Rapport Annuel 2016

Côte d’Ivoire

République de Côte d’Ivoire
Chef de l’État : Alassane Ouattara
Chef du gouvernement : Daniel Kablan Duncan


Des centaines de détenus étaient toujours en attente de leur procès en lien avec les violences postélectorales de 2010-2011, et il restait préoccupant de constater qu’un certain nombre de responsables des crimes commis pendant cette période échappaient toujours à l’obligation de rendre des comptes. Les droits à la liberté d’expression et de réunion ont fait l’objet de restrictions, et les opposants politiques ont été la cible d’une vague d’arrestations arbitraires avant les élections. Le procès de Laurent Gbagbo et de Laurent Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI) était programmé pour 2016. Simone Gbagbo n’avait toujours pas été remise à la CPI, malgré le mandat d’arrêt dont elle faisait l’objet.

CONTEXTE

La situation en matière de sécurité est restée stable, malgré des violences perpétrées en début d’année par des groupes armés et des affrontements intercommunautaires dans l’ouest du pays. En juin, le mandat de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a été prolongé d’un an. Le même mois, l’Assemblée nationale a adopté une loi contre le terrorisme, habilitant le procureur du tribunal de première instance d’Abidjan à qualifier certains crimes d’actes de terrorisme et à maintenir les suspects en garde à vue pendant une période pouvant aller jusqu’à huit jours.
Le rapport établi en 2014 par la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) pour faire la lumière sur les violences postélectorales n’avait toujours pas été rendu public à la fin de l’année. En mars, la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire (CONARIV) a été mise en place pour compléter le travail de la CDVR, notamment pour recenser les victimes non identifiées des violences postélectorales. En décembre, le président Ouattara s’est engagé à gracier totalement ou partiellement plus de 3 000 personnes détenues depuis la crise électorale. La liste des personnes concernées n’avait pas été rendue publique à la fin de l’année.
L’élection présidentielle s’est déroulée en octobre dans un climat relativement calme. Le président Ouattara a été réélu pour un nouveau mandat de cinq ans avec 53 % des suffrages ; certains membres de l’opposition ont boycotté le scrutin.

JUSTICE NATIONALE

Plus de 200 partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo étaient toujours en détention pour des accusations, entre autres, d’atteintes à l’ordre public et de génocide en lien avec les violences ayant suivi les élections de 2010. Parmi eux se trouvaient plus de 30 personnes extradées du Liberia en 2012 et 2014. En août, 20 militaires qui avaient soutenu le président Ouattara, dont Chérif Ousmane et Lossény Fofana, ont été accusés de crimes en lien avec les violences postélectorales.
En mars, 78 partisans et proches de Laurent Gbagbo, dont Simone Gbagbo, Michel Gbagbo et Geneviève Bro Grebé, ont été jugés par la cour d’assises d’Abidjan. Dix- huit personnes ont été acquittées, et des peines d’emprisonnement avec sursis ont été prononcées à l’encontre de certains condamnés. Simone Gbagbo a été condamnée à 20 ans de prison pour complot contre l’autorité de l’État, participation à un mouvement insurrectionnel et atteintes à l’ordre public. Geneviève Bro Grebé a été condamnée à 10 ans d’emprisonnement pour des charges similaires. L’application de sa peine était suspendue à la fin de l’année dans l’attente de son procès en appel.
L’observateur d’Amnesty International lors du procès a relevé que la seule voie de recours proposée par la législation ivoirienne était le pourvoi en cassation – qui porte uniquement sur des points de droit –, ce qui est contraire au droit d’interjeter appel auprès d’une juridiction supérieure pour les condamnations pénales. Le droit de recours a été d’autant plus compromis dans cette affaire que la cour d’assises n’a pas fourni le texte intégral de sa décision. L’observateur a également souligné que la Cour n’avait visiblement pas tenu compte des allégations formulées par plusieurs accusés selon lesquelles ils avaient été torturés pendant leur détention provisoire.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

En mai, Sébastien Dano Djédjé, Justin Koua et Hubert Oulaye, trois cadres du Front populaire ivoirien (FPI), ont été arrêtés1. Ils avaient organisé une cérémonie pour la nomination de Laurent Gbagbo à la présidence du FPI à Mama, sa ville natale. Sébastien Dano Djédjé et Justin Koua ont été inculpés de violation d’une décision de justice, violence et voies de fait sur les forces de l’ordre, rébellion et atteinte à l’ordre public, et Hubert Oulaye de l’homicide de militaires de l’ONUCI en 2012. Sébastien Dano Djédjé a bénéficié d’une libération provisoire en décembre. Les deux autres hommes étaient toujours détenus dans l’attente de leur procès. Les policiers qui ont procédé à l’arrestation d’Hubert Oulaye à son domicile auraient frappé sa petite-fille, âgée de 15 ans et souffrant du paludisme. En septembre, un gardien accusé d’avoir prévenu la famille de Sébastien Dano Djédjé qu’il était malade a été arrêté et placé en détention. Entre la mi-septembre et octobre, plus de 50 personnes, essentiellement des membres de l’opposition politique, ont été arrêtées. Elles ont pour la plupart été accusées d’atteintes à l’ordre public après avoir participé à des manifestations pacifiques non autorisées2. Certaines ont été libérées par la suite, mais plus de 20 se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année. Nombre d’entre elles ont été victimes de mauvais traitements et maintenues en détention au secret pendant plusieurs semaines. En septembre, l’opposant Samba David a vu son domicile saccagé et a été frappé à coups de crosse. Il a été détenu au secret pendant deux jours sans pouvoir consulter un avocat ni bénéficier de soins médicaux. Il a été inculpé d’atteintes à l’ordre public, de discrédit d’une décision judiciaire et de complicité dans la destruction de biens, et condamné à six mois de prison.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

Les autorités ont interdit au moins 10 manifestations organisées par des ONG et le principal parti d’opposition. Des gaz lacrymogènes et des matraques ont été utilisés pour disperser les manifestants. Au moins 80 personnes ont été arrêtées en différents endroits du pays et accusées d’atteintes à l’ordre public. Fin 2015, ces personnes se trouvaient toujours en détention dans l’attente de leur procès.
Dans un rapport publié en mars, le Comité des droits de l’homme [ONU] s’est dit préoccupé par la situation de la liberté de la presse dans le pays. En juillet, Joseph Gnanhoua Titi, directeur du quotidien Aujourd’hui, a été arrêté et inculpé d’outrage au chef de l’État et de diffusion de « fausses nouvelles ». Dans un article paru quelques jours auparavant, ce journal avait accusé le président Ouattara de détournement de fonds internationaux et de blanchiment d’argent. Les charges retenues contre Joseph Gnanhoua Titi ont été abandonnées une semaine plus tard et il a été remis en liberté.

JUSTICE INTERNATIONALE

Alors que Simone Gbagbo était toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes contre l’humanité, le président Ouattara a déclaré en avril qu’il n’y aurait plus de transfert à la CPI. Au cours du même mois, la CPI a décidé de joindre les affaires à l’encontre de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. En mai, la CPI a rejeté l’appel interjeté par la Côte d’Ivoire contestant la recevabilité de l’affaire Simone Gbagbo devant la CPI. En octobre, elle a également rejeté la requête formulée par Laurent Gbagbo, qui demandait que les déclarations liminaires de son procès se fassent à Abidjan ou à Arusha. Le même mois, il a été annoncé que le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé débuterait en janvier 2016. La dernière demande de mise liberté provisoire présentée par Laurent Gbagbo a également été rejetée.

CONDITIONS DE DÉTENTION

Dans son rapport publié en mars, le Comité des droits de l’homme [ONU] a exprimé ses inquiétudes concernant les conditions carcérales dans l’ensemble du pays. Il a en particulier dénoncé le nombre élevé de détentions provisoires, les conditions sanitaires déplorables, l’absence d’infrastructures médicales adaptées, la non- séparation des enfants et des adultes et la forte surpopulation à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA).

PEINE DE MORT

En mars, le Parlement a approuvé à l’unanimité deux projets de loi visant à supprimer la peine de mort du Code pénal et du Code de procédure pénale. Ce châtiment avait été aboli en Côte d’Ivoire par la Constitution adoptée en 2000.

1.Côte d’Ivoire. L’arrestation d’opposants à l’approche de la présidentielle envoie un signal préoccupant (nouvelle, 7 mai)
2.Côte d’Ivoire. Il faut mettre fin aux arrestations arbitraires d’opposants à l’approche de la présidentielle (communiqué de presse, 5 octobre)

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