Rapport Annuel 2016

Angola

République d’Angola
Chef de l’État et du gouvernement : José Eduardo dos Santos

Cette année encore, des restrictions sévères ont pesé sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Au moins
16 prisonniers d’opinion se trouvaient en détention ; 15 d’entre eux ont été assignés à domicile le 18 décembre. Les autorités ont utilisé les lois pénales sur la diffamation et la législation relative à la sûreté de l’État pour harceler, arrêter arbitrairement et incarcérer des personnes qui n’avaient fait qu’exprimer pacifiquement leurs opinions, ainsi que pour restreindre la liberté de la presse. Le gouvernement a adopté une nouvelle loi limitant les activités des ONG.

CONTEXTE

La baisse mondiale du prix du pétrole en 2015 a eu des répercussions négatives sur l’économie. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des personnes qui critiquaient le gouvernement ou dénonçaient la corruption et les violations des droits humains. L’exercice des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association a encore été restreint. Des défenseurs des droits humains et des détracteurs du gouvernement ont été arrêtés et poursuivis au pénal par un pouvoir judiciaire de plus en plus politisé.
Lors de l’évaluation de son bilan en matière de droits humains dans le cadre de l’Examen périodique universel [ONU] en 2014, l’Angola avait accepté 192 des 226 recommandations formulées. Il s’était engagé à examiner de manière plus approfondie les 34 recommandations restantes, dont beaucoup portaient sur la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Il a finalement rejeté ces recommandations en mars 2015, y compris celles qui lui demandaient de cesser d’utiliser les lois relatives à la diffamation pour restreindre le droit à la liberté d’expression.

PRISONNIERS D’OPINION

Les autorités ont continué de jeter en prison des personnes qui critiquaient le gouvernement, des défenseurs des droits humains, des militants politiques et des journalistes. Il y avait, à la fin de l’année, au moins 16 prisonniers d’opinion en Angola, dont 15 étaient assignés à domicile. Le 14 septembre, le défenseur des droits humains José Marcos Mavungo a été condamné à six ans d’emprisonnement pour rébellion, au titre de la législation relative à la sûreté de l’État. Il avait participé à l’organisation d’une manifestation pacifique le 14 mars. Arrêté le jour même de cette manifestation, il avait été accusé d’association avec un groupe d’hommes interpellés la veille alors qu’ils étaient en possession d’explosifs et de tracts. Aucun élément prouvant cette association ou une quelconque participation de José Marcos Mavungo à la production des tracts en question n’a été apporté, et les autres hommes n’ont pas été traduits en justice.
Dans la capitale, Luanda, 15 militants ont été arrêtés entre le 20 et le 24 juin et placés en détention par les forces de sécurité pour avoir participé à une réunion pacifique, au cours de laquelle ils avaient discuté de politique et évoqué leurs préoccupations quant à la gouvernance du président José Eduardo dos Santos1. Ces jeunes hommes ont été officiellement inculpés le 16 septembre de préparation d’une rébellion et de complot contre le président. Deux militantes ont été inculpées des mêmes chefs, mais elles n’ont pas été placées en détention. Les avocats des 15 militants n’ont été officiellement informés des charges pesant sur leurs clients que le 30 septembre, soit au-delà du délai maximal de 90 jours prévu par la loi en matière de détention provisoire. Les accusés risquent jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour chacun des faits qui leur sont reprochés, en vertu de la législation relative à la sûreté de l’État. Trois d’entre eux sont également poursuivis pour d’autres chefs : changement illégal de nom pour Manuel Nito Alves (peine maximale : un mois d’emprisonnement) ; falsification de documents pour Luaty Beirão (peine maximale : huit ans d’emprisonnement) ; et vol de documents pour Osvaldo Caholo (peine maximale : huit ans d’emprisonnement).
Quatre des 15 militants ont commencé le 20 septembre une grève de la faim qui a duré plusieurs jours, afin de protester contre leur détention illégale. Le 9 octobre, Luaty Beirão, qui n’avait pas cessé son mouvement, a été transféré à l’hôpital pénitentiaire de São Paulo, où il a accepté une perfusion de sérum physiologique le 11 octobre mais a continué de refuser toute alimentation solide2. Il a été transféré le 15 octobre dans une clinique privée de Luanda, et a finalement mis un terme à sa grève de la faim au bout de 36 jours.
Entamé le 16 novembre, le procès des militants a été marqué par de nombreuses violations des normes internationales d’équité, notamment du droit à un procès public et du droit d’être jugé dans un délai raisonnable3. Le 18 décembre, les 15 militants ont été placés en résidence surveillée. Les audiences devaient reprendre le 11 janvier.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Bien qu’il n’existe aucune obligation juridique de disposer d’une autorisation pour manifester, les autorités ont interdit de nombreuses manifestations. Celles qui ont pu se tenir ont souvent donné lieu à des arrestations et des mises en détention arbitraires de manifestants pacifiques par la police. À plusieurs reprises, des policiers ont arrêté et frappé des manifestants, avant de les déposer à plusieurs kilomètres de l’endroit où ils avaient été interpellés.
Le 29 juillet, à Luanda, la police a arrêté et battu des manifestants pacifiques qui réclamaient la libération des 15 jeunes militants arrêtés en juin.
Le 8 août, des manifestants qui demandaient pacifiquement la libération de ces militants ont été pris pour cible par des policiers armés, qui ont utilisé leurs matraques, lancé leurs chiens et passé à tabac plusieurs personnes. Plusieurs contestataires ont été brièvement détenus, avant d’être libérés sans inculpation. Les mères et les épouses de certains des militants emprisonnés figuraient parmi les manifestants.
Le 11 octobre, des personnes soutenant les 15 militants ont organisé une veillée à l’église de la Sagrada Família, à Luanda. Selon les participants à cette veillée, des policiers sont arrivés avec des armes, des canons à eau et des chiens. Les participants ont alors préféré interrompre prématurément la veillée pour éviter les affrontements. Une autre veillée a été organisée le lendemain, et plusieurs personnes ont été détenues pendant une courte période par la police, puis relâchées sans inculpation.
L’avocat Arão Bula Tempo, président du barreau de Cabinda, a été placé en détention le 14 mars dans la province de Cabinda et a bénéficié d’une libération conditionnelle le 13 mai. Le 22 octobre, il a été officiellement inculpé de tentative de collaboration avec des étrangers en vue d’entraver le fonctionnement de l’État angolais, ainsi que de rébellion. Il encourait cinq ans d’emprisonnement pour le premier chef et 12 ans pour le second. Ces deux infractions figurent au rang des atteintes à la sûreté de l’État. Les autorités reprochaient à Arão Bula Tempo d’avoir invité des journalistes congolais à couvrir une manifestation organisée par José Marcos Mavungo (voir plus haut). À la fin de l’année, sa santé se détériorant, Arão Bula Tempo a demandé à sortir de la province de Cabinda pour aller se faire soigner, mais cela lui a été refusé. Ces restrictions portaient atteinte à son droit de circuler librement et à son droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint. La date de son procès n’avait pas été fixée à la fin de l’année4.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont continué d’utiliser les lois sur la diffamation et la sûreté de l’État pour réprimer l’expression pacifique des opinions, notamment des opinions critiques à l’égard du gouvernement.
Rafael Marques de Morais, journaliste spécialiste des questions relatives aux droits humains et à la lutte contre la corruption, a été déclaré coupable de dénonciation calomnieuse en mai. Il était poursuivi pour avoir dénoncé des comportements criminels après la publication, en 2011, de son ouvrage Diamantes de Sangue (Diamants de sang), dans lequel il accusait des généraux de l’armée et deux compagnies minières de complicité d’atteintes aux droits humains dans les mines de diamants des provinces de Lunda-Nord et de Lunda-Sud. Il a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement assortie d’un sursis, révocable pendant deux ans. Son avocat a déposé un recours devant la Cour suprême en juin, mais celui-ci n’avait pas été examiné à la fin de l’année. (Le délai moyen d’examen des recours est de deux ans.)

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Le gouvernement a promulgué de nouvelles dispositions sur l’enregistrement des ONG. Le décret présidentiel 74/15 du 23 mars durcit sévèrement les conditions d’enregistrement des organisations et leurs obligations en matière de rapports financiers. Ses dispositions pourraient empêcher nombre d’ONG et d’autres organisations de la société civile de s’organiser et de fonctionner. Le parquet peut ainsi suspendre les activités des ONG nationales et internationales qu’il soupçonne de blanchiment d’argent ou d’actes illégaux ou préjudiciables portant atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du pays. En outre, l’article 15 impose des restrictions sur les ressources que les ONG peuvent recevoir et utiliser, et sur leur liberté de choisir les activités qui leur semblent les plus appropriées pour atteindre leurs objectifs. La possibilité de chercher, de recevoir et d’utiliser des financements est une composante essentielle du droit à la liberté d’association.

1.Angola. Les militants détenus doivent être libérés immédiatement (nouvelle, 22 juin)
2.Angola. Le prisonnier d’opinion se trouvant dans un « état critique » doit être libéré immédiatement (nouvelle, 20 octobre)
3.Angola. Quatrième semaine d’un procès de plusieurs militants qui met à mal l’indépendance de la justice (nouvelle, 8 décembre)
4.Angola. Deux militants risquent toujours une peine de 10 à 15 ans de prison (AFR 12/2039/2015)

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