En janvier et en novembre, la capitale, Paris, et ses environs ont été la cible de plusieurs attentats visant la population, qui ont fait plus de 140 morts et des centaines de blessés. En janvier, le gouvernement a adopté de nouvelles mesures antiterroristes. Le 14 novembre, il a officiellement déclaré l’état d’urgence, qui a ensuite été prolongé par le Parlement jusqu’en février 2016.
LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ
En janvier, 17 personnes ont trouvé la mort à Paris dans de violentes attaques notamment contre des journalistes de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et un supermarché casher. Au lendemain des attentats, le gouvernement a pris plusieurs décrets pour l’application de certaines dispositions de la loi antiterroriste de 2014. En particulier, le 14 janvier, il a publié un décret interdisant la sortie du territoire aux personnes projetant de commettre un acte terroriste, tel que défini par la législation française. Selon le ministère de l’Intérieur, 222 personnes ont fait l’objet d’une interdiction de sortie de territoire de ce type entre janvier et novembre.
Le 5 février, les autorités ont publié un décret réglementant le blocage administratif des sites Internet, notamment ceux accusés d’incitation au terrorisme ou d’apologie de tels actes. Selon le ministère de l’Intérieur, 87 sites ont été bloqués entre janvier et novembre. En outre, 700 personnes environ ont fait l’objet de poursuites pour avoir incité au terrorisme ou en avoir fait l’apologie, en vertu d’une nouvelle disposition (« apologie du terrorisme ») qui avait été introduite dans la loi antiterroriste de 2014. Compte tenu de la définition très vague de cette infraction, les autorités ont souvent poursuivi des personnes pour des déclarations qui ne constituaient pas des incitations à la violence et relevaient de l’exercice légitime de la liberté d’expression.
Après une série de huit attaques armées, apparemment coordonnées, à Paris et dans les environs le 13 novembre, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence. Le 20 novembre, le Parlement a adopté un projet de loi qui prolongeait l’état d’urgence jusqu’au 26 février 2016, modifiait la loi de 1955 relative à l’état d’urgence et prévoyait une série de mesures s’écartant du régime judiciaire ordinaire. Ces mesures incluaient notamment des perquisitions à domicile sans mandat, des assignations à résidence et le pouvoir de dissoudre des associations ou groupements vaguement décrits comme participant à des actes portant atteinte à l’ordre public. Aux termes de ce texte législatif, aucune autorisation judiciaire préalable n’était requise pour appliquer ces mesures.
Le gouvernement a déposé en décembre un projet de loi visant à introduire une disposition sur l’état d’urgence dans la Constitution.
Selon le ministère de l’Intérieur, la police a procédé à 2 029 perquisitions entre le 14 novembre et le 1er décembre. Pendant la même période, 296 personnes ont été assignées à résidence. Les manifestations publiques ont été interdites dans la région parisienne (Île-de-France) peu après le 13 novembre. Cette interdiction a été étendue aux autres régions entre le 28 et le 30 novembre, alors que plusieurs manifestations devaient se dérouler dans le cadre de la Conférence de Paris sur le climat (la 21e Conférence des parties, appelée COP 21).
Plusieurs musulmans ont fait l’objet de perquisitions ou d’assignations à résidence sur la base de critères vagues, notamment des pratiques religieuses que les autorités considéraient comme « radicales » et donc représentant une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale. La police a également mené des perquisitions dans des mosquées et d’autres lieux de culte musulmans, et les a fermés dans certains cas. Les autorités ont assigné à résidence 26 militants écologistes dans le cadre de la COP 21 en raison de leur participation présumée à des manifestations violentes dans le passé.
SURVEILLANCE
En juillet, le Parlement a adopté une loi permettant au Premier ministre d’autoriser –sans contrôle judiciaire indépendant et sur simple consultation d’une commission spéciale – le recours à des mesures de surveillance sur le territoire national dans des objectifs très variés, notamment la protection des intérêts économiques ou des intérêts majeurs de la politique étrangère. Parmi ces mesures figurait notamment la possibilité de recourir à des techniques de surveillance de masse à des fins de lutte contre le terrorisme.
Une nouvelle loi autorisant la surveillance de masse de toutes les communications électroniques à destination – ou en provenance – de l’étranger a été adoptée en novembre. Le Premier ministre a conservé le pouvoir d’autoriser ce type de surveillance, sans aucune consultation préalable ni contrôle judiciaire indépendant, dans le but d’atteindre des objectifs définis en termes vagues.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le 6 février, les gouvernements français et marocain ont signé un protocole additionnel à leur convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale. Cet accord facilitait le transfert aux autorités marocaines de plaintes déposées en France par des victimes marocaines de crimes qui auraient été commis au Maroc.
En avril, la cour d’appel de Paris a accédé à une demande d’audition de Geoffrey Miller, ancien commandant du centre de détention américain de Guantánamo, à Cuba. Cette audition avait été demandée dans le cadre de l’affaire de deux anciens détenus français de Guantánamo, Nizar Sassi et Mourad Benchellali, qui affirmaient avoir été torturés dans ce centre de détention.
Le 17 septembre, le Premier ministre a signé le décret d’extradition vers la Russie du Kazakh Moukhtar Abliazov, en dépit du risque élevé de procès inique ou de transfert ultérieur de Russie au Kazakhstan, où il risquerait d’être victime de torture ou d’autres mauvais traitements. À la fin de l’année, un recours était en instance devant le Conseil d’État.
DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS
Environ 5 000 migrants, demandeurs d’asile et réfugiés vivaient toujours dans des conditions éprouvantes dans un campement sauvage à Calais, dans le nord du pays.
Le 23 novembre, le Conseil d’État a jugé que les conditions de vie dans ce campement s’apparentaient à un traitement inhumain et a ordonné l’installation immédiate de dispositifs d’adduction d’eau et d’assainissement sur le site.
Le Comité des droits de l’homme [ONU] et le Défenseur des droits, une institution nationale, ont tous deux exprimé leur préoccupation face aux actes de violence, de harcèlement et de mauvais traitements commis contre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés par des agents des forces de l’ordre à Calais. Le 2 décembre, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté – autorité indépendante de surveillance des lieux de détention – a critiqué le recours abusif à la détention administrative contre les migrants de Calais.
En juillet, une nouvelle loi sur l’asile a été adoptée dans l’objectif de renforcer les garanties de procédure pour les demandeurs d’asile, de raccourcir le délai d’attente pour l’examen des demandes et de protéger les droits économiques et sociaux des demandeurs d’asile.
Les autorités ont accepté la relocalisation en France de près de 31 000 demandeurs d’asile en 2016-2017 et la réinstallation de 2 750 réfugiés, principalement originaires de Syrie. Des mineurs non accompagnés ont continué d’être régulièrement placés en détention dans la « zone d’attente » de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
DISCRIMINATION
Selon des ONG, près de 4 000 Roms vivant dans 37 campements ont été expulsés de force au cours du premier semestre. Des migrants et des demandeurs d’asile ont également fait l’objet d’expulsions de force de campements de fortune tout au long de l’année. En juin et juillet, des centaines de personnes parmi eux ont été expulsées à plusieurs reprises de divers lieux de Paris.
En mars, la Cour européenne des droits de l’homme a transmis au gouvernement trois affaires concernant des personnes transgenres qui n’avaient pas pu obtenir la reconnaissance de leur genre féminin à l’état civil parce qu’elles avaient refusé de se conformer à des critères médicaux.
Le 17 avril, le gouvernement a adopté un plan d’action contre le racisme et l’antisémitisme. Il a recommandé, entre autres mesures, l’adoption d’une modification du Code pénal afin que toute motivation raciste ou antisémite constitue une circonstance aggravante pour les crimes et délits.
En août, le Comité des droits de l’homme [ONU] a recommandé la révision de la loi de 2004 interdisant le port de symboles religieux à l’école et celle de 2011 interdisant la dissimulation du visage. Le Comité a indiqué que ces lois constituaient une violation du droit à la liberté de religion et qu’elles avaient un impact disproportionné sur les femmes et les filles, ainsi que sur certains groupes religieux. En novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le refus d’un employeur public de renouveler le contrat d’une assistante sociale qui portait le voile n’était pas contraire à ses droits à la liberté d’expression et de religion.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Le 20 octobre, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de 14 personnes pour provocation à la discrimination raciale en vertu de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. En 2009 et 2010, elles avaient participé à des initiatives non violentes dans un supermarché pour appeler au boycott des produits israéliens.
RESPONSABILITÉ DES ENTREPRISES
En novembre, le Sénat a rejeté un projet de loi visant à instaurer un cadre pour garantir le respect des droits humains par les entreprises multinationales, y compris par leurs filiales, leurs sous-traitants et leurs fournisseurs. Ce projet de loi avait été approuvé en mars par l’Assemblée nationale.