République de Pologne
Chef de l’État : Andrzej Duda (a remplacé Bronislaw Komorowski en août)
Chef du gouvernement : Beata Szyd ?o (a remplacé Ewa Kopacz en novembre)
Le Parlement n’a pas modifié la législation relative aux crimes motivés par la haine. Le gouvernement s’est engagé à accueillir 5 000 réfugiés arrivés en Italie ou en Grèce, dans un contexte d’intolérance et de discours discriminatoires envenimé par certains représentants des pouvoirs publics. L’information judiciaire ouverte dans le pays sur la coopération de l’État avec la CIA et l’accueil d’un site de détention secrète sur son sol était toujours en cours.
ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES, CONSTITUTIONNELLES OU INSTITUTIONNELLES
À partir de novembre, un certain nombre d’acteurs – le médiateur, des ONG polonaises, le Conseil national de la magistrature, entre autres – ont exprimé des préoccupations concernant le respect de l’état de droit. Leurs inquiétudes étaient suscitées par le refus du président d’assermenter cinq juges constitutionnels élus par la Diète (chambre basse du Parlement) précédente, ainsi que par des modifications de la Loi sur le Tribunal constitutionnel adoptées par le nouveau Parlement. Le Tribunal constitutionnel a confirmé en décembre l’élection de trois de ces juges, mais pas des deux autres. Le président Duda a persisté dans sa position selon laquelle les juges avaient été élus « illégalement ». Il a par ailleurs promulgué une loi sur le Tribunal constitutionnel prévoyant d’une part que les arrêts devaient être pris à la majorité des deux tiers et non à la majorité simple comme c’était le cas jusqu’alors, d’autre part que dans les affaires particulièrement délicates, 13 des 15 juges devaient être présents, contre neuf auparavant. De vives critiques se sont élevées contre une nouvelle loi sur les médias qui plaçait sous le contrôle direct du gouvernement les responsables des organes de diffusion du service public. Le Parlement a adopté à la hâte, sans consultation ni débat publics, un certain nombre d’autres lois.
DISCRIMINATION
Crimes de haine
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a recommandé en mars d’élargir le champ d’application des dispositions relatives aux crimes xénophobes et racistes pour que soient inclus les crimes motivés par l’homophobie ou la transphobie.
Les débats sur trois propositions de loi conjointes, visant à protéger contre les crimes de haine fondés, entre autres, sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou le handicap, se sont poursuivis au Parlement. Aucune n’avait toutefois été adoptée avant les élections législatives d’octobre.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées
Le 26 mai et le 5 août, le Parlement a rejeté deux propositions de loi sur le partenariat civil, y compris pour les couples de même sexe, sans engager aucun débat sur ces textes.
En septembre, il a approuvé la Loi relative au changement d’état civil, qui établissait un cadre de reconnaissance à l’état civil de l’identité de genre des personnes transgenres. Le président Duda a mis son veto à ce texte le 2 octobre. Il n’y a pas eu de vote au Parlement sur le veto présidentiel avant les élections législatives.
Les Roms
Le 22 juillet, 10 hommes, femmes et enfants roms ont été expulsés de force d’un campement de la ville de Wroc ?aw. Aucun préavis ne leur avait été donné par les autorités municipales ; leur logement et leurs effets personnels ont été détruits alors qu’ils étaient au travail.
LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ
À la suite de la publication, en décembre 2014, d’un rapport du Sénat des États-Unis où figuraient des informations sur les tortures infligées aux personnes détenues secrètement par la CIA entre 2002 et 2006, l’ancien président Aleksander Kwasniewski et l’ancien Premier ministre Leszek Miller ont reconnu avoir coopéré avec la CIA et accepté d’abriter un site clandestin sur le sol polonais.
L’ancien président a par la suite déclaré publiquement qu’il avait fait le nécessaire pour mettre fin à toute activité sur le site, sur fond de pressions exercées par d’autres représentants de l’État polonais, inquiets des interrogatoires qui y étaient conduits sous la contrainte. L’information judiciaire polonaise ouverte en 2008 sur la présence présumée d’un site secret se poursuivait et a fait l’objet de critiques en raison de son extrême lenteur.
En février, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que les décisions rendues en juillet 2014 dans les affaires concernant Zayn al Abidin Muhammed Husayn (Abu Zubaydah) et Abd al Rahim al Nashiri étaient définitives. La Cour avait estimé que le gouvernement polonais s’étaitrendu coupable de collusion avec la CIA dans le cadre de la disparition forcée des deux hommes, de leur transfert illégal, de leur détention secrète et des actes de torture qu’ils avaient subis.
En août, la Pologne a présenté au Conseil de l’Europe un plan d’action où étaient consignées les mesures qu’elle avait prises ou comptait prendre pour exécuter les arrêts définitifs rendus dans ces deux affaires. Y figuraient notamment des initiatives mises en œuvre en mai, le versement de réparations et l’envoi aux autorités américaines d’une note diplomatique où la Pologne demandait que la peine de mort ne soit pas imposée ou appliquée à Abd al Rahim al Nashiri dans le cadre des procédures se déroulant devant des commissions militaires au centre de détention des États-Unis de Guantánamo Bay (Cuba).
DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS
Les débats sur la relocalisation et la réinstallation des réfugiés se sont déroulés sur fond de propos discriminatoires de plus en plus marqués, attisés par des représentants des pouvoirs publics tout au long de l’année.
Le gouvernement a annoncé en juillet qu’il allait accueillir au titre de la réinstallation 900 réfugiés syriens du Liban, ainsi que, dans le cadre du plan de relocalisation, 1 100 réfugiés présents en Italie et en Grèce. En septembre, le gouvernement a apporté son soutien au plan préparé par l’Union européenne (UE) pour répartir 120 000 réfugiés entre les différents pays européens. Sur la base des quotas convenus, quelque 5 000 réfugiés devraient être relocalisés de Grèce et d’Italie vers la Pologne au cours des deux prochaines années. Le gouvernement issu des élections législatives est revenu sur les engagements pris dans le cadre du plan de l’UE en matière de réinstallation et de relocalisation.
À la fin de l’année, les mesures d’insertion demeuraient insuffisantes et les autorités n’avaient pas adopté de stratégie globale d’intégration. Cette année encore, les autorités ont fait un usage disproportionné de la détention à l’encontre des migrants et des demandeurs d’asile. En septembre, la Cour européenne des droits de l’homme a communiqué au gouvernement l’affaire Bistieva c. Pologne. La requérante soutenait que le placement en détention dont elle et ses trois enfants avaient fait l’objet sur décision des autorités, dans l’attente d’une réponse à leur demande d’asile, avait enfreint leurs droits à la vie privée, à la liberté et à la sécurité.
DROITS DES FEMMES
La Pologne a ratifié en avril la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [Conseil de l’Europe]. Aucun plan global de mise en œuvre de ce traité n’avait toutefois été adopté à la fin de l’année.
Droits sexuels et reproductifs
En septembre, le Parlement a rejeté une proposition de loi visant à interdire l’avortement en toutes circonstances et à supprimer toute référence au diagnostic prénatal ainsi qu’au droit des femmes à l’information et aux tests prénatals.
Le 7 octobre, le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle l’obligation légale imposée aux médecins ayant invoqué une clause de conscience de rediriger des patientes vers un autre centre de soins ou praticien, pour qu’elles puissent subir une interruption de grossesse en toute légalité. Cette décision allait à rebours d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme établissant que le droit à l’objection de conscience ne devait pas entraver l’accès des femmes aux services d’avortement légaux en Pologne.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
En octobre, le Tribunal constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de la disposition érigeant en infraction l’« outrage aux sentiments religieux ».