Des dizaines de personnes ont été tuées dans des attaques au cocktail Molotov perpétrées contre des bus et d’autres véhicules sur fond de campagnes antigouvernementales. Plusieurs centaines de partisans de l’opposition ont été détenus pendant des périodes plus ou moins longues, dans certains cas pour des motifs politiques. Les médias indépendants ont été soumis à de fortes pressions et des restrictions pesaient sur la liberté d’expression. Au moins neuf blogueurs et éditeurs défenseurs de la laïcité ont été attaqués ; cinq d’entre eux ont succombé à leurs blessures. Plus de 40 personnes ont été victimes de disparition forcée.
CONTEXTE
Une campagne antigouvernementale menée par le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP, opposition) entre janvier et mars a dégénéré en violences ; des centaines de bus et d’autres véhicules ont été attaqués, apparemment par des manifestants qui lançaient des cocktails Molotov. Des dizaines de passagers ont été tués et de très nombreux autres ont été blessés. Aucun individu qui avait directement participé aux attaques n’a été traduit en justice.
Plusieurs dirigeants du BNP ont été arrêtés par la police et inculpés d’incendie volontaire. Parmi eux figurait Mirza Fakhrul Islam Alamgir, secrétaire général par intérim du parti, qui a été régulièrement placé en détention au cours de l’année pendant des périodes de quelques semaines ou même quelques mois.
Plusieurs centaines de membres de l’opposition ont été détenus pendant des jours, voire plusieurs mois. Certains ont été inculpés d’incendie volontaire. Des étrangers ont été la cible d’attaques menées par des individus non identifiés. Entre le 28 septembre et le 18 novembre, un Italien employé d’une organisation humanitaire et un Japonais ont été abattus ; un médecin italien a survécu à une attaque armée. Samiul Islam Rajon, un adolescent de 13 ans, a été battu à mort en public en juillet après avoir été accusé de vol. Ces faits ont déclenché au sein de l’opinion publique de vives critiques à propos de la négligence dont les enfants des rues sont l’objet. Le gouvernement a ordonné peu après l’ouverture d’une enquête sur cet homicide. Au moins 16 personnes accusées d’atteintes graves aux droits humains commises durant la guerre d’indépendance du Bangladesh, en 1971, étaient en procès à la fin de l’année. Les autorités n’ont pas ouvert le dossier d’homicides attestés commis par les forces favorables à l’indépendance.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Les médias indépendants qui critiquaient les autorités ont été soumis à de fortes pressions. En octobre, le gouvernement a averti les entreprises qu’elles seraient pénalisées si elles faisaient de la publicité dans Prothom Alo et dans le Daily Star, deux quotidiens connus pour leurs prises de position critiques.
Une commission permanente du Parlement a préconisé, en novembre, la dissolution de la branche bangladaise de Transparency International car cette ONG de lutte contre la corruption avait fait des commentaires jugés désobligeants envers le Parlement. Un tribunal de Dacca a engagé des poursuites pour outrage à l’autorité de la justice contre 49 militants de la société civile qui avaient qualifié ses procès d’inéquitables. En novembre, les autorités ont bloqué les réseaux sociaux et d’autres applications de communication, ce qui constituait une restriction à la liberté d’expression.
Des blogueurs qui exprimaient des opinions laïques ont été attaqués par des membres présumés de groupes islamistes. En février, Avijit Roy a été assassiné par des hommes armés de machettes. Son épouse, Rafida Ahmed Bonya, a survécu. Avant la fin du mois d’août, trois autres blogueurs – Washiqur Rahman, Niloy Neel et Ananta Bijoy Das – avaient été tués à l’arme blanche. En octobre, un éditeur de textes laïques a été tué à coups de machette ; un autre éditeur et deux auteurs défenseurs de la laïcité ont survécu à une attaque. Les autorités, y compris la Première ministre, ont accusé les blogueurs et les éditeurs d’avoir porté atteinte aux sentiments religieux dans leurs écrits.
DISPARITIONS FORCÉES
Des membres des forces de sécurité en civil ont arrêté plusieurs dizaines de personnes et ont nié par la suite connaître leur lieu de détention. Une étude de la presse nationale réalisée par l’organisation de défense des droits humains Ain o Salish Kendra a recensé la disparition forcée d’au moins 43 personnes, dont deux femmes, entre janvier et septembre. Six ont été retrouvées mortes, quatre ont été libérées et cinq ont été localisées en garde à vue. On ignorait tout du sort des 28 autres. Le procès de trois membres du Bataillon d’action rapide inculpés de l’enlèvement suivi de l’homicide de sept personnes en avril 2014 s’est poursuivi. Aucun membre des forces de sécurité ou agent de l’État impliqué dans d’autres cas de disparition forcée n’a été traduit en justice.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Des actes de torture et des mauvais traitements étaient régulièrement infligés aux personnes placées en garde à vue ; les plaintes pour torture faisaient rarement l’objet d’une enquête. En mars, de hauts responsables de la police se sont plaints publiquement des garanties légales contre la torture et ont appelé le gouvernement à dépénaliser la torture dans les situations de guerre, de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou d’état d’urgence, ou encore lorsque la torture est ordonnée par un supérieur ou une autorité publique.
CHITTAGONG HILL TRACTS
Un mémorandum du gouvernement rendu public en janvier a imposé des restrictions sévères aux personnes qui souhaitaient se rendre dans les Chittagong Hill Tracts ou y organiser des événements, ce qui violait l’obligation du gouvernement de respecter les droits des populations autochtones ainsi que le droit de ne pas subir de discrimination, le droit de circuler librement et le droit d’association et de réunion pacifique.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
Selon l’Association nationale des avocates du Bangladesh, plus de 240 plaintes pour viol ont été signalées dans la presse entre janvier et mai. Des organisations de défense des droits humains ont souligné que, alors que le nombre de cas de viol déclarés avait augmenté ces dernières années, le taux de condamnation était extrêmement bas, essentiellement du fait de l’absence d’enquêtes sérieuses dans un délai raisonnable. De nombreuses femmes et filles hésitaient à dénoncer un viol aux autorités. Les victimes de viol devaient prouver que la force avait été utilisée contre elles, et notamment se soumettre à un examen physique.
PEINE DE MORT
Au moins 198 personnes ont été condamnées à mort, dont six hommes reconnus coupables de l’homicide de Samiul Islam Rajon (voir plus haut). Oishee Rahman a été condamnée à mort pour le meurtre de ses parents, commis en 2013. Ses avocats ont fait valoir qu’elle ne pouvait pas être condamnée à la peine capitale car elle avait moins de 18 ans au moment des faits qui lui étaient reprochés, mais le tribunal a retenu une expertise médicale qui avait conclu qu’elle était alors âgée de 19 ans. Le Tribunal pour les crimes de droit international, une juridiction bangladaise créée pour enquêter sur les événements de la guerre d’indépendance, en 1971, a prononcé quatre nouvelles sentences capitales. La procédure appliquée par ce tribunal était entachée de graves irrégularités et de violations du droit à un procès équitable.
Contester la compétence de cette juridiction était toujours impossible en raison des effets d’une disposition constitutionnelle. Le tribunal continuait de retenir à titre de preuve des témoignages à charge dont la défense avait démontré qu’ils étaient sans fondement. Il a rejeté des déclarations sous serment de témoins à décharge selon lesquels l’accusé était trop loin du lieu des faits pour y avoir participé. En leur refusant la délivrance d’un visa, le gouvernement a empêché des témoins à décharge qui se trouvaient à l’étranger d’assister au procès. Les procédures d’appel étaient pareillement entachées d’irrégularités.
Malgré les appels répétés d’Amnesty International et d’autres organisations demandant que cessent les exécutions de personnes condamnées lors de procès iniques suivis d’une procédure d’appel entachée d’irrégularités, trois prisonniers ont été exécutés en 2015. Ceci portait à quatre le nombre de suppliciés à l’issue de procès devant le Tribunal pour les crimes de droit international.