août, les forces du Hamas sont venues chercher 11 détenus de la prison de Katiba, dont les procès ou les appels étaient en cours, et les ont soumis à des exécutions extrajudiciaires au poste de police de Jawazat. Un peu plus tard dans la matinée, six hommes arrêtés pendant l’opération Bordure protectrice ont été fusillés en public après les prières du vendredi. Les brigades Ezzedine al Qassam auraient aussi abattu d’autres « collaborateurs » présumés dans la rue pendant l’opération Bordure protectrice.

IMPUNITÉ

Les autorités palestiniennes n’ont rien fait pour enquêter sur les crimes de guerre présumés et les possibles crimes contre l’humanité qui auraient été commis par la branche armée du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens avant et pendant le conflit de juillet et août ou lors de précédents conflits avec Israël, au cours desquels des groupes armés palestiniens avaient tiré sans discrimination des roquettes et des obus de mortier sur Israël. Elles n’ont pas non plus amené les agents responsables de violations des droits humains, notamment d’un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques et d’actes de torture contre des détenus, à rendre compte de leurs actes.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

Les femmes et les filles étaient toujours en butte à la discrimination, dans la législation et dans la pratique ; elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre commises par des hommes de leur famille, prétendument pour des questions d’« honneur ». D’après les chiffres de la Commission indépendante des droits humains, au moins 11 femmes et jeunes filles ont été assassinées pendant l’année par des hommes de leur famille dans le cadre de crimes d’« honneur ». Parmi elles figurait Islam Mohammad Al Shami, 18 ans, poignardée dans le cou le 20 octobre alors qu’elle faisait sa prière dans la maison familiale, à Bani Suheila, dans le gouvernorat de Khan Younès.

PEINE DE MORT

La peine de mort restait en vigueur pour les meurtres et d’autres crimes. Aucune exécution n’a été signalée en Cisjordanie ; à Gaza, au moins huit personnes ont été condamnées à mort pour meurtre par des tribunaux militaires du Hamas ou des tribunaux de première instance. En mai, les autorités de Gaza ont exécuté deux hommes, tous deux condamnés pour trahison et meurtre.

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