Rapport Annuel 2016

Asie-Pacifique — Résumé régional

Malgré la poursuite de rapides changements sociaux et économiques dans la région Asie- Pacifique, la situation en matière de droits humains est souvent restée sombre. La protection de ces droits était mise à mal par une tendance croissante à la répression et à l’injustice.

Les droits fondamentaux ont été menacés en premier lieu, et de manière récurrente, par le fait que les pouvoirs publics ne veillaient pas au respect de l’obligation de rendre des comptes. Ce manquement a eu pour conséquence une impunité souvent généralisée et solidement enracinée qui empêchait les personnes d’obtenir justice et qui alimentait les violations des droits humains, telles que la torture et d’autres formes de mauvais traitements. L’impunité a également accentué les souffrances dans les conflits armés, notamment en Afghanistan et au Myanmar, et perpétué l’injustice en privant de réparations les victimes de conflits passés, comme en Indonésie.
Dans de nombreux pays on a constaté une grave déconnexion entre le gouvernement et la population. Dans bien des cas, les gens, en particulier les jeunes, se sont sentis investis d’un pouvoir nouveau, celui de défendre leurs droits, souvent à l’aide de technologies et de plateformes de communication facilement accessibles, telles que les réseaux sociaux.
Les gouvernements, quant à eux, ont fréquemment cherché à se mettre à l’abri des critiques ou de l’obligation de rendre des comptes, et certains, comme les gouvernements chinois, cambodgien, indien, malaisien, thaïlandais et vietnamien, ont intensifié la répression des libertés fondamentales. Au Laos, les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique ont continué d’être soumises à d’importantes restrictions, et les autorités ont encore durci le contrôle exercé sur les groupes de la société civile.
Malgré une tendance mondiale à l’abolition, la peine de mort a continué d’être appliquée dans plusieurs pays de la région, en particulier en Chine et au Pakistan, deux pays qui ont massivement recouru à ce châtiment. L’Indonésie a repris les exécutions, les Maldives ont menacé de le faire, et le nombre de mises à mort a fortement augmenté au Pakistan après la levée du moratoire sur les exécutions de civils en décembre 2014. Toutefois, des avancées ont aussi été enregistrées, notamment quand Fidji est devenu le 100e pays du monde totalement abolitionniste, et quand le Parlement de la Mongolie a adopté un nouveau Code pénal excluant la peine de mort pour tous les crimes.
Des millions de réfugiés et de demandeurs d’asile ont été confrontés à des situations très difficiles dans toute la région, et des pays aussi différents que l’Australie et la Chine ont enfreint le droit international en renvoyant de force des personnes dans des pays où elles étaient exposées à un risque réel de violations graves de leurs droits fondamentaux. Une crise majeure dans les domaines humanitaire et des droits humains s’est produite dans le golfe du Bengale et la mer d’Andaman : des passeurs et des trafiquants d’êtres humains ont abandonné en mer des milliers de réfugiés et de migrants, et les États concernés ont d’abord refusé de les laisser accoster ou ont tardé à lancer des opérations de recherche et de sauvetage.
Au Népal, le séisme dévastateur du 25 avril et ses répliques ont fait plus de 8 000 morts et 22 000 blessés, et ont causé le déplacement de plus de 100 000 personnes. Les autorités ont refusé de renoncer à appliquer les longues procédures et les coûteux frais douaniers pour les articles médicaux et de première nécessité dont des milliers de personnes avaient pourtant besoin de toute urgence. La nouvelle Constitution, promulguée dans la précipitation à la suite du séisme, présentait des failles en matière de droits humains. Son modèle fédéraliste a été rejeté par des groupes ethniques, ce qui a donné lieu à de violents affrontements et manifestations. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive, disproportionnée ou injustifiée lors de plusieurs heurts avec des manifestants, et ces violences ont fait un grand nombre de morts.

En République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), la population a été confrontée à une répression extrême et à des violations systématiques de la quasi-totalité des droits humains, et les personnes qui ont fui le pays ont signalé une multiplication des arrestations arbitraires. Le droit à une alimentation suffisante était gravement menacé par la réduction des rations quotidiennes, et des centaines de milliers de gens continuaient de croupir dans des camps de prisonniers et des centres de détention, où la torture et les autres mauvais traitements, ainsi que le travail forcé, étaient monnaie courante.
L’influence géopolitique de la Chine a continué de croître, alors que dans le pays la situation en matière de droits humains était consternante. Sous prétexte de renforcer la sécurité nationale, le gouvernement a intensifié la répression en proposant et en adoptant une série de lois et de règlements sans précédent permettant de réduire au silence les dissidents et de sévir contre les défenseurs des droits humains. Les autorités ont également accru les contrôles exercés sur Internet, les médias et le monde universitaire.
Au Myanmar, la période précédant les élections législatives du mois de novembre – les premières depuis l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement quasi civil en 2011, après quasiment 50 ans de régime militaire – a été marquée par le déni des droits politiques de minorités, en particulier des Rohingyas, victimes de persécutions, et par la poursuite de conflits dans le nord du pays. Toutefois, la victoire électorale écrasante remportée par la Ligue nationale pour la démocratie, le parti mené par l’ancienne prisonnière d’opinion Aung San Suu Kyi, a représenté un événement historique et suscité l’espoir d’un changement sur le plan des droits humains. L’avenir dira si cet espoir est fondé.
En Thaïlande, alors que le régime militaire ajournait ses projets de transition politique, le respect des obligations nationales en matière de droits humains n’a cessé de reculer. Les restrictions frappant les droits fondamentaux en particulier le droit à la liberté d’expression et de réunion – instaurées à la suite du coup d’État militaire en 2014, et qui d’après les promesses des autorités devaient être temporaires, ont en réalité été maintenues et même renforcées.
Un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir au Sri Lanka en janvier, porteur de réformes constitutionnelles et de la promesse d’une amélioration de la protection des droits humains. De nombreux défis importants restaient cependant à relever, notamment en ce qui concerne les arrestations et les détentions arbitraires, la torture et les autres formes de mauvais traitements, les disparitions forcées et les morts en détention. Les autorités n’ont pratiquement rien fait pour lutter contre le climat d’impunité installé depuis longtemps autour des violences commises par les deux parties au conflit armé qui a pris fin en 2009.
D’autres petits signes de progrès, parfois fragiles ou hésitants, ont aussi été notés à travers la région. On peut ainsi mentionner les timides mesures prises pour remédier au problème du recours massif à la torture et à d’autres mauvais traitements en Afghanistan, en Inde et au Sri Lanka.

MONTÉE DU MILITANTISME ET RÉPRESSION DES MOUVEMENTS DE PROTESTATION

La montée du militantisme en faveur des droits humains constatée dans la région Asie- Pacifique au cours des dernières années s’est poursuivie. Les mouvements de protestation et les autres initiatives des militants ont toutefois souvent été éclipsés par les mesures prises par les autorités pour restreindre les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique, y compris par le recours à la force et à la violence.
Des personnes qui ne faisaient qu’exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique ont été victimes d’actes d’intimidation et de harcèlement au Viêt-Nam ; en juillet, les forces de sécurité ont battu et intimidé des militants pacifiques qui tentaient de participer à une grève de la faim en solidarité avec des prisonniers d’opinion. Aux Maldives, des centaines d’opposants au gouvernement qui participaient à des manifestations pacifiques ont été arrêtés et placés en détention, et en Malaisie des organisateurs de manifestations pacifiques et des participants ont fait l’objet de poursuites pénales.
Au Cambodge, la répression menée en 2014 contre le droit à la liberté de réunion pacifique a été renforcée avec des condamnations de manifestants par des juridictions pénales. En juillet, 11 membres et militants de l’opposition ont été déclarés coupables d’insurrection, un chef d’inculpation excessif. Ces personnes avaient participé, en juillet 2014, à une manifestation dans Phnom Penh, la capitale, qui avait donné lieu à des affrontements avec les forces de sécurité. Aucun élément de preuve crédible établissant un lien entre ces hommes et les violences n’a été présenté.
Les peines d’emprisonnement prononcées en Thaïlande contre deux militants ayant participé à une représentation théâtrale étaient caractéristiques de la façon inédite dont les autorités militaires recouraient à la législation sur le crime de lèse-majesté pour réprimer la liberté d’expression. Les « réunions politiques » de cinq personnes et plus étaient toujours interdites, et des dispositions législatives ont été prises pour obliger ceux qui voulaient manifester à obtenir au préalable l’autorisation de la police ou des autorités, sous peine d’emprisonnement. Des étudiants et des militants ayant mené de petites manifestations pacifiques et symboliques ont souvent été confrontés à une force excessive ou ont été arrêtés et inculpés.
Au Myanmar, des manifestations étudiantes largement pacifiques ont été violemment réprimées par la police ; les dirigeants étudiants et tous ceux qui avaient participé à ces manifestations ont par la suite été visés par des vagues d’arrestations et de harcèlement. Parmi eux figure Phyoe Phyoe Aung, dirigeante de la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie.
Une série de manifestations a eu lieu en République de Corée (Corée du Sud) pour dénoncer la réaction des autorités à la suite du naufrage, en 2014, du ferry Sewol, qui a causé la mort de plus de 300 personnes. Alors que la plupart de ces manifestations étaient pacifiques, la police a bloqué plusieurs rassemblements organisés en avril dans les rues de la capitale, Séoul, pour marquer le premier anniversaire de la tragédie, et elle a recouru à une force injustifiée contre les participants à une marche pacifique en mémoire des victimes.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

De nombreux gouvernements dans la région Asie-Pacifique ont fait preuve d’une intolérance tenace à l’égard de la dissidence et ont soumis les droits humains à des restrictions draconiennes.
Le mois de mai a été marqué en Thaïlande par le premier anniversaire de la prise de pouvoir par les militaires et de l’instauration de la loi martiale. Les autorités ont adopté des mesures très sévères, mis à mal le système judiciaire et consolidé leurs pouvoirs afin d’écraser la dissidence pacifique et ceux qui critiquaient le régime militaire. Elles ont fait preuve d’une intolérance persistante à l’égard des dissidents pacifiques, en arrêtant arbitrairement des étudiants et des militants opposés au coup d’État, et en plaçant des universitaires, des journalistes et des parlementaires en détention secrète ou en les maintenant en détention sans inculpation ni jugement dans des camps militaires. Des personnes ont été soumises à des procès iniques devant des tribunaux militaires pour avoir ouvertement critiqué ce coup d’État. Les autorités ont sanctionné de très nombreuses personnes en raison de déclarations ou de commentaires sur Facebook jugés insultants à l’égard de la monarchie. Les peines prononcées par les tribunaux sont allées jusqu’à 60 ans d’emprisonnement.
Le gouvernement nord-coréen refusait l’existence de tout parti politique, journal indépendant ou organisation indépendante de la société civile, et empêchait presque tous ses ressortissants d’accéder à des services de téléphonie mobile internationale. De nombreuses personnes ont cependant pris le risque de passer des appels téléphoniques à l’étranger. Des gens vivant à proximité de la frontière avec la Chine ont profité du système non officiel d’économie de marché pour obtenir des téléphones portables de contrebande connectés à des réseaux chinois, avec lesquels ils ont pu contacter des personnes à l’étranger, s’exposant ainsi au risque d’être surveillés, arrêtés et placés en détention.
Au Cambodge, des défenseurs des droits humains ont été emprisonnés, et les autorités ont encore alourdi les restrictions arbitraires pesant sur la liberté d’expression et de réunion pacifique en multipliant les arrestations de personnes ayant eu des activités sur Internet. La Loi relative aux associations et aux organisations non gouvernementales a été promulguée malgré les protestations de la société civile, pour qui ce texte menaçait de saper le droit à la liberté d’association ; on ignorait comment cette loi allait être appliquée.
Au Viêt-Nam, l’État contrôlait les médias, le système judiciaire et les institutions politiques et religieuses ; de nombreuses personnes condamnées pour délit d’opinion à l’issue de procès iniques sont restées emprisonnées et soumises à des conditions de détention très éprouvantes. On a constaté une augmentation des informations signalant des cas de membres de la société civile harcelés, détenus arbitrairement pendant une courte période ou agressés physiquement.
Au mois de juillet, les autorités chinoises ont lancé une campagne massive de répression visant les avocats spécialistes des droits humains, campagne qui s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année. Des militants, des défenseurs des droits humains et des proches de ces personnes ont eux aussi été systématiquement harcelés, victimes d’actes d’intimidation, arrêtés de manière arbitraire et soumis à des violences.
L’espace accordé à la société civile, aux défenseurs des droits humains et à la liberté d’expression s’est également amenuisé dans toute l’Asie du Sud. Le Pakistan est resté l’un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes : les professionnels des médias ont continué d’être la cible d’attaques, y compris de meurtres, de la part de groupes armés, et le gouvernement ne leur fournissait aucune protection adéquate. Le Bangladesh est devenu un pays de plus en plus dangereux pour ceux qui expriment ouvertement leurs opinions, avec des pratiques de répression de la liberté d’expression qui se sont notamment illustrées par les meurtres de plusieurs éditeurs et blogueurs défenseurs de la laïcité. Des ONG ont aussi fait l’objet de restrictions législatives parce qu’elles avaient critiqué les autorités au Bangladesh et au Pakistan. En Inde, les pouvoirs publics ont utilisé des lois restreignant l’apport de fonds venant de l’étranger afin de s’en prendre à des ONG ayant critiqué le gouvernement.
En Afghanistan, des acteurs étatiques et non étatiques ont pris pour cible en toute impunité des défenseurs des droits humains et les ont soumis à des violences. Des acteurs non étatiques ont été accusés d’avoir participé à des attaques à la grenade, des attentats à l’explosif et des meurtres commis contre des défenseurs des droits humains. Le Parlement a modifié une loi sur les médias de telle sorte que la liberté d’expression risquait d’être encore davantage limitée. Après que les talibans eurent pris le contrôle de la province de Kunduz en septembre, des informations ont signalé qu’ils se sont livrés à des massacres et à des viols et qu’ils se sont mis à la recherche de professionnels des médias et de femmes défenseures des droits humains dont les noms figuraient sur une liste de personnes à abattre.
Parmi les gouvernements ayant clairement montré qu’ils ne supportaient pas d’être critiqués par la population, on peut citer le gouvernement du Japon, où une loi sur les secrets d’État susceptible de restreindre de façon excessive le droit d’accès aux informations détenues par les autorités est entrée en vigueur en décembre 2014. Le gouvernement sud-coréen a quant à lui élargi le champ d’application de la Loi relative à la sécurité nationale pour y inclure de nouveaux groupes, tels que les représentants politiques ; cette initiative risquait de restreindre davantage encore la liberté d’expression. Les autorités indonésiennes ont utilisé une loi relative à l’utilisation d’Internet pour ériger en infraction pénale certaines formes de liberté d’expression. Des personnes ont ainsi été condamnées et emprisonnées pour le simple fait d’avoir exprimé leurs opinions en ligne.
Au Myanmar, la répression contre les dissidents et les militants pacifiques s’est intensifiée ; le pays comptait de nombreux prisonniers d’opinion et des centaines de personnes ont été inculpées alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. Parmi ces personnes se trouvaient des manifestants étudiants, des militants politiques, des professionnels des médias et des défenseurs des droits humains, en particulier des militants du droit à la terre et des défenseurs des droits des travailleurs.
En Malaisie, des médias ont été soumis à des restrictions et des militants ont été victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement. Une juridiction fédérale a confirmé la constitutionnalité de la Loi relative à la sédition, un texte répressif qui a été utilisé ces dernières années pour arrêter et placer en détention de façon arbitraire de nombreux défenseurs des droits humains, entre autres. Cette décision a porté un nouveau coup à la liberté d’expression.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements a été signalé dans de nombreux pays de la région, y compris en Corée du Nord, à Fidji, en Indonésie, en Malaisie, en Mongolie, au Népal, aux Philippines, en Thaïlande, au Timor-Leste et au Viêt-Nam. Les responsables de tels actes restaient généralement impunis.
En Chine, la torture et les autres mauvais traitements étaient souvent utilisés au cours de la détention et des interrogatoires.
Le gouvernement afghan a pris des mesures pour instaurer un plan d’action national pour l’élimination de la torture ; les services de renseignement ont émis un ordre réitérant l’interdiction de son utilisation, mais les agents des services de sécurité ont continué de recourir couramment à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.
En Inde, des cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des détenus, ainsi que des cas de mort en détention des suites de torture, ont été signalés. La Cour suprême a pris une mesure positive en ordonnant aux États du pays d’installer des caméras de vidéosurveillance dans toutes les prisons afin de prévenir l’utilisation de la torture et d’autres pratiques, et le gouvernement a déclaré qu’il envisageait de modifier le Code pénal afin que la torture soit spécifiquement reconnue en tant que crime.
Des cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des détenus, y compris des violences sexuelles, ont continué d’être signalés au Sri Lanka, de même que des cas de mort suspecte en détention. Des agissements de ce type commis dans le passé sont restés impunis. Le nouveau gouvernement a toutefois promis au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de faire clairement savoir à toutes les forces de sécurité que la torture et les autres formes de mauvais traitements étaient interdites et que les responsables de tels actes seraient soumis à une enquête et sanctionnés.

CONFLITS ARMÉS

Des conflits armés se sont poursuivis dans plusieurs pays de la région Asie-Pacifique. En Afghanistan, dans un contexte d’insécurité, d’insurrection et d’activités criminelles, des civils ont été blessés et tués par les talibans, par d’autres groupes armés et par les forces progouvernementales. Les forces progouvernementales et les groupes armés responsables d’homicides illégaux n’étaient quasiment pas soumis à l’obligation de rendre des comptes.
En octobre, des forces américaines ont bombardé un hôpital de l’ONG Médecins sans Frontières à Kunduz, tuant 22 patients et membres du personnel. Des appels ont été lancés exigeant l’ouverture d’une enquête indépendante sur cette frappe. Les talibans s’en sont délibérément pris à des civils ou ont lancé des attaques aveugles, et ils ont brièvement pris le contrôle de la majeure partie de la province de Kunduz.
Des membres de l’armée myanmar ont été accusés de violations des droits humains, y compris de viol et d’autres violences sexuelles, en particulier dans l’État kachin et le nord de l’État chan, où le conflit armé est entré dans sa cinquième année. Des acteurs étatiques et non étatiques ont été accusés de violations du droit international humanitaire et d’atteintes aux droits humains, dans un climat d’impunité.
En Inde, des groupes armés ont continué de commettre des violences contre des civils, notamment dans l’État de Jammu-et- Cachemire et dans le centre du pays.
Toutefois, en août, un accord-cadre de paix historique a été conclu entre le gouvernement et le Conseil national socialiste du Nagaland (faction Isak-Muivah), une formation armée influente du nord-est de l’Inde.
Dans le sud de la Thaïlande, les violences armées se sont poursuivies dans les provinces de Pattani, Yala et Narathiwat, ainsi que dans certaines zones de la province de Songkhla.

IMPUNITÉ

L’incapacité chronique et solidement établie de veiller à ce que justice soit rendue et à ce que l’obligation de rendre des comptes soit respectée pour les violations des droits humains et les atteintes à ces droits, présentes et passées, représentait un problème crucial dans un grand nombre de pays de la région Asie-Pacifique.
En Inde, des violations commises par les forces de sécurité sont restées impunies, et des dispositions législatives accordant aux forces armées une quasi-immunité judiciaire étaient toujours en vigueur dans l’État de Jammu-et-Cachemire et dans des régions du nord-est du pays.
Au Cambodge, des violations commises lors d’opérations de maintien de l’ordre au cours de manifestations, y compris des cas d’homicides dus à un recours inutile ou excessif à la force qui remontaient à plusieurs années, sont elles aussi demeurées impunies. Parmi les affaires non résolues figurait celle d’un adolescent de 16 ans, Khem Saphath, aperçu pour la dernière fois en 2014. On craignait qu’il n’ait été victime d’une disparition forcée. Il faisait semble-t-il partie d’un groupe d’au moins cinq personnes qui ont essuyé des tirs lors d’une opération de répression menée par des forces gouvernementales. Le tribunal chargé de juger les crimes des Khmers rouges a examiné pour la première fois des éléments de preuve relatifs aux accusations de génocide dans le procès au cours duquel étaient jugés Nuon Chea, ancien numéro deux du régime des Khmers rouges, et Khieu Samphan, chef de l’État sous ce régime.
L’année 2015 a marqué en Indonésie le 50e anniversaire des violations massives des droits humains perpétrées en 1965 : au lendemain d’un coup d’État manqué, l’armée indonésienne avait lancé des attaques systématiques contre les membres du Parti communiste indonésien et ses sympathisants présumés. On attendait toujours que la vérité soit faite, que justice soit rendue et que des réparations soient accordées pour les terribles violations des droits humains et pour les centaines de milliers de morts – entre 500 000 et un million selon les estimations – engendrées par ce mouvement de répression. L’année 2015 a également marqué le 10e anniversaire de la fin du conflit qui a déchiré l’Aceh, en Indonésie, pendant plusieurs dizaines d’années. Entre 10 000 et 30 000 personnes ont été tuées au cours de ce conflit qui a opposé les forces gouvernementales indonésiennes et le Mouvement pour l’Aceh libre (GAM). Malgré les éléments montrant que les forces de sécurité ont commis des violations qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité, et que les deux parties pourraient avoir perpétré des crimes de guerre, peu de mesures ont été prises pour que justice soit rendue.
Au Sri Lanka, en revanche, des avancées ont été réalisées en vue d’assurer le respect de l’obligation de rendre des comptes.
L’enquête menée par les Nations unies sur les allégations d’atteintes aux droits humains commises lors des dernières années du conflit armé, notamment des allégations de disparitions forcées et d’attaques menées contre des civils par l’armée, a abouti à la conclusion que, s’il est établi devant une cour de justice que ces pratiques ont bien eu lieu, elles constitueraient des crimes de guerre.
L’ONU a recommandé des réformes en vue de traiter la question des violations des droits humains persistantes et la mise en place d’une cour hybride chargée de juger les crimes relevant du droit international. Le gouvernement a exprimé son accord au sujet de ces recommandations.

POPULATIONS EN MOUVEMENT

Les réfugiés et les demandeurs d’asile ont continué d’être confrontés à d’énormes difficultés dans la région Asie-Pacifique et au- delà de ses territoires. Dans le golfe du Bengale, des passeurs et des trafiquants d’êtres humains ont fait subir à des milliers de réfugiés et de migrants de graves atteintes aux droits humains à bord d’embarcations.
Des personnes ont été tuées, se sont noyées après avoir été jetées par-dessus bord, ou encore sont mortes de faim, de déshydratation ou de maladie. D’autres ont été battues, parfois pendant plusieurs heures, parce qu’elles bougeaient, parce qu’elles suppliaient pour avoir à manger ou parce qu’elles demandaient à utiliser les toilettes.
En mai, une grave crise s’est produite dans le golfe du Bengale et la mer d’Andaman, à la suite de la répression par les autorités thaïlandaises des activités des passeurs et des trafiquants d’êtres humains, qui ont alors abandonné des gens en mer. Un nombre indéterminé de personnes sont mortes et des milliers de réfugiés et de migrants ont été livrés à eux-mêmes pendant des semaines, manquant de nourriture, d’eau et de soins médicaux.
L’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande ont d’abord repoussé des embarcations bondées et empêché des milliers de personnes aux abois de débarquer, et les gouvernements de la région ont mis du temps à lancer des opérations de recherche et de sauvetage. À la suite des critiques exprimées au niveau international, l’Indonésie et la Malaisie ont autorisé des personnes à débarquer et leur ont fourni un hébergement à titre temporaire. Toutefois, on ignore ce qu’il est advenu de centaines voire de milliers de personnes, qui peut-être sont mortes ou ont été vendues à des fins de travail forcé. À la fin de l’année, de graves questions restaient sans réponse concernant la situation à long terme des survivants autorisés à débarqués car, bien que l’Indonésie ait mobilisé des ressources pour héberger des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile et pour contribuer à répondre à leurs besoins élémentaires, le gouvernement n’a pas précisé s’ils pouvaient rester dans le pays après mai 2016.
Du fait de la poursuite du conflit armé et de l’insécurité persistante en Afghanistan, près de trois millions d’Afghans ont cherché refuge à l’étranger, en Iran et au Pakistan pour la plupart, et environ un million étaient déplacés à l’intérieur des frontières du pays, vivant souvent dans des conditions très difficiles dans des camps de fortune.
L’Australie a fait preuve d’une attitude très dure à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile. Elle a en particulier eu pour politique de repousser les embarcations et de recourir au « refoulement » et à la détention obligatoire pour une durée indéterminée, notamment dans des centres de traitement situés à l’extérieur de ses frontières, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et sur l’île de Nauru. Un rapport independant portant sur le centre de Nauru a fait état d’allégations de viols et d’autres violences sexuelles. Le gouvernement a accepté toutes les recommandations formulées dans le rapport et annoncé en octobre que les demandeurs d’asile ne seraient plus placés dans ce centre. Amnesty International a rassemblé des éléments prouvant l’implication de patrouilles de surveillance des frontières maritimes dans des activités criminelles ; ces éléments montrent notamment que des fonctionnaires ont payé des équipages de bateaux pour qu’ils emmènent illégalement en Indonésie des réfugiés et des migrants trouvés en mer.
Des travailleurs migrants ont été victimes d’atteintes aux droits humains et de discrimination dans plusieurs pays. La Corée du Nord a envoyé au moins 50 000 de ses ressortissants travailler, souvent dans des conditions dangereuses et avec des horaires excessifs, dans des pays tels que la Libye, la Mongolie, le Nigeria, le Qatar et la Russie ; ces personnes percevaient leur rémunération par l’intermédiaire du gouvernement nord- coréen, qui en prélevait une part importante.

MONTÉE DE L’INTOLÉRANCE RELIGIEUSE ET ETHNIQUE

Les autorités de certains pays ont été impliquées dans une recrudescence de l’intolérance, de l’exclusion et de la discrimination religieuses et ethniques, ou n’ont pas pris de mesure pour lutter contre ce phénomène. Des pratiques de ce type ont été signalées dans plusieurs pays de la région Asie-Pacifique, notamment au Laos, au Myanmar, au Pakistan, au Sri Lanka et au Viêt-Nam.
Les autorités indonésiennes n’ont pas veillé à ce que toutes les minorités religieuses soient protégées et autorisées à pratiquer leur culte sans crainte, à l’abri des menaces et des agressions. Des musulmans chiites, expulsés par la force en 2013 de lieux d’hébergement provisoires dans la province de Java-Est, sont demeurés dans une situation incertaine durant toute l’année 2015 ; ils avaient été chassés de leur village en 2012 à la suite d’attaques menées par un groupe de gens hostiles aux chiites. Les autorités locales leur ont interdit de rentrer chez eux à moins qu’ils ne se convertissent au sunnisme. Dans la province de l’Aceh, les autorités locales ont détruit plusieurs églises chrétiennes, et des violences collectives ont contraint près de 4 000 personnes à fuir vers la province de Sumatra-Nord.
En Chine, la liberté de religion était systématiquement étouffée. La campagne gouvernementale consistant à démolir des églises et à retirer des croix chrétiennes dans la province du Zhejiang s’est intensifiée, et les personnes pratiquant le Fa Lun Gong étaient toujours persécutées et risquaient notamment d’être arrêtées de manière arbitraire, jugées au cours de procès iniques, emprisonnées sans motif et torturées ou autrement maltraitées. Le gouvernement a continué d’exercer un contrôle sévère sur les monastères bouddhistes au Tibet. Dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où la population est en grande majorité musulmane, le gouvernement local a promulgué de nouvelles réglementations visant à renforcer le contrôle exercé sur les affaires religieuses et à bannir toute pratique religieuse non autorisée.
En Inde, dans plusieurs cas les autorités n’ont rien fait pour empêcher des violences religieuses, contribuant même parfois aux tensions en créant des clivages avec leurs discours. Des musulmans ont été attaqués par des groupes de personnes qui les soupçonnaient de vol, de trafic ou d’abattage de vaches. De nombreux artistes, écrivains et scientifiques ont dénoncé un climat d’intolérance grandissante.

DISCRIMINATION

La discrimination continuait de représenter un motif de préoccupation dans de nombreux pays, et les autorités s’abstenaient souvent de prendre des mesures efficaces pour protéger les populations visées.
Une discrimination et des violences fondées sur le système des castes continuaient de sévir de manière endémique en Inde, et les castes dominantes ont cette année encore infligé des violences sexuelles à des femmes et des filles dalits et adivasis.
Quelques avancées ont eu lieu quand la chambre basse du Parlement a modifié la Loi relative aux castes et tribus répertoriées (prévention des atrocités) : les modifications prévoyaient la reconnaissance de nouvelles infractions, l’institution de tribunaux spéciaux chargés de juger ces faits, et une protection pour les victimes et les témoins.
Les discriminations basées notamment sur le genre, la caste, la classe sociale, l’origine ethnique et la religion étaient monnaie courante au Népal, et en Australie le nombre de personnes autochtones en prison était disproportionné par rapport au reste de la population.
La discrimination envers les personnes LGBTI était monnaie courante et les relations entre personnes de même sexe restaient pénalement réprimées dans de nombreux pays. Cependant, la municipalité d’un arrondissement de Tokyo est devenue la première dans tout le Japon à adopter un arrêté créant un certificat reconnaissant l’union entre personnes de même sexe, et la chambre haute du Parlement indien a adopté un projet de loi visant à protéger les droits des personnes transgenres.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Dans toute la région Asie-Pacifique, les femmes ont souvent été soumises à des violences, des mauvais traitements et des injustices, notamment à une discrimination fondée sur le genre et à des atteintes à leurs droits sexuels et reproductifs.
Au Népal, la discrimination liée au genre a eu des répercussions particulièrement lourdes sur les femmes appartenant à des groupes marginalisés : elle a entravé la capacité des femmes et des filles à contrôler leur sexualité, à faire des choix en matière de procréation, à refuser le mariage précoce ou encore à recevoir les soins prénatals et de santé maternelle appropriés. La stigmatisation et la discrimination pratiquées par les policiers et par les autorités en Inde ont continué de dissuader de nombreuses femmes de porter plainte pour des violences sexuelles, et dans la plupart des États des procédures normalisées n’avaient pas été mises en place pour traiter les cas de violences faites à des femmes.
Les violences sexuelles et les autres violences liées au genre restaient monnaie courante en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où des cas de femmes et d’enfants victimes de violences et tués à la suite d’accusations de sorcellerie ont continué d’être signalés. Le gouvernement n’a guère pris de mesure pour empêcher de tels agissements.

PEINE DE MORT

Bien que des avancées aient été réalisées au cours des dernières années dans la région Asie-Pacifique pour réduire le recours à la peine de mort, plusieurs pays ont continué d’appliquer ce châtiment, parfois même dans des conditions qui violaient le droit et les normes internationaux relatifs aux droits humains. Les exécutions ont repris dans certains pays.
Le Pakistan a dépassé la barre des 300 mises à mort depuis la levée du moratoire sur les exécutions de civils en décembre 2014, à la suite d’une attaque terroriste.
En août, la Commission des lois de l’Inde a recommandé l’abolition de la peine de mort pour tous les crimes à l’exception des infractions liées au terrorisme et à la « guerre contre l’État ».
En Chine, des modifications au Code pénal réduisant le nombre de crimes punis de mort sont entrées en vigueur. Les médias officiels ont annoncé que cette mesure s’inscrivait dans le cadre de la politique du gouvernement visant à réduire le nombre d’exécutions, mais ces modifications n’ont pas permis de mettre la législation chinoise en conformité avec les dispositions du droit international et des normes internationales relatifs aux droits humains portant sur le recours à la peine capitale. Les statistiques sur le recours à ce châtiment continuaient d’être classées secret d’État.
Un nouveau Code pénal abolissant la peine de mort pour tous les crimes a été adopté par le Parlement de la Mongolie, et il doit entrer en vigueur en septembre 2016

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