Rapport Annuel 2016

Corée du Nord

République populaire démocratique de Corée
Chef de l’État : Kim Jong-un
Chef du gouvernement : Pak Pong-ju

Les Nord-Coréens étaient toujours privés de la quasi-totalité leurs droits fondamentaux, dont la plupart des aspects étaient bafoués. Les autorités ont continué d’arrêter et d’incarcérer arbitrairement des personnes, notamment des ressortissants de République de Corée (Corée du Sud), sans qu’elles puissent bénéficier d’un procès équitable ni consulter un avocat ou communiquer avec leur famille. Un certain nombre de familles, en particulier celles dont des membres étaient soupçonnés d’avoir fui le pays ou tenté d’accéder à des informations de l’extérieur, restaient sous surveillance systématique. Le gouvernement a envoyé plus de 50 000 personnes travailler à l’étranger, récupérant directement leur salaire auprès des employeurs afin d’en prélever une part importante. Peu de progrès ont été accomplis pour faire la lumière sur les cas d’enlèvements et de disparitions forcées d’étrangers.

CONTEXTE

Pendant la quatrième année du régime de Kim Jong-un, les médias internationaux ont continué de faire état d’exécutions de hauts responsables. Le chef de l’État n’a pas assisté aux célébrations de l’anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Chine et en Russie. Les relations entre les deux Corées sont restées tendues. Début août, deux soldats sud-coréens ont été grièvement blessés par des explosions de mines terrestres dans la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Un peu plus tard le même mois, la Corée du Sud a diffusé des messages radio de l’autre côté de la frontière pour réclamer des excuses, ce qui déclenché des échanges de tirs d’artillerie entre les deux parties. Les tensions se sont apaisées après 43 heures de dialogue au plus haut niveau : la Corée du Nord a exprimé ses regrets concernant les explosions et un accord a été trouvé pour poursuivre les rencontres entre membres de familles séparées. D’après les médias nationaux, des catastrophes naturelles, notamment une grave sécheresse en été et des inondations, ont tué au moins 40 personnes et touché plus de 10 000 autres.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont continué d’imposer de sévères restrictions à la liberté d’expression, en particulier au droit de rechercher, de recevoir et de partager des informations au- delà des frontières nationales. Sur une population de 25 millions d’habitants, plus de trois millions de personnes étaient abonnées à des services nationaux de téléphonie mobile, mais la quasi-totalité des Nord- Coréens n’avait pas accès aux services internationaux ni à Internet. Seuls les touristes et les résidents étrangers avaient le droit d’acheter des cartes SIM spéciales pour passer des appels hors du pays ou accéder à Internet au moyen de smartphones. Le réseau informatique existant, qui donnait accès uniquement à des sites et services de messagerie électronique nationaux, restait disponible mais n’était toujours pas accessible au plus grand nombre. Des Nord-Coréens vivant à proximité de la frontière chinoise prenaient des risques importants en utilisant des téléphones portables de contrebande connectés aux réseaux chinois afin d’entrer en contact avec des personnes se trouvant à l’étranger. Ceux qui n’avaient pas de téléphone de ce type devaient payer un prix exorbitant pour passer par un intermédiaire. Bien que le fait d’appeler hors de Corée du Nord ne constitue pas une infraction pénale en tant que telle, toute personne impliquée dans l’usage de téléphones portables de contrebande pour se connecter aux réseaux mobiles chinois risquait d’être surveillée, arrêtée et placée en détention pour diverses infractions, notamment pour espionnage.
Le gouvernement a continué de restreindre l’accès à diverses sources d’informations extérieures, malgré l’absence totale de journaux, médias et organisations de la société civile indépendants dans le pays. Les autorités utilisaient les ondes radio pour bloquer la réception de programmes de télévision ou de radio étrangers et faisaient en sorte que les appareils disponibles légalement ne puissent pas capter les chaînes étrangères. Les personnes qui possédaient, regardaient ou copiaient et partageaient des contenus audiovisuels étrangers s’exposaient à une arrestation si ces contenus étaient considérés comme « des programmes hostiles ou de la propagande ennemie » aux termes du droit pénal.

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Des Nord-Coréens qui utilisaient des téléphones de contrebande pour passer des appels ont indiqué que les lignes étaient souvent brouillées et que des conversations étaient mises sur écoute, entre autres formes de violations du droit au respect de la vie privée. Une unité spéciale du ministère de la Sûreté de l’État chargée des opérations secrètes numériques et de renseignement a eu recours à des dispositifs de surveillance importés sophistiqués afin de repérer les utilisateurs de téléphones mobiles qui tentaient de joindre l’étranger. Les personnes dont les conversations étaient entendues pouvaient être arrêtées s’il s’avérait qu’elles appelaient quelqu’un en Corée du Sud ou demandaient qu’on leur envoie de l’argent.
Les systèmes de surveillance de personne à personne continuaient également de menacer le droit au respect de la vie privée. Des groupes de voisinage mis en place par le gouvernement, notamment à des fins d’éducation idéologique, étaient autorisés à réaliser des visites à domicile à tout moment et à rendre compte des activités des habitants. Les responsables de groupe, en collaboration avec une autre unité spécialisée du ministère de la Sûreté de l’État, surveillaient ce que les gens avaient l’habitude de regarder à la télévision ou d’écouter à la radio. Les familles soupçonnées de regarder des contenus audiovisuels étrangers ou de recevoir de l’argent d’un proche qui avait fui le pays faisaient l’objet d’une surveillance renforcée.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Des Nord-Coréens ayant fui le pays ont signalé une augmentation des arrestations en raison du renforcement des contrôles à la frontière sous le régime de Kim Jong-un, tant pour les personnes que pour les marchandises. Ces arrestations étaient arbitraires car elles visaient souvent à punir quelqu’un pour avoir exercé ses droits humains, à lutter contre l’économie de marché privée ou à extorquer des pots-de- vin.
Des centaines de milliers de personnes étaient toujours détenues dans des camps de prisonniers politiques et d’autres centres de détention, où elles subissaient des violations graves, systématiques et généralisées de leurs droits humains, telles que des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et où elles étaient soumises aux travaux forcés. De nombreux prisonniers de ces camps n’avaient été déclarés coupables d’aucune infraction dûment reconnue par le droit international, mais étaient détenus au titre de la « culpabilité par association », simplement parce que certains de leurs proches étaient considérés comme une menace pour les pouvoirs publics.
En mai et juin, trois hommes sud-coréens, Kim Jung-wook, Kim Kuk-gi et Choe Chun-gil, ont été condamnés à des peines de réclusion à perpétuité après avoir été reconnus coupables d’espionnage, entre autres, à l’issue de procédures judiciaires non conformes aux normes internationales d’équité. Joo Won-moon, un étudiant sud- coréen qui avait été arrêté pour entrée illégale dans le pays en avril, a été libéré en octobre après plus de cinq mois de détention sans pouvoir contacter un avocat ni sa famille1.

DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS

Le gouvernement a envoyé au moins 50 000 personnes travailler dans des pays comme la Libye, la Mongolie, le Nigeria, le Qatar et la Russie dans divers secteurs, tels que la médecine, le bâtiment, la sylviculture et la restauration. Ces employés étaient souvent soumis à des journées de travail excessivement longues et à de mauvaises conditions de sécurité, n’étaient pas informés du droit du travail et n’avaient accès à aucun organisme gouvernemental contrôlant le respect du droit. Au lieu d’être directement payées par leur employeur, ces personnes recevaient leur salaire du gouvernement nord-coréen, qui en prélevait d’abord une part importante. Dans les pays d’accueil, les employés restaient sous surveillance comme en Corée du Nord, et leurs contacts avec la population locale étaient fortement restreints.

DROIT DE CIRCULER LIBREMENT

Pendant les 10 premiers mois de 2015, le ministère sud-coréen de l’Unification a signalé l’arrivée de 978 Nord-Coréens, parmi lesquels un soldat adolescent qui avait passé à pied la frontière entre les deux Corées le 15 juin. D’après les médias sud-coréens, l’armée nord-coréenne a installé des mines terrestres supplémentaires en 2015 pour empêcher ses soldats de s’enfuir en Corée du Sud. Le rythme des arrivées était comparable à celui de 2014 (1 397 personnes sur l’année) et aux chiffres de 2013 et de 2012, qui, en raison des contrôles stricts à la frontière, étaient inférieurs à ceux des années antérieures.
Les Nord-Coréens renvoyés de force depuis la Chine ou d’autres pays étaient toujours exposés à des risques de détention, d’emprisonnement, de travail forcé, de torture et d’autres mauvais traitements. La Chine ignorait l’obligation de « non-refoulement » prévue par le droit international et renvoyait des Nord-Coréens dans leur pays, apparemment au titre d’un accord signé en 1986 avec les autorités nord-coréennes. La Russie serait en train de conclure un accord similaire.

DROIT À L’ALIMENTATION

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué en septembre que, après trois années consécutives d’augmentation, la production alimentaire avait stagné en 2014, tandis que la production de riz et d’autres céréales avait baissé de plus de 10 % en raison de la sécheresse de 2015. Cela pourrait expliquer la décision du gouvernement de réduire les rations alimentaires quotidiennes distribuées aux familles en juillet et août, qui sont passées de 410 g à 250 g par personne, soit des quantités bien inférieures aux portions distribuées pendant les mêmes mois de 2013 et 2014. Le système de distribution publique était le principal moyen pour 18 millions de personnes (les trois quarts de la population) de se procurer de la nourriture. Cette réduction des rations menaçait le droit à une alimentation suffisante de la plupart des Nord-Coréens.

SURVEILLANCE INTERNATIONALE

Dans le cadre du renforcement de la surveillance internationale après la publication, en 2014, d’un rapport de la Commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, et à la suite des débats sur ce sujet qui ont eu lieu cette même année au Conseil de sécurité des Nations unies, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a ouvert un bureau à Séoul, la capitale de la Corée du Sud, le 23 juin. Ce nouveau bureau, qui faisait partie des recommandations du rapport, a été chargé de réaliser un suivi et de recueillir des informations sur la situation des droits humains en Corée du Nord, dans l’optique d’imposer, à terme, l’obligation de rendre des comptes. Son ouverture a suscité de vives critiques de la part du gouvernement nord-coréen. Le Conseil de sécurité a de nouveau débattu de la question des droits humains en Corée du Nord le 10 décembre.
D’autres organismes des Nations unies se sont employés à résoudre le problème des disparitions forcées et des enlèvements internationaux, mais peu d’avancées tangibles ont été obtenues dans ce domaine. En août, le gouvernement nord-coréen a écrit au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires au sujet de 27 cas non élucidés. Dans son rapport, le Groupe de travail a indiqué que les informations fournies étaient insuffisantes pour faire la lumière sur ces cas.

1.Un étudiant libéré par la Corée du Nord (ASA 24/2609/2015

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