Rapport Annuel 2016

Brésil

République fédérative du Brésil
Chef de l’État et du gouvernement : Dilma Rousseff

Cette année encore, de graves atteintes aux droits fondamentaux, dont des homicides perpétrés par la police et des actes de torture et autres mauvais traitements en détention, ont été signalées. Les jeunes Noirs des favelas (bidonvilles) et les groupes marginalisés étaient particulièrement exposés à ces violations. Les forces de sécurité ont souvent recouru à une force excessive ou inutile pour réprimer des manifestations. Des dizaines de personnes ont été tuées dans le cadre de conflits liés à la terre et aux ressources naturelles. Les communautés rurales et leurs dirigeants étaient toujours en butte à des menaces et des agressions de la part de propriétaires fonciers, surtout dans le nord et le nord-est du pays. Les personnes LGBTI ont continué d’être victimes de discrimination et de violences. La société civile a manifesté une opposition de plus en plus marquée à de nouvelles lois et à des modifications constitutionnelles qui menaçaient de revenir en arrière sur les droits sexuels et reproductifs, les droits des femmes et ceux des enfants. Les jeunes et les femmes se sont particulièrement mobilisés. Le Brésil ne s’est pas présenté à la réélection au Conseil des droits de l’homme [ONU].

SÉCURITÉ PUBLIQUE

Les problèmes de sécurité publique et le nombre élevé d’homicides de jeunes Noirs demeuraient de graves motifs de préoccupation. Le gouvernement n’a pas présenté de plan national concret pour réduire les homicides dans le pays comme il l’avait annoncé en juillet. Selon des chiffres publiés dans un rapport du Forum brésilien sur la sécurité publique pour l’année 2014, plus de 58 000 homicides ont été enregistrés. Le nombre de policiers tués (398) affichait une légère baisse de 2,5 % par rapport à 2013, et le nombre de personnes tuées par la police était supérieur à 3 000, soit une hausse de quelque 37 % par rapport à l’année précédente.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Le nombre d’homicides commis durant des opérations policières demeurait élevé en 2015 mais, en raison d’un manque de transparence dans la majorité des États, il était impossible de fournir un chiffre exact. Les États de Rio de Janeiro et de São Paulo ont enregistré une hausse importante du nombre de personnes tuées par des policiers en service, confirmant la tendance observée en 2014. Ce type d’homicides faisait rarement l’objet d’une enquête, et des tentatives de maquillage des scènes de crime et d’incrimination des victimes de la part des policiers ont souvent été signalées. Ceux-ci invoquaient régulièrement la légitime défense pour justifier ces meurtres, soutenant que la victime avait opposé une résistance au moment de son arrestation.
En septembre, un garçon de 13 ans a été tué lors d’une opération menée par la police à Manguinhos, une favela de Rio de Janeiro, et un adolescent de 16 ans a été abattu à Maré, une autre favela de la ville1.
En février, 12 personnes ont été tuées par balles et quatre autres blessées par des policiers militaires lors d’une opération dans le quartier de Cabula à Salvador (État de Bahia, dans le nord-est du Brésil). Les habitants ont déclaré se sentir menacés et inquiets du fait de la présence récurrente de la police militaire dans ce quartier après les homicides. Une enquête menée par la police civile a conclu que les policiers militaires avaient agi en état de légitime défense.
Cependant, des organisations travaillant sur cette affaire ont recueilli des éléments solides qui portaient à croire que les 12 personnes avaient été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Le ministère public a condamné le comportement des policiers militaires impliqués dans ces homicides et a mis en doute l’impartialité de l’enquête menée par la police civile2.
Le 2 avril, Eduardo de Jesus Ferreira, 10 ans, a été tué par des policiers militaires juste devant chez lui, dans le Complexo do Alemão, un quartier de Rio de Janeiro. Les policiers ont tenté de maquiller le lieu du crime et d’emporter le corps du petit garçon, mais en ont été empêchés par sa famille et des voisins. Menacées de mort, la mère d’Eduardo et sa famille ont dû quitter la ville.
Le 29 novembre, cinq jeunes hommes noirs âgés de 16 à 25 ans ont été abattus dans le quartier de Costa Barros, à Rio de Janeiro, par des membres du 41e bataillon de la police militaire. La voiture dans laquelle ils se trouvaient a reçu plus de 100 impacts de balles tirées par les policiers.
Des informations ont fait état d’homicides illégaux perpétrés par des policiers qui n’étaient pas en service, dans le cadre d’escadrons de la mort opérant dans plusieurs villes.
À Manaus (État de l’Amazonas, dans le nord du pays), 37 personnes ont été tuées en l’espace d’un week-end en juillet. À Osasco, une ville de la région métropolitaine de São Paulo, 18 personnes ont trouvé la mort en une seule nuit. L’enquête préliminaire a révélé l’implication de policiers militaires.
En février, Vitor Santiago Borges, 29 ans, a été blessé par balle par des membres des forces armées dans la favela de Maré, et est depuis resté paralysé. Les pouvoirs publics n’ont pas fourni au jeune homme ni à sa famille l’aide dont ils avaient besoin. Ils n’ont pas non plus diligenté d’enquête exhaustive et impartiale sur ce qui s’était passé. L’armée menait des opérations de maintien de l’ordre dans le quartier depuis avril 2014. Elle y avait été déployée en amont de la Coupe du monde et était censée s’en retirer juste après. Or, elle a continué d’assurer des fonctions de maintien de l’ordre à Maré jusqu’en juin 2015. Les habitants ont signalé un certain nombre de violations des droits humains, dont des violences physiques et des fusillades, commises par l’armée pendant cette période.

IMPUNITÉ

Les policiers responsables d’homicides illégaux jouissaient d’une impunité quasi totale. Sur les 220 enquêtes sur des homicides commis par la police ouvertes en 2011 dans la ville de Rio de Janeiro, une seule affaire avait abouti en 2015 à l’inculpation d’un agent. En avril, 183 de ces enquêtes étaient toujours en cours3.
Le Congrès a constitué deux commissions d’enquête parlementaires, l’une au Sénat et l’autre à la Chambre des députés, chargées de recueillir des éléments d’information sur le nombre élevé d’homicides de jeunes Noirs. Parallèlement, une proposition de loi portant modification de la Loi relative au désarmement, qui faciliterait l’accès aux armes à feu, a gagné du terrain au Congrès. Le Brésil n’a pas ratifié le Traité sur le commerce des armes.
Une commission d’enquête parlementaire sur les homicides commis par des policiers a été mise en place en octobre par l’assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro. Ses conclusions étaient attendues en mai 2016. La police civile de Rio de Janeiro a annoncé que toutes les affaires d’homicides commis par des policiers seraient traitées par la Division des homicides.

CONDITIONS DE DÉTENTION, TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

En mars, la présidente a désigné les 11 experts qui composeraient le mécanisme national de prévention et de lutte contre la torture. Intégré au Système national de prévention et de lutte contre la torture, ce mécanisme aura notamment pour mission de mener des visites d’inspection dans les lieux de détention.
Le système pénitentiaire était toujours marqué par une forte surpopulation, des conditions dégradantes, la pratique courante de la torture et des violences fréquentes.
Aucune mesure concrète n’a été prise par les autorités pour résoudre les graves problèmes de surpopulation et améliorer les conditions de détention extrêmement difficiles dans la prison de Pedrinhas (État de Maranhão, dans le nord-est du pays). On a appris en octobre qu’un détenu de Pedrinhas avait été tué, grillé et mangé en partie par des codétenus en 2013.
Des révoltes de prisonniers ont été signalées dans plusieurs États. Dans l’État du Minas Gerais, une mutinerie a fait deux morts parmi les détenus de l’établissement pénitentiaire de Governador Valadares en juin, et une autre trois morts dans la prison de Teófilo Otoni en octobre. Toujours au mois d’octobre, la prison de Londrina, située dans l’État du Paraná (dans le sud du pays), a été le théâtre de troubles.

DROITS DES ENFANTS

Les mineurs délinquants étaient eux aussi détenus dans des conditions dégradantes et pâtissaient de la très forte surpopulation. De nombreuses informations ont fait état de tortures et de violences infligées aussi bien à des garçons qu’à des filles, et plusieurs mineurs sont morts en détention durant l’année.
En août, la Chambre des députés a approuvé une modification de la Constitution abaissant de 18 à 16 ans l’âge à partir duquel une personne pouvait être jugée comme un adulte. Cette modification n’avait pas encore reçu l’approbation du Sénat à la fin de l’année. Si elle était adoptée, elle irait à l’encontre de plusieurs obligations du Brésil en matière de protection des droits de l’enfant, aux termes du droit international relatif aux droits humains.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Dans l’État du Paraná, la police militaire a recouru à une force injustifiée et excessive lors d’une manifestation organisée le 29 avril contre une modification du régime de sécurité sociale et de retraite des enseignants. Les policiers ont utilisé du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants. Plus de 200 manifestants ont été blessés et au moins sept ont été détenus brièvement. À la suite de cet épisode, le service d’assistance judiciaire et le ministère public ont intenté une action en justice contre le gouvernement. L’affaire était en instance à la fin de l’année4.
En octobre, le Sénat a approuvé un projet de loi introduisant dans le Code pénal l’infraction spécifique de terrorisme. Il est à craindre que, s’il était adopté sous sa forme actuelle, ce texte ne soit utilisé pour poursuivre des manifestants en justice et les qualifier de « terroristes ». Il n’avait pas encore été approuvé définitivement par la Chambre des députés à la fin de l’année.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT

Depuis que Rio de Janeiro a été choisie en 2009 pour accueillir les Jeux olympiques de 2016, plusieurs milliers de personnes ont été expulsées de chez elles dans le cadre de la construction des infrastructures d’accueil de l’événement. De nombreuses familles n’ont pas été averties en bonne et due forme, ni ne se sont vu proposer d’indemnisation financière satisfaisante ou de solution de réinstallation adaptée. La plupart des 600 familles vivant dans le quartier de Vila Autódromo, non loin du futur parc olympique, ont été expulsées par la municipalité. En juin, des membres de la garde municipale ont agressé les habitants encore sur place, qui protestaient pacifiquement contre les expulsions. Cinq d’entre eux ont été blessés, dont Maria da Penha Macena, qui a eu le nez cassé. À la fin de l’année, celles et ceux qui étaient restés vivaient sous la menace des travaux de démolition en cours, sans accès aux services de base tels que l’électricité et l’eau.

Dans la ville de Rio de Janeiro, les immeubles du programme « Ma maison, ma vie » – programme d’accès à la propriété pour les familles à faible revenu – étaient pour la plupart sous la coupe de milices (groupes criminels organisés, constitués principalement de policiers, pompiers et militaires qui n’étaient pas en service ou qui avaient quitté les forces de l’ordre) ou de bandes criminelles organisées. Plusieurs milliers de familles se trouvaient par conséquent exposées à un risque de violence, et nombre d’entre elles ont été contraintes de quitter leur logement à la suite de menaces et d’actes d’intimidation.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Le Programme national de protection des défenseurs des droits humains n’offrait pas en pratique les garanties promises dans ses dispositions. Doté de moyens insuffisants, il demeurait difficile à mettre en œuvre et ne garantissait pas la sécurité des personnes prises en charge. Son efficacité était également limitée par l’absence de cadre juridique. Un projet de loi portant création d’un cadre juridique pour une meilleure coordination des autorités fédérales et des États dans le domaine de la protection des défenseurs était en attente d’examen par le Congrès à la fin de l’année.
Les conflits liés à la terre et aux ressources naturelles continuaient de faire, chaque année, plusieurs dizaines de morts. Des communautés rurales et leurs dirigeants ont fait l’objet de menaces et d’agressions par des propriétaires fonciers, en particulier dans le nord et le nord-est du pays. En octobre, cinq personnes ont trouvé la mort à Vilhena (État de Rondônia) dans le cadre de conflits fonciers locaux.
Raimundo Santos Rodrigues, également appelé José dos Santos, a été abattu le 25 août à Bom Jardim (État de Maranhão). Son épouse, qui se trouvait alors avec lui, a été blessée par balle. Cet homme était membre du Conseil de la réserve biologique de Gurupi, aire protégée de la forêt amazonienne, dans l’État de Maranhão.
Depuis plusieurs années, il dénonçait l’exploitation forestière illégale et la déforestation en Amazonie, faisait campagne contre ces activités et s’employait à défendre les droits de sa communauté. Il était également membre du Syndicat des ouvriers agricoles de Bom Jardim. Il avait reçu plusieurs menaces de mort, signalées à maintes reprises aux autorités par la Commission pastorale de la terre et par une organisation locale de défense des droits humains. Aucune mesure de protection n’avait toutefois été prise en sa faveur.
Les menaces, les agressions et les homicides visant des défenseurs des droits humains faisaient rarement l’objet d’enquêtes et restaient bien souvent impunis. Il était à craindre que les responsables de la mort de Flaviano Pinto Neto, chef de file de la communauté quilombola de Charco (État de Maranhão) tué en octobre 2010, ne soient pas traduits en justice. Malgré une enquête approfondie, un non-lieu a été prononcé en octobre, et la responsabilité de la mort a été imputée à la victime elle-même. À la fin de l’année, on ignorait si le ministère public interjetterait appel.
Le 5 novembre, la rupture d’un barrage de la compagnie minière Samarco, contrôlée par Vale et BHP Billiton, dans l’État du Minas Gerais, a été considérée comme la pire catastrophe écologique de l’histoire du Brésil. Elle a fait plusieurs morts et blessés et a entraîné d’autres violations graves des droits humains, telles qu’un accès insuffisant à l’eau potable et à un logement sûr pour les familles et les communautés touchées, ainsi qu’un manque d’informations fiables. Le torrent de boues toxiques qui s’est échappé a aussi compromis les moyens de subsistance des pêcheurs et des autres travailleurs dont les revenus dépendent directement ou indirectement du fleuve Rio Doce.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le processus de délimitation des terres des peuples indigènes ne progressait toujours qu’avec une extrême lenteur, alors que le gouvernement fédéral disposait à la fois de l’autorité juridique et des moyens financiers nécessaires pour le faire avancer. Plusieurs dossiers étaient toujours en instance à la fin de l’année. Les attaques visant des membres de communautés indigènes demeuraient monnaie courante, et leurs auteurs étaient rarement traduits en justice.

La profonde détérioration de la situation des Guaranis-Kaiowás de la communauté d’Apika’y, dans le Mato Grosso do Sul, suscitait de plus en plus d’inquiétude. Une ordonnance d’expulsion, qui aurait pu laisser sans abri les membres de cette communauté, a été suspendue provisoirement en août.
Cependant, à la fin de l’année, ils étaient toujours sous la menace d’une expulsion 5.
Le 29 août, des éleveurs locaux ont attaqué la communauté indigène de Ñanderú Marangatú, dans la municipalité d’Antonio João (État du Mato Grosso do Sul). Un homme, Simião Vilhalva, a été tué, et plusieurs femmes et enfants ont été blessés. Aucune enquête n’a été ouverte sur cette attaque, ni aucune mesure prise pour protéger la communauté contre de nouvelles violences.
Une commission spéciale de la Chambre des députés a approuvé en octobre une proposition d’amendement de la Constitution transférant au pouvoir législatif – au sein duquel l’influence du lobby de l’agriculture industrielle est très forte – la responsabilité de délimiter les terres appartenant aux indigènes, responsabilité jusqu’alors assumée par le pouvoir exécutif. À la fin de l’année, cet amendement devait encore être adopté par l’ensemble des députés réunis en plénière. L’adoption de ce texte aurait de lourdes répercussions sur l’accès à la terre des peuples indigènes.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

De nouvelles lois et des modifications constitutionnelles débattues par le Congrès mettaient gravement en péril les droits sexuels et reproductifs et les droits des femmes. À la fin de l’année, plusieurs propositions de loi érigeant en infraction l’avortement en toutes circonstances, par exemple le projet dit de l’« enfant à naître », étaient en cours d’examen au Congrès. Une autre proposition empêcherait les femmes d’avorter légalement et en toute sécurité dans le système de santé publique, même dans les situations actuellement autorisées par le droit brésilien, par exemple en cas de viol ou quand la vie de la mère est en danger. Si elle était adoptée, cette proposition mettrait également fin à l’aide d’urgence prodiguée aux victimes de viol.

1.Brésil. Une opération de police fait deux morts et plusieurs blessés (AMR 19/2424/2015)
2.Brésil. Douze personnes tuées par la police militaire (AMR 19/0002/2015)
3.Brazil : “You killed my son” – homicides by the Military Police in the city of Rio de Janeiro (AMR 19/2068/2015)
4.Brésil. La police militaire attaque des enseignants en grève (AMR 19/1611/2015)
5.Brésil. Une communauté indigène risque d’être expulsée (AMR 19/2151/2015)

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