Rapport annuel 2016

KAZAKHSTAN

République du Kazakhstan

Chef de l’État : Noursoultan Nazarbaïev

Chef du gouvernement : Karim Massimov

Les auteurs d’actes de torture et d’autres mauvais traitements jouissaient toujours d’une impunité presque totale. Les allégations de torture formulées au lendemain de la répression des manifestations de Janaozen, en 2011, n’avaient toujours fait l’objet d’aucune enquête indépendante et approfondie. La liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restait soumise à des restrictions.
CONTEXTE
De nouvelles versions du Code pénal, du Code de procédure pénale et du Code des infractions administratives sont entrées en vigueur au début de l’année. Une élection présidentielle anticipée a eu lieu au mois d’avril, à la surprise générale. Noursoultan Nazarbaïev a été réélu pour un cinquième mandat à la tête du pays, avec 97,7 % des voix. Selon les observateurs de l’OSCE, ce scrutin s’est déroulé en l’absence de toute « opposition crédible ».
La chute des prix du pétrole a entraîné un ralentissement économique. La devise nationale a été dévaluée au mois d’août.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Les nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale comportaient un certain nombre de dispositions allant dans le bon sens. Ils prévoyaient notamment désormais que les allégations de torture seraient immédiatement enregistrées et donneraient lieu à des enquêtes judiciaires menées par un service différent de celui auquel appartiennent les agents mis en cause. Cette disposition rendait caduque la procédure de filtrage interne utilisée auparavant, qui se traduisait par le rejet de la plupart des plaintes. Le délai de personnes inculpées ou reconnues coupables d’actes de torture ne pouvaient plus bénéficier d’une mesure d’amnistie. La peine maximum encourue pour torture a été portée à 12 années d’emprisonnement. Plusieurs avocats ont cependant indiqué que, si les plaintes pour actes de torture et autres mauvais traitements étaient désormais bien enregistrées, elles ne faisaient toujours pas l’objet d’enquêtes satisfaisantes. Iskander Touguelbaïev a été passé à tabac en prison en mai. Il est resté trois jours dans le coma. Lorsqu’il en est sorti, il ne pouvait plus, selon son avocat, ni parler ni marcher sans assistance. À la fin de l’année, il attendait toujours de savoir si des poursuites allaient être engagées contre ses tortionnaires.
Entre le 1er janvier et le 30 novembre, 119 plaintes pour torture ont été enregistrées et 465 affaires concernant des actes de torture ont été classées ou jugées. Onze ont donné lieu à un procès et cinq personnes ont été déclarées coupables. Une seule a été condamnée à une peine d’emprisonnement. Ces chiffres ne reflétaient pas la véritable ampleur du problème, car de nombreuses victimes d’actes de torture avaient trop peur pour porter plainte.
Les commissions publiques de surveillance et le mécanisme national de prévention avaient le droit de se rendre dans les prisons et dans la plupart des lieux de détention, mais leurs moyens étaient limités. Ils seheurtaient en outre à des entraves bureaucratiques. Le mécanisme national de prévention ne pouvait effectuer des visites impromptues qu’avec l’accord du médiateur.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Les médias restaient soumis à de fortes contraintes. Plusieurs organes de presse ont été fermés d’office ou empêchés de fonctionner sous des prétextes administratifs ou parce les autorités les accusaient de menacer la sûreté publique. Des journalistes ont cette année encore été soumis à des manœuvres d’intimidation et à des actes de harcèlement. Les organes de presse indépendants avaient beaucoup de mal à trouver des annonceurs, les entreprises craignant de leur confier leur publicité de peur de faire l’objet de représailles de la part des pouvoirs publics.
L’appel qui avait été déposé pour contester la décision de fermeture du journal Adam Bol a été rejeté en février. Adam Bol avait été fermé en décembre 2014 par les autorités, qui avaient invoqué des raisons de sécurité nationale. Il avait publié peu de temps auparavant l’interview d’un membre de l’opposition exilé en Ukraine. La municipalité d’Almaty a tenté par la suite de faire fermer pour raisons administratives la publication qui l’a remplacé (Adam). Au mois de septembre, ce nouveau périodique a été interdit pendant trois mois, au motif qu’il avait été enregistré pour être publié en russe et en kazakh, mais qu’il ne paraissait qu’en russe. Un tribunal a prononcé l’interdiction d’Adam en octobre, sur demande du parquet général qui lui reprochait de continuer à publier illégalement des informations sur sa page Facebook.
Plusieurs modifications apportées en 2014 à la Loi sur les communications autorisaient les services du procureur général à obliger les fournisseurs d’accès Internet à bloquer certains contenus, sans qu’il soit nécessaire de passer par une décision de justice, dès lors que lesdits contenus étaient considérés « extrémistes » ou susceptibles de constituer une menace pour la sécurité. Ces nouveaux pouvoirs ont été utilisés pour bloquer momentanément ou définitivement l’accès à des sites d’information hébergés au Kazakhstan ou à certains articles parus sur des sites internationaux.
La diffamation et certaines infractions définies en des termes vagues évoquant l’incitation à la « discorde », sociale ou autre, étaient toujours punies par le Code pénal.
Quatre personnes au moins ont fait l’objet d’une information judiciaire pour incitation à la discorde nationale en raison de commentaires mis en ligne sur des réseaux sociaux.
Un projet de loi sur « la protection des mineurs contre les informations préjudiciables à leur santé et à leur développement » prévoyait des sanctions administratives pour toute personne se livrant à de la « propagande en faveur d’une orientation sexuelle non traditionnelle » auprès de mineurs1. Ce projet a été rejeté en mai par le Conseil constitutionnel pour des raisons techniques, mais il devait être revu et de nouveau présenté au Parlement.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION
Le fait de diriger une organisation non reconnue officiellement, ou même simplement d’y appartenir, constituait une infraction au Code pénal et au Code des infractions administratives. Les « dirigeants » d’associations constituaient désormais une nouvelle catégorie à part de contrevenants, passibles de sanctions plus lourdes. La définition du terme « dirigeant » était très large et pouvait potentiellement inclure n’importe quel membre actif d’une ONG ou d’une organisation de la société civile. Dans la pratique, de nombreuses ONG ne parvenaient pas à se faire enregistrer en raison d’irrégularités mineures.
Plusieurs modifications de la législation concernant l’accès des ONG au financement ont été adoptées en octobre par le Parlement. Promulguées en décembre, ces nouvelles dispositions devaient se traduire par la création d’un « opérateur » central chargé d’administrer et de répartir entre les différentes ONG l’ensemble des dons privés et des subventions d’État, y compris les fonds venant de l’étranger, destinés à des projets et à des activités conformes à une liste de points formulés en termes vagues et approuvés par le gouvernement. Toute ONG qui ne fournirait pas à la base de données centralisée de l’opérateur des informations exactes s’exposerait à une amende ou à une suspension temporaire de ses activités. Les militants de la société civile craignaient que cette nouvelle loi ne limite l’accès des ONG aux sources de financement étrangères et, par conséquent, leurs activités.
LIBERTÉ DE RÉUNION
La liberté de réunion pacifique restait extrêmement limitée. Aucune manifestation de rue, quelle qu’elle soit, ne pouvait se faire sans l’autorisation des autorités locales – autorisation qui était souvent refusée ou, lorsqu’elle était accordée, était assortie de l’obligation d’organiser l’événement à la périphérie des villes. Une peine de détention administrative pouvant atteindre 75 jours de privation de liberté et sanctionnant les personnes ayant enfreint la réglementation sur les rassemblements a été mise en place. La « promotion » d’une manifestation, notamment sur les réseaux sociaux, était de fait pénalement sanctionnée.
Les autorités ont eu recours à des détentions « préventives » pour empêcher la tenue de manifestations pacifiques. Plusieurs journalistes ont été arrêtés en janvier alors qu’ils se rendaient à une manifestation organisée à Almaty en soutien au journal Adam Bol. Ils ont été emmenés dans différents postes de police de quartier, où ils ont été « mis au courant de la loi » avant d’être rapidement relâchés.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, qui s’est rendu au Kazakhstan en janvier et en août, a appelé les autorités à autoriser l’ouverture d’une enquête internationale sur le recours à la force meurtrière contre des personnes qui avaient manifesté à Janaozen en 2011, ainsi que sur les informations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés sur des personnes interpellées à l’issue des manifestations. Il a également exprimé sa préoccupation concernant l’inscription de « l’incitation à la discorde » parmi les infractions sanctionnées par le Code pénal – mesure susceptible, selon lui, de permettre la répression des activités légitimes des partis politiques et des syndicats.

1. Kazakhstan. Contre les dispositions relatives à la « propagande » LGBTI (EUR 57/1298/2015)

 

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