Rapport Annuel 2016

Burkina Faso

Burkina Faso
Chef de l’État : Roch Marc Christian Kaboré (a remplacé Michel Kafando le 29 décembre) Chef du gouvernement : Yacouba Isaac Zida

Lors de manifestations provoquées par une tentative de coup d’État en septembre, les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont tué 14 manifestants et passants et ont blessé des centaines d’autres personnes. La liberté d’expression et de réunion a été restreinte et des défenseurs des droits humains, des manifestants et des journalistes ont subi des mauvais traitements et des manœuvres d’intimidation. Le gouvernement de transition a été rétabli et des enquêtes ont été ouvertes sur le coup d’État de septembre ainsi que sur les crimes commis lors des troubles de 2014. Le nombre de mariages précoces et forcés restait élevé. L’accès aux droits sexuels et reproductifs était limité.

CONTEXTE

Les autorités de transition ont gouverné le pays après la chute du président Blaise Compaoré, en octobre 2014, à la suite des manifestations contre ses tentatives de modifier la Constitution. En avril, le Conseil national de transition a adopté un nouveau code électoral interdisant aux partisans de la modification constitutionnelle de 2014 de se présenter aux élections de 2015. En septembre, une Commission nationale de la réconciliation et des réformes a émis plusieurs recommandations, dont l’adoption d’une nouvelle Constitution, l’abolition de la peine de mort et la dissolution du RSP.
En septembre, des membres du RSP ont perpétré une tentative de coup d’État et retenu en otage le président par intérim, le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement, déclenchant des protestations massives. Le RSP a eu recours à une force excessive contre les manifestants et les badauds, avant de se retirer sous la pression de l’armée nationale. Le RSP a ensuite été dissous et les personnes soupçonnées d’avoir participé à la tentative de coup d’État ont été arrêtées. Le Conseil national de transition a adopté en novembre une modification de la Constitution, verrouillant la disposition limitant à deux mandats de cinq ans la possibilité pour un président de se maintenir au pouvoir, et ôtant toute possibilité d’amnistie pour les anciens chefs de l’État. Roch Marc Christian Kaboré a été élu à la tête de l’État ce même mois, lors d’un scrutin qui a mis fin à une période de transition d’un an. Salifou Diallo a été élu président de l’Assemblée nationale en décembre.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Pendant le coup d’État de septembre, des manifestations pacifiques ont été réprimées ; les membres du RSP ont recouru à la force de manière excessive pour empêcher les rassemblements. Quatorze personnes non armées ont été abattues, dont six par des tirs dans le dos alors qu’elles s’enfuyaient devant les forces de sécurité1. Le RSP a poursuivi des personnes en faisant feu dans des zones densément peuplées, blessant des centaines d’habitants et en tuant même certains. Parmi les victimes, Jean-Baptiste Yoda, 16 ans, a été tué par balle alors qu’il courait avec deux autres personnes. Une femme enceinte a reçu une balle dans le ventre alors qu’elle se trouvait sur le pas de sa porte dans le quartier de Nonsin à Ouagadougou, la capitale. La balle a transpercé son utérus et touché le fœtus. La mère et le bébé ont survécu grâce à une intervention médicale.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des détenus ont déclaré avoir été torturés et maltraités pendant leur garde à vue à Ouagadougou. L’un d’entre eux a expliqué avoir été torturé pendant six jours au commissariat central de Ouagadougou ; les mains menottées aux chevilles, il était suspendu en position accroupie à une barre en bois placée sous ses genoux et fixée entre deux tables.
En septembre, les membres du RSP s’en sont pris physiquement à des manifestants et des passants. Un témoin a filmé cinq personnes, dont un enfant, contraintes de s’allonger au sol avant d’être rouées de coups avec des ceintures à boucle en métal. Six militaires du RSP ont fouetté un membre du mouvement social Balai citoyen alors qu’il était à terre. Jean-Jacques Konombo, photographe pour les éditions Sidwaya, a été frappé à coups de pied et de ceinture par au moins six soldats du RSP, jusqu’à perdre connaissance. Son appareil photo et son téléphone ont été détruits.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

En septembre, le Parlement a adopté une loi consacrant l’abrogation de la sanction des délits de presse par des peines d’emprisonnement. La liberté d’expression a été en butte à des attaques en septembre, marquées notamment par des agressions contre des journalistes, des personnalités politiques et des défenseurs des droits humains pendant le coup d’État. Au moins 10 journalistes et médias, notamment Radio Omega, Savane FM et Radio Laafi, ont subi des attaques au cours desquelles du matériel a été détruit ou confisqué, en particulier des appareils photo. À Radio Omega, les militaires du RSP ont tiré en l’air, incendié les motos des salariés et menacé de mettre feu à la station. Le studio de Serge Bambara (« Smockey »), leader du Balai citoyen, a par ailleurs été visé par une roquette antichar.
Des ordinateurs et d’autres appareils ont été volés.

IMPUNITÉ

Les autorités judiciaires ont ouvert des investigations sur l’utilisation d’une force excessive, dans certains cas meurtrière, par les forces de sécurité et notamment les membres du RSP lors des troubles d’octobre 2014, au cours desquels au moins quatre personnes sont mortes2. Fin 2015, cependant, personne n’avait été inculpé ou jugé pour ces crimes de droit international. En septembre, des commissions d’enquête ont été créées pour faire la lumière sur les circonstances des homicides de 2014 et sur la responsabilité des personnes soupçonnées d’avoir participé au coup d’État de septembre. À la fin de l’année, aucune de ces commissions n’avait été chargée d’enquêter sur les violations des droits humains liées aux homicides de manifestants et de passants en 2015.

TRIBUNAL MILITAIRE

Des responsables militaires, y compris des généraux, ainsi que des civils, ont été arrêtés à Ouagadougou après le coup d’État de septembre et inculpés de menace contre la sécurité de l’État, crime contre l’humanité et meurtre, entre autres infractions. Plus de 50 personnes, dont les généraux Djibril Bassolé et Gilbert Dienderé, devaient être jugées par un tribunal militaire. Deux journalistes, Adama Ouédraogo et Caroline Yoda, ont par ailleurs été inculpés de complicité de menaces contre la sécurité de l’État.
Le général Dienderé était en outre poursuivi dans le cadre de l’homicide de l’ancien président Thomas Sankara, pour assassinat et recel de cadavre, entre autres chefs. En décembre, un mandat d’arrêt international a été lancé contre l’ancien président Blaise Compaoré, recherché pour son rôle présumé dans cet assassinat. Les autorités ont indiqué qu’une demande d’extradition allait être présentée à la Côte d’Ivoire.
En décembre, trois anciens membres du RSP ont été inculpés dans le cadre de l’affaire de l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo ; ce même mois, 15 membres du RSP ont été arrêtés pour leur implication présumée dans un projet visant à faire évader les généraux Bassolé et Dienderé.

DROITS DES FEMMES

L’accès des femmes et des filles aux services, à l’information et aux produits en matière de santé sexuelle et reproductive était limité ; seulement 17 % d’entre elles déclaraient utiliser un moyen de contraception. Le coût des produits, l’éloignement des centres de santé et des pharmacies, le manque d’informations et l’attitude négative des hommes à l’égard de la contraception restaient les principaux obstacles à cet accès. Les mariages précoces et forcés étaient un grave problème : plus de 52 % des jeunes filles étaient mariées avant d’avoir atteint 18 ans et 10 % environ avant d’avoir 15 ans. Le gouvernement ne respectait pas ses obligations d’empêcher les mariages forcés et précoces ni de garantir la protection des jeunes filles et des femmes en mettant à leur disposition des lieux sûrs et des informations sur les moyens d’y accéder. Les responsables de mariages forcés et précoces n’étaient pas amenés à rendre des comptes. Des dizaines de femmes et de jeunes filles ont déclaré à Amnesty International subir un mariage forcé et précoce, y compris une adolescente de 13 ans qui a parcouru 160 km à pied en trois jours pour échapper à un mariage arrangé par son père avec un homme de 70 ans qui avait déjà cinq épouses.
Le Conseil national de transition a adopté en octobre une loi pour la prévention et la sanction des violences contre les femmes et les filles, ainsi que pour l’aide aux victimes.
Le texte érigeait également en infractions sanctionnées pénalement le mariage forcé et le mariage précoce, ainsi que les violences sexuelles.

PEINE DE MORT

Un projet de loi visant à abolir la peine de mort était en instance au Parlement à la fin de l’année.

1.Burkina Faso. Pas d’amnistie pour les soldats ayant tué des civils non armés (nouvelle, 14 octobre)
2.Burkina Faso. « Qu’est-ce qu’ils avaient dans la tête pour tirer sur les gens ? » (AFR 60/001/2015)

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