Rapport annuel 2016

VIÊT-NAM

République socialiste du Viêt-Nam
Chef de l’État : Truong Tan Sang
Chef du gouvernement : Nguyen Tan Dung

Cette année encore, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont fait l’objet de sévères restrictions. L’État contrôlait toujours les médias et l’appareil judiciaire, ainsi que les institutions politiques et religieuses. Au moins 45 prisonniers d’opinion, condamnés à l’issue de procès non équitables, restaient détenus dans des conditions déplorables. Parmi eux figuraient des blogueurs, des défenseurs des droits du travail et des droits fonciers, des militants politiques, des adeptes de différentes religions, des membres de minorités ethniques, ainsi que des défenseurs des droits humains et de la justice sociale. De nouveaux militants ont été jugés et condamnés. Les autorités ont tenté d’empêcher les activités de certains groupes indépendants issus de la société civile en se livrant à des manœuvres de harcèlement et de surveillance et en restreignant le droit de leurs membres de circuler librement. Les blogueurs et les militants ont été moins nombreux à être poursuivis en justice, mais parallèlement les cas de harcèlement, de détention arbitraire de courte durée et d’agressions physiques par des membres des forces de sécurité se sont multipliés. De nombreux Montagnards ont fui au Cambodge et en Thaïlande pour y demander l’asile entre octobre 2014 et décembre 2015. La peine de mort était maintenue.

CONTEXTE
Le gouvernement a poursuivi son vaste programme de réforme législative. Plusieurs textes importants étaient en cours de révision ou d’élaboration. Une version modifiée du Code civil, un nouveau Code pénal, la Loi relative à la garde à vue et à la détention et le Code de procédure pénale avaient été approuvés à la fin de l’année. En revanche, une loi sur les associations, une autre sur les manifestations, et une troisième sur les croyances et la religion n’étaient pas encore prêtes. La population a été invitée à faire part de ses commentaires. Des groupes indépendants issus de la société civile se sont inquiétés de ce que certaines de ces lois n’étaient pas conformes aux obligations internationales du Viêt-Nam, notamment aux termes du PIDCP, que le Viêt-Nam a ratifié.

La Convention contre la torture [ONU] est entrée en vigueur en février, mais les réformes législatives de grande ampleur nécessaires à son application étaient toujours attendues à la fin de l’année.

Plus de 18 000 détenus ont été libérés à l’occasion de la 70e fête nationale en septembre, mais aucun prisonnier d’opinion ne figurait parmi eux.
De très nombreux Montagnards (membres des minorités ethniques vivant dans les régions montagneuses du centre du pays) ont fui au Cambodge et en Thaïlande entre octobre 2014 et décembre 2015, se plaignant pour la plupart de persécutions religieuses et de harcèlement. Plusieurs dizaines de ces personnes en quête d’asile ont été renvoyées de force au Viêt-Nam par le Cambodge.

D’autres sont rentrées volontairement après s’être heurtées au refus des autorités cambodgiennes d’enregistrer leur demande d’asile et de la traiter. On ignorait tout du sort qui leur avait été réservé à leur retour (voir Cambodge).

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE
Des membres de groupes militants indépendants qui tentaient d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont été régulièrement harcelés. Ils ont notamment été soumis à une surveillance, à des restrictions de leur liberté de circuler, à des détentions arbitraires de courte durée et à des agressions physiques de la part de policiers et d’hommes non identifiés soupçonnés d’être de connivence avec les forces de sécurité. Plusieurs dizaines de militants ont été ainsi attaqués, souventavant ou après être allés rendre visite à d’anciens prisonniers récemment libérés ou à des victimes de violations des droits humains, ou encore lors de manifestations ou de réunions.

En juillet, les forces de sécurité ont harcelé et menacé des militants pacifiques qui voulaient participer à une grève de la faim organisée dans quatre grandes villes en solidarité avec des prisonniers d’opinion.
Cette action était organisée dans le cadre de la campagne We Are One, lancée en mars par l’envoi au Conseil des droits de l’homme [ONU] d’une lettre sur la situation des droits humains au Viêt-Nam, signée par 27 organisations de la société civile locale et 122 personnes.

Les autorités ont continué d’utiliser des textes formulés en termes vagues pour inculper et condamner des militants pacifiques, et notamment l’article 258 du Code pénal de 1999 (qui punit l’utilisation abusive des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l’État et aux droits et intérêts légitimes des organisations ou des citoyens). Dans la province de ??ng Nai, trois militants en faveur de la démocratie arrêtés en mai 2014 alors qu’ils suivaient en observateurs des manifestations antichinoises ont été condamnés en février à des peines de 12 à 18 mois d’emprisonnement, au titre de l’article 258 du Code pénal.

L’ancien prisonnier d’opinion Nguy ?n V ?n ?ài, éminent avocat et défenseur des droits humain, et sa consœur Lê Thu Hà ont été arrêtés en décembre sous l’accusation de « propagande » contre l’État, au titre de l’article 88 du Code pénal. Quelques jours auparavant, Nguy ?n V ?n ?ài et trois de ses collègues avaient été violemment agressés par une vingtaine d’hommes en civil alors qu’ils sortaient d’une session de formation sur les droits humains dans la province de Ngh ? An.

Le blogueur Nguy ?n H ?u Vinh et sa collègue Nguy ?n Th ? Minh Thu ?y, interpellés en mai 2014, se trouvaient toujours en détention provisoire. Ils ont été inculpés en février au titre de l’article 258 du Code pénal,en lien avec les blogs Dan Quyen (Les droits des citoyens) et Chep su Viêt (Écrire l’histoire du Viêt-Nam), qui critiquaient la politique du gouvernement et ont depuis été fermés1.

T ? Phong T ?n, blogueuse et journaliste de renom, a été libérée en septembre et envoyée immédiatement en exil aux États-Unis. Elle avait purgé quatre années de la peine de 10 ans d’emprisonnement à laquelle elle avait été condamnée pour « diffusion de propagande » contre l’État.

Des mesures de répression visant les activités religieuses menées hors du cadre des religions autorisées par l’État ont continué d’être signalées, notamment contre des bouddhistes Hoa Hao, des catholiques pratiquants et des minorités ethniques chrétiennes.

DROIT DE CIRCULER LIBREMENT
Si les défenseurs des droits humains et les détracteurs du gouvernement ont été moins nombreux que les années précédentes à être arrêtés et poursuivis, les agressions physiques et les restrictions du droit de circuler librement se sont au contraire multipliées. Plusieurs militants ont été assignés à domicile. Certains, qui voulaient se rendre à l’étranger pour participer à des manifestations en lien avec les droits humains, ont vu leur passeport leur être confisqué. D’autres ont réussi à sortir du pays mais ont été arrêtés et interrogés par la police à leur retour.

Tr ?n Th ? Nga, membre du groupe indépendant Femmes vietnamiennes pour les droits humains, a été arrêtée en mars par les forces de sécurité alors qu’elle se rendait à une rencontre avec une délégation étrangère de l’Assemblée de l’Union interparlementaire, qui se tenait à Hanoï, la capitale. Les agents l’ont frappée tandis qu’ils la reconduisaient de force chez elle, dans la province de Hà Nam, avec ses deux jeunes enfants.

MORTS EN DÉTENTION
En mars, l’Assemblée nationale a émis des doutes sur la crédibilité d’une annonce du ministère de la Sécurité publique selonlaquelle la plupart des 226 morts en garde à vue survenues entre octobre 2011 et septembre 2014 étaient dues à la maladie ou au suicide. En 2015, au moins sept morts en garde à vue ont été signalées, accompagnées de soupçons de torture et d’autres mauvais traitements par la police.

PRISONNIERS D’OPINION
Au moins 45 prisonniers d’opinion étaient toujours incarcérés à la fin de l’année2. La plupart avaient été condamnés en vertu de dispositions du Code pénal relatives à la sécurité nationale qui étaient formulées en termes vagues, tels les articles 79 (activités visant à « renverser » l’État) ou 88 (« diffusion de propagande »). Au moins 17 ont été libérés à la fin de leur peine mais maintenus en résidence surveillée pour une période donnée. Thích Qu ?ng ??, patriarche de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-Nam – une Église indépendante interdite – a passé sa douzième année en résidence surveillée de fait, tandis que Nguy ?n V ?n Lý, prêtre catholique défenseur de la démocratie, continuait de purger sa peine de huit ans d’emprisonnement.
Certains prisonniers ont subi des pressions visant à les faire « avouer » les faits qui leur étaient reprochés en échange d’une réduction de leur peine3.

Les prisonniers d’opinion continuaient d’être traités durement et détenus dans des conditions éprouvantes. Ils étaient notamment privés d’exercice physique, victimes d’agressions physiques et verbales, maintenus pendant de longues périodes dans des cellules surchauffées où la lumière du jour pénétrait à peine, privés d’équipements sanitaires, soumis à des transferts à répétition et détenus loin de chez eux, ce qui rendait difficile les visites de leur famille. Plusieurs d’entre eux ont entrepris des grèves de la faim pour protester contre leur placement à l’isolement et les mauvais traitements infligés aux prisonniers. C’était le cas notamment de T ? Phong T ?n (voir plus haut), Nguy ?n ??ng Minh M ?n, qui purgeait une peine de huit ans de prison, et ?inh Nguyên Kha,condamné à quatre ans d’emprisonnement4. Nguy ?n V ?n Duy ?t, militant social catholique purgeant une peine de trois ans et demi de prison, a entamé une grève de la faim pour protester contre le fait qu’il n’était pas autorisé à disposer d’une bible, et H ? Th ? Bích Kh ??ng, défenseure de la justice sociale condamnée à cinq ans d’emprisonnement, a contesté de cette manière l’interdiction qui lui était faite d’emmener ses effets personnels lors d’un transfert dans une autre prison.

PEINE DE MORT
L’Assemblée nationale a approuvé le projet de loi visant à réduire de 22 à 15 le nombre de crimes passibles de la peine capitale, ainsi qu’à abolir ce châtiment pour les accusés âgés de 75 ans et plus. De nouvelles condamnations à mort ont été prononcées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Bien que les statistiques officielles relèvent toujours du secret d’État, le ministre de la Justice a déclaré en octobre, selon les informations parues dans les médias, que 684 prisonniers étaient en attente d’exécution. La presse a fait état d’au moins 45 condamnations à mort cette année. Le Parquet populaire suprême a été chargé en janvier de réexaminer 16 affaires dans lesquelles l’accusé avait été condamné à mort mais affirmait avoir été torturé pendant son interrogatoire par la police. En octobre, l’exécution de Lê V ?n Ma ?nh a été reportée pour permettre un supplément d’enquête. Cet homme affirmait avoir été torturé par la police pendant sa garde à vue5.

Viêt-Nam. Demandez la libération d’un blogueur et de son assistante (ASA 41/2801/2015)
Viêt-Nam. Tous les prisonniers d’opinion doivent être libérés immédiatement et sans conditions (ASA 41/2360/2015)
Viet Nam : Release Tran Huynh Duy Thuc (ASA 41/1731/2015)
Viêt-Nam. Libération de la prisonnière d’opinion Ta Phong Tan (ASA 41/2600/2015)
Viet Nam : Halt imminent execution of Le Van Manh and order investigation into allegations of torture (ASA 41/2737/2015)

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