Rapport annuel 2016

REPUBLIQUE DU NIGER

Chef de l’État : Mahamadou Issoufou
Chef du gouvernement : Brigi Rafini

Le groupe armé Boko Haram a commis des crimes de droit international, ce qui a provoqué une escalade dans le conflit et une augmentation du nombre de personnes déplacées. Les autorités ont décrété l’état d’urgence dans la région de Diffa. Des défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement. Les pouvoirs publics ont restreint la liberté d’expression. Des milliers de réfugiés ont été renvoyés au Nigeria.

CONTEXTE
Boko Haram (qui depuis le mois d’avril se fait appeler la « Province ouest-africaine de l’Organisation de l’État islamique ») a intensifié ses attaques contre des civils, principalement dans la région de Diffa, qui se situe dans le sud-est du Niger et borde le Nigeria et le lac Tchad. Les déplacements de population et les destructions causés par les agissements du groupe, ainsi que les mesures prises par le gouvernement face à ces agissements, ont eu des effets dévastateurs sur l’économie de la région, engendrant notamment de graves pénuries de nourriture. À la suite d’un coup d’État manqué en décembre, neuf soldats ont été arrêtés et ils devraient être jugés par un tribunal militaire.

CONFLIT ARMÉ
Boko Haram a mené plus de 20 attaques contre des biens à caractère civil et des positions de l’armée dans la région de Diffa, tuant au moins 190 civils et 60 membres des forces de sécurité.

En avril, des membres du groupe ont encerclé de nuit l’île de Karamga avec des bateaux avant de lancer un assaut, faisant 74 morts (28 civils et 46 militaires). D’autres attaques ont été perpétrées dans la région de Diffa entre les mois de juin et de décembre, notamment des attentats-suicides.
Les forces de sécurité ont mené des attaques de représailles et arrêté plus d’un millier de personnes. En février, l’armée nigérienne a bombardé un convoi transportant du poisson fumé vers le Nigeria, ce commerce étant interdit au titre de l’état d’urgence car il constituerait une source de denrées alimentaires et de revenus pour Boko Haram.

Le même mois, un avion militaire non identifié a lâché une bombe sur le village d’Abadam, à la frontière avec le Nigeria, lors d’une cérémonie funéraire ; 36 civils au moins ont été tués.

En septembre, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est déclaré préoccupé par les attaques perpétrées contre des civils, tant par Boko Haram que par l’armée nigérienne.

SÉCURITÉ ET DROITS HUMAINS
Les conséquences des violences commises par des groupes armés ont été aggravées par la réaction de l’État, notamment avec les déplacements forcés et les restrictions du droit de circuler librement.

Les autorités ont décrété l’état d’urgence dans toute la région de Diffa en février, avant de prolonger cette mesure pour trois mois en mai et de la réinstaurer en octobre. Du fait de l’état d’urgence, la circulation des véhicules à deux-roues ou immatriculés au Nigeria était interdite, de même que la vente de poivre et de poisson. En juillet, à la suite d’attentats- suicides impliquant des femmes en burqa, les pouvoirs publics ont interdit les voiles couvrant les joues. Le même mois, un imam contestant cette mesure a été détenu sans inculpation pendant deux jours.

Selon le HCDH, les ministères de l’Intérieur et de la Défense se sont immiscés dans le processus judiciaire, ce qui a conduit à arrêter de nouveau des membres présumés de Boko Haram qui avaient été relaxés faute de preuves. Ces mêmes ministères ont aussi refusé, au motif que cela saperait le moral des troupes, d’enquêter sur les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements commis par l’armée.

Le HCDH s’est en outre déclaré préoccupé par le fait que 40 enfants de la région de Diffa avaient été arrêtés en juillet et détenus dans les prisons de Koutoukalé et de Kollo avant d’être transférés dans le quartier des mineurs de la prison de Niamey.

LIBERTÉ D’EXPRESSION
La liberté d’expression était sévèrement restreinte, parfois au nom de la sécurité nationale.

En juin, deux journaux, L’Actualité et L’Opinion, ont été interdits de parution pendant un mois pour « violation de la charte des journalistes ». Le Conseil supérieur de la communication n’a pas donné d’explication plus précise.
Moussa Tchangari, secrétaire général d’Alternative Espaces Citoyens (AEC), a été appréhendé en mai alors qu’il apportait de la nourriture à huit chefs de village de la région de Diffa, arrêtés pour « refus de coopérer avec les autorités dans la lutte contre Boko Haram ». Son organisation avait dénoncé le fait que les autorités nigériennes ne protégeaient pas les droits humains au vu des attaques perpétrées par Boko Haram. Il a été libéré à titre provisoire 10 jours après son arrestation1.

En mai, Nouhou Azirka, président du Mouvement pour la promotion de la citoyenneté responsable (MPCR), a été placé en garde à vue pour « atteinte à la défense nationale ». Dans une interview télévisée, il avait déclaré que des militaires déployés dans la région de Diffa s’étaient plaints de leurs mauvaises conditions de travail. Il a été libéré à titre provisoire au bout de quatre jours.

En novembre, cinq journalistes ont été arrêtés, parmi lesquels Souleymane Salha, de l’hebdomadaire Le Courrier. Il a été libéré sans inculpation au bout de 10 jours2.

RÉFUGIÉS ET PERSONNES DÉPLACÉES
Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées a augmenté de manière significative, ce qui a entraîné une aggravation des problèmes humanitaires, en particulier dans le sud. À la fin de l’année, le Niger comptait plus de 115 000 réfugiés ayant fui les conflits au Nigeria, en Libye et au Mali, et plus de 100 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays ou revenues dans le pays.
En avril, le gouverneur de Diffa a ordonné l’évacuation d’îles du lac Tchad à la suite d’une attaque de Boko Haram. Au moins 14 personnes sont mortes victimes de la faim, de la soif et de la chaleur pendant leur long trajet à pied jusqu’au camp de N’guigmi. Des militaires auraient empêché des transporteurs locaux d’acheminer ces personnes jusqu’au camp et, à leur arrivée, l’eau et la nourriture manquaient.

En janvier et en mai, l’armée a renvoyé de force des milliers de réfugiés au Nigeria sous prétexte que leur présence avait incité Boko Haram à lancer des attaques dans la zone.

CONDITIONS CARCÉRALES
Les prisons étaient toujours extrêmement surpeuplées. Selon des informations communiquées par des organisations de la société civile, à la fin de l’année 2014, la prison civile de Niamey comptait un millier de détenus pour une capacité d’accueil de 350 personnes.

Niger. La lutte contre Boko Haram ne doit pas servir de prétexte pour violer la liberté d’expression (communiqué de presse, 19 mai) ; Niger. Des défenseurs des droits humains détenus sans inculpation (AFR 43/1716/2015)
Niger. Des défenseurs des droits humains détenus sans inculpation (AFR 43/1716/2015)

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