La législation en vigueur limitait sévèrement les libertés d’expression, d’association et de rassemblement pacifique. Cette année encore, des journalistes ont été harcelés. Plusieurs personnes condamnées les années précédentes à l’issue de procès politiques ont été remises en liberté, mais elles avaient l’obligation de rendre compte régulièrement de leurs déplacements et de leurs activités à la police. Deux personnes au moins ont été condamnées à mort, mais aucune exécution n’a été signalée. Les défenseurs des droits humains étaient toujours en butte à des actes de harcèlement et à des persécutions. Les personnes appartenant à des minorités sexuelles étaient quant à elles victimes de discriminations, de harcèlement et de violences.
CONTEXTE
Alexandre Loukachenko a été réélu en octobre à la tête du pays pour un cinquième mandat consécutif, avec une confortable majorité. Les élections ont été marquées par des actes de harcèlement et de représailles à l’encontre des opposants politiques. Les médias étaient étroitement contrôlés par l’État.
Les pourparlers sur le conflit dans l’est de l’Ukraine, organisés à Minsk dans le cadre d’une initiative internationale, ont favorisé le réchauffement des relations avec l’Union européenne (UE) souhaité par le Bélarus. En octobre, l’UE a suspendu les sanctions frappant depuis des années plusieurs hauts responsables bélarussiens, à l’exception de quatre cadres des forces de sécurité soupçonnés d’être impliqués dans des disparitions forcées de militants politiques survenues par le passé.
La devise nationale a perdu plus de 50 % de sa valeur par rapport au dollar des États- Unis et, selon les prévisions, l’activité devrait diminuer d’environ 4 % pour l’année 2015, en grande partie sous l’effet du ralentissement économique enregistré en Russie, principal partenaire commercial du Bélarus.
PEINE DE MORT
La peine de mort restait en vigueur. Aucune exécution n’a été signalée, mais un homme, Syarhei Ivanou, a été condamné à mort le 18 mars. La Cour suprême a rejeté son appel le 14 juillet. Le 20 novembre, le tribunal régional de Hrodna a également prononcé la peine capitale contre Ivan Kulesh (ou Koulech)1. Le 1er avril, le Comité des droits de l’homme [ONU] a estimé que l’exécution d’Aleh Hryshkautsou, en 2011, constituait une violation du droit à la vie de ce dernier, qu’il n’avait pas été jugé de façon équitable et que ses « aveux » avaient été obtenus sous la contrainte.
PRISONNIERS D’OPINION
Les prisonniers d’opinion Mikalai Statkevich et Yury Rubtsou ont été libérés en août sur ordre du président de la République, de même que quatre autres militants – Mikalai Dzyadok, Ihar Alinevich, Yauhen Vaskovich et Artsyom Prakapenka – qui avaient été emprisonnés à l’issue de procès politiques. Leurs condamnations n’ont toutefois pas été annulées et ils ont été soumis à d’importantes restrictions, notamment à une surveillance dite « prophylactique ». Candidat lors de la précédente élection présidentielle, Mikalai Statkevich n’a donc pas pu se présenter à celle du mois d’octobre. Il a reçu l’ordre de rendre compte régulièrement de ses déplacements et de ses activités à la police pendant huit ans. Tout manquement à cette obligation pourrait se traduire par des restrictions plus lourdes encore et par de nouvelles poursuites pénales. Des obligations analogues, mais pour une durée plus courte, ont été imposées aux cinq autres militants remis en liberté.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Les médias restaient sous le contrôle étroit des autorités. Les organes de presse et les journalistes indépendants faisaient fréquemment l’objet d’actes de harcèlement. Les journalistes indépendants qui travaillaient pour la presse étrangère étaient obligés d’être accrédités par le ministère des Affaires étrangères – une accréditation qui était régulièrement refusée ou différée indéfiniment. Kastus Zhukouski, qui travaillait pour la chaîne de télévision polonaise Belsat TV, s’est vu infliger à trois reprises en 2015 une amende pour avoir exercé sans accréditation. L’amende la plus récente datait du 9 juillet. Il avait déjà été condamné trois fois les années précédentes. Les condamnations ont été prononcées par le tribunal du quartier central et le tribunal du quartier de Jeleznodorojni de Gomel, et par le tribunal du quartier de Rogatchev. Selon l’organisation indépendante de veille médiatique Index on Censorship, depuis le mois de janvier, au moins 28 journalistes indépendants se sont vu infliger des amendes d’un montant allant de 3 à 7,8 millions de roubles (215 à 538 dollars des États-Unis) pour défaut d’accréditation.
Aux termes des modifications de la Loi relative aux médias adoptées en décembre 2014, qui ont introduit des dispositions formulées en des termes vagues, le ministère de l’Information pouvait désormais contraindre les fournisseurs d’accès à Internet à bloquer l’accès à certains contenus en ligne sans avoir besoin de passer par une décision de justice. L’accès au site de l’organisation de défense des droits humains Viasna et aux plateformes indépendantes d’information Belarusian Partisan et Charte 97 a ainsi été bloqué le 27 mars en vertu de cette nouvelle disposition.
Du 2 au 5 octobre, les sites de deux agences de presse, BelaPAN et Naviny.by, ont été rendus inaccessibles à la suite d’une attaque de pirates informatiques. Ces deux sites avaient publié des articles indiquant que des élèves avaient été contraints à prendre part à un service religieux public auquel assistait le président de la République.
Le 11 août, plusieurs militants – Viachaslau Kasinerau, Yaraslau Uliyanenkau, Maksim Pyakarski, Vadzim Zharomski et un ressortissant russe dont le nom n’a pas été communiqué – ont été interpellés à Minsk pour avoir réalisé une série de graffitis proclamant « Le Bélarus doit être bélarussien » et « Révolution de la conscience ». Ils ont été remis en liberté le 31 août après s’être engagés à ne pas révéler d’informations sur l’enquête en cours. Ces slogans ayant une connotation politique, ces cinq hommes ont été inculpés de « houliganisme malveillant ». Ils risquaient jusqu’à six ans d’emprisonnement. Viachaslau Kasinerau a eu la mâchoire cassée lors de son arrestation par la police et a dû être hospitalisé. L’affaire était en cours devant les tribunaux à la fin de l’année.
LIBERTÉ DE RÉUNION
La Loi relative aux événements de grande ampleur, qui disposait que tout rassemblement ou toute manifestation publique qui n’avait pas été expressément autorisé par les autorités devait être considéré comme illégal, continuait d’être régulièrement appliquée.
Le 27 septembre, à Baranavitchy, une trentaine de supporters de football qui se rendaient à un match se sont arrêtés pour participer à un rassemblement de soutien en faveur de Tatiana Korotkevitch, une candidate à l’élection présidentielle, organisé sur la voie publique avec l’accord des autorités.
Lorsqu’ils se sont mis à scander « Vive le Bélarus ! », la police est rapidement intervenue et les a emmenés à bord de fourgonnettes. Les autres manifestants ont été autorisés à poursuivre leur rassemblement.
Le 30 septembre, un tribunal de Minsk a condamné à des amendes d’un montant allant de 5,4 à 9 millions de roubles (300 à 500 dollars des États-Unis) Mikalai Statkevich et Uladzimir Nyaklyaeu, qui avaient tous deux été candidats à la présidentielle de 2010, ainsi qu’Anatol Lyabedzka, chef du Parti de l’Union civique (PUC), pour avoir organisé une manifestation « non approuvée » à l’approche du scrutin d’octobre. Plusieurs autres manifestants pacifiques ont également été arrêtés et condamnés à des amendes dans le courant de l’année.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
L’article 193.1 du Code pénal, qui interdit aux organisations (partis politiques, groupes religieux et ONG) non officiellement reconnues de fonctionner, était toujours en vigueur. Elena Tonkacheva, défenseure des droits humains de premier plan, présidente du Conseil d’administration du Centre pour la transformation du droit, a été priée de quitter le Bélarus, avec interdiction de revenir pendant trois ans. Cette ressortissante russe vivait au Bélarus depuis 1985. L’arrêté a été pris le 5 novembre 2014 et faisait référence à de multiples infractions au Code de la route. Elena Tonkacheva a tenté en vain de faire appel, à plusieurs reprises. Le tribunal de Minsk a rejeté son ultime recours le 19 février, l’obligeant à quitter le pays le 21 février.
Leonid Soudalenko, président du Centre for Strategic Litigation, une ONG de défense des droits humains basée à Gomel, a reçu en mars deux menaces de mort envoyées par courrier électronique et sur lesquelles les autorités ont refusé d’enquêter. Le 8 avril, la police est venue perquisitionner à son domicile et dans ses bureaux. Le 14 du même mois, une procédure judiciaire a été ouverte contre lui. Les autorités l’ont accusé de diffuser des documents pornographiques à partir de son compte de courrier électronique. Il affirmait pour sa part que celui-ci avait été piraté. Leonid Soudalenko estimait être en fait victime de représailles destinées à le punir d’avoir aidé des victimes de violations des droits humains à porter plainte auprès du Comité des droits de l’homme [ONU]. La dernière plainte en date avait été déposée le 28 février par Olga Haryunou, dont le fils a été exécuté en secret le 22 octobre 2014 et qui exigeait de savoir où il avait été enterré.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
Les personnes appartenant à des minorités sexuelles étaient toujours victimes de discriminations, de harcèlement et de violences. Mikhail Pischevsky, qui avait été roué de coups par des militants anti-LGBTI alors qu’il sortait d’une soirée gay organisée dans un club de Minsk le 25 mai 2014, est mort le 27 octobre 2015 des suites de complications liées aux graves lésions cérébrales dont il avait été victime. Un seul de ses agresseurs a été condamné, à deux ans et huit mois d’emprisonnement, pour « houliganisme » et « négligence ». Il a été libéré en août aux termes d’une mesure de grâce présidentielle, après avoir purgé 11 mois de sa peine.
1. Deuxième condamnation à mort avérée au Bélarus : Ivan Koulech (EUR 49/2926/2015)