Rapport Annuel 2016

Bahreïn

Royaume de Bahreïn
Chef de l’État : Hamad bin Issa al Khalifa
Chef du gouvernement : Khalifa bin Salman al Khalifa

Les autorités ont continué de restreindre la liberté d’expression, d’association et de réunion et ont renforcé la répression de la dissidence en ligne, entre autres. Des dirigeants de l’opposition ont été maintenus en détention. Certains étaient des prisonniers d’opinion. La torture et les autres formes de mauvais traitements sont demeurées très répandues. De nombreuses personnes ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. Au moins
208 Bahreïnites ont été déchus de leur nationalité. Huit personnes ont été condamnées à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

CONTEXTE

Les tensions ont persisté entre le gouvernement dominé par la minorité sunnite et l’opposition, soutenue essentiellement par la population, à majorité chiite. Des manifestations ont été fréquemment organisées par des chiites qui réclamaient la remise en liberté de dirigeants de l’opposition. Les forces de sécurité sont souvent intervenues en faisant usage d’une force excessive. La police a été visée à plusieurs reprises par des attentats à l’explosif. Deux policiers ont trouvé la mort lors d’un tel attentat sur l’île de Sitra en juillet, et un autre dans le village de Karannah en août.
Bahreïn a rejoint, en mars, la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite engagée dans le conflit armé au Yémen (voir Yémen). De nouveaux bâtiments ont été construits à la prison de Dry Dock pour accueillir des adolescents de 15 à 18 ans ; 300 mineurs délinquants y ont été transférés de la prison de Jaww en mai. Le gouvernement américain a levé en juin de fourniture à Bahreïn de pièces pour avions militaires, de munitions et de matériel de communication pour une valeur de 150 millions de dollars.
En septembre, au Conseil des droits de l’homme [ONU], 35 pays ont signé une déclaration conjointe dans laquelle ils exprimaient leur préoccupation à propos des violations des droits humains à Bahreïn, dont l’emprisonnement de personnes exerçant leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion et l’absence d’obligation de rendre des comptes.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Les autorités ont sévèrement restreint les droits à la liberté d’expression et d’association. Des militants politiques et religieux qui avaient critiqué le gouvernement sur les réseaux sociaux ou lors de rassemblements publics ont été arrêtés et inculpés. D’autres ont été condamnés pour avoir critiqué le défunt roi d’Arabie saoudite Abdallah et dénoncé les frappes aériennes lancées au Yémen sous la direction de l’Arabie saoudite. Des prisonniers d’opinion condamnés les années précédentes à l’issue de procès inéquitables ont été maintenus en détention. Plusieurs d’entre eux ont été remis en liberté après avoir purgé leur peine.
En mars, le Conseil consultatif a approuvé des modifications à l’article 364 du Code pénal. Ceux-ci porteraient à deux ans d’emprisonnement la peine encourue pour « outrage au Parlement, au Conseil consultatif, aux forces de sécurité, aux juges ou à l’intérêt public », et à trois ans d’emprisonnement la peine maximale pour avoir encouragé publiquement autrui à la « diffamation » – et plus encore pour la diffamation dans les médias. Ces modifications étaient toujours en attente d’adoption à la fin de l’année. Le gouvernement a approuvé en septembre des règlements prévoyant de sanctionner les médias pour « diffusion d’informations fausses ou préjudiciables susceptibles de porter atteinte aux relations extérieures ».
Nabeel Rajab, éminent défenseur des droits humains, a de nouveau été arrêté en avril pour des commentaires publiés sur Twitter à propos de la torture dans la prison de Jaww et des frappes aériennes lancées au Yémen sous la direction de l’Arabie saoudite. Une cour d’appel a confirmé en mai sa précédente condamnation à six mois d’emprisonnement pour « avoir insulté publiquement des institutions étatiques ». Il a été remis en liberté en juillet à la faveur d’une grâce royale, quatre jours après l’adoption par le Parlement européen d’une résolution appelant le gouvernement à le libérer ainsi que d’autres prisonniers d’opinion. Nabeel Rajab était toujours sous le coup d’une interdiction de se rendre à l’étranger.
Une cour d’appel a confirmé en octobre la déclaration de culpabilité de Zainab al Khawaja et ramené de trois ans à un an d’emprisonnement la peine prononcée contre cette militante pour « outrage au roi » après qu’elle eut déchiré une photo du souverain lors d’une audience en octobre 2014. Un tribunal a aussi confirmé ses condamnations pour « destruction de bien appartenant à l’État » et « outrage à un fonctionnaire ».
Des dirigeants de l’opposition ont été convoqués aux fins d’interrogatoire, et d’autres inculpés et emprisonnés pour des chefs d’accusation à la formulation vague. En juin, Ali Salman, secrétaire général de la Société nationale islamique Al Wefaq, principal parti d’opposition, a été condamné à quatre ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique. Il était poursuivi pour « incitation à la haine et au mépris envers les membres d’une confession religieuse entraînant un trouble à l’ordre public ».
En juillet, un mois après sa libération à la faveur d’une grâce royale, les services de sécurité ont arrêté Ebrahim Sharif, ancien secrétaire général de la Société nationale pour l’action démocratique (Waad). Il a été inculpé d’« incitation à la haine et au mépris à l’égard du régime » et de tentative de renversement du régime « par la force et des moyens illégaux ». Son procès n’était pas terminé à la fin de l’année.
Fadhel Abbas Mahdi Mohamed, secrétaire général du Rassemblement unitaire national démocratique (al Wahdawi), a été condamné en juin à cinq ans d’emprisonnement pour « diffusion de fausses informations », son parti ayant affirmé que les frappes aériennes menées au Yémen sous la direction de l’Arabie saoudite violaient le droit international. Cette année encore, les autorités n’ont pas autorisé les groupes internationaux de défense des droits humains, dont Amnesty International, à se rendre dans le pays, ou ont restreint leurs visites.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Tous les rassemblements publics dans la capitale, Manama, sont demeurés interdits, mais les manifestations se sont poursuivies dans des villages chiites pour réclamer la libération des prisonniers politiques. Les forces de sécurité ont fréquemment fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles, blessant des manifestants et des passants. Des manifestants ont également été arrêtés et battus ; certains ont été condamnés à des peines d’emprisonnement. En janvier, un policier a abattu à bout portant un manifestant qui brandissait une photo d’Ali Salman, dirigeant de l’opposition, dans le village de Bilad al Qadeem. Un tribunal a prononcé son acquittement en novembre.

DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ

Des Bahreïnites déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme, entre autres actes illégaux, ont fait l’objet d’une mesure de déchéance de leur nationalité. Au moins 208 personnes, dont neuf enfants, ont ainsi été déchues de leur nationalité au cours de l’année ; un grand nombre d’entre elles sont de ce fait devenues apatrides. Une cour d’appel a redonné la nationalité bahreïnite à neuf personnes.
Soixante-douze de ces 208 personnes ont été déchues de leur nationalité par le ministère de l’Intérieur en janvier. Parmi elles figuraient des défenseurs des droits humains et d’anciens députés, ainsi que des Bahreïnites accusés de combattre au sein du groupe armé État islamique (EI). L’une de ces 72 personnes a été expulsée ; les autres ont dû rendre leur passeport et leur carte d’identité et s’engager à régulariser leur situation en tant qu’étrangers, ou quitter le pays. Certaines ont formé un recours devant une cour d’appel, mais elles ont été déboutées en décembre.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Cette année encore les détenus, et tout particulièrement les suspects d’actes de terrorisme ou d’atteinte à la sécurité, ont été régulièrement torturés et maltraités, notamment dans les locaux de la Direction des enquêtes criminelles. Des suspects ont aussi été frappés et maltraités par des policiers et d’autres membres des forces de sécurité au moment de leur arrestation et pendant leur transfert au poste de police. Les détenus de la prison de Jaww étaient régulièrement battus et étaient contraints dormir dans des tentes. Ils ont été privés de tout contact avec leur famille pendant plusieurs semaines après que les forces de sécurité eurent utilisé du gaz lacrymogène et des fusils pour réprimer une mutinerie dans la prison en mars.
Hussain Jawad, défenseur des droits humains et président de l’Organisation euro- bahreïnite pour les droits humains, s’est plaint d’avoir eu les yeux bandés et les mains attachées dans le dos par des menottes, d’avoir été empêché de se rendre aux toilettes, et d’avoir été battu et menacé de sévices sexuels pendant son interrogatoire par des fonctionnaires de la Direction des enquêtes criminelles après son arrestation en février. Bien que le parquet ait ordonné sa remise en liberté, des agents de la Direction des enquêtes criminelles l’ont remis en détention et l’ont torturé jusqu’à ce qu’il « avoue » avoir reçu de l’argent pour soutenir et financer des groupes subversifs. Il s’est ensuite rétracté et a déposé une plainte pour torture auprès de l’Unité des enquêtes spéciales, organe chargé des investigations sur les violences policières, qui a par la suite clos l’enquête, invoquant un manque de preuves. Hussain Jawad a été condamné en décembre 2013 à deux ans de prison.

PROCÈS INÉQUITABLES

Plusieurs centaines de personnes ont été condamnées à l’issue de procès inéquitables pour participation à une émeute ou à un rassemblement illégal ou pour des infractions liées au terrorisme. De nombreux accusés dans des affaires de terrorisme ont été déclarés coupables essentiellement sur la base d’« aveux » qui leur auraient été arrachés sous la torture ; certains ont été condamnés à mort.
Abbas Jamil al Samea et deux autres hommes reconnus coupables d’un attentat à l’explosif perpétré en mars 2014 ont été condamnés à mort en février. Leur procès, à l’issue duquel sept de leurs coaccusés ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, était inéquitable : le tribunal n’a pas enquêté sur leurs allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés pendant leur interrogatoire par les agents de la Direction des enquêtes criminelles, ils n’ont pas été autorisés à consulter un avocat avant l’ouverture de leur procès, les avocats n’ont pas eu accès à l’ensemble du dossier et leurs souhaits de procéder à un contre- interrogatoire des témoins de l’accusation n’ont pas été pris en compte.

IMPUNITÉ

Le climat d’impunité a persisté. Les autorités n’ont pas obligé les hauts responsables à rendre compte des actes de torture, entre autres violations des droits humains commises durant les manifestations de 2011 et par la suite. Les quelques enquêtes qui ont entraîné des poursuites contre des policiers subalternes ont débouché sur des peines clémentes, voire des acquittements.
En avril un tribunal a acquitté un policier accusé d’avoir causé la mort de Fadhel Abbas Muslim Marhoon, abattu d’une balle dans la tête en janvier 2014. Ce policier a été condamné à trois mois d’emprisonnement pour avoir blessé d’une balle à l’estomac Sadeq al Asfoor, qui accompagnait Fadhel Abbas. L’Unité des enquêtes spéciales a interjeté appel de cette condamnation. En novembre, la Cour de cassation a ordonné que soient rejugés deux policiers reconnus coupables d’avoir causé la mort en détention d’Ali Issa al Saqer en 2011. Une cour d’appel avait réduit en septembre 2013 leur peine de 10 ans à deux ans d’emprisonnement. En juin, six policiers ont été condamnés à des peines comprises entre un et cinq ans d’emprisonnement pour avoir causé la mort en détention de Hassan al Shaikh en novembre 2014.

DROITS DES FEMMES

Le Parlement a rejeté en avril un article de la nouvelle Loi de protection contre la violence domestique (loi 17 de 2015) qui aurait érigé le viol conjugal en infraction pénale. Cette loi, promulguée en août, habilite le parquet et les tribunaux à délivrer une ordonnance de protection d’une durée maximale de trois mois en faveur des victimes de violences au sein du foyer, et prévoit une peine de trois mois d’emprisonnement en cas de non- respect d’une telle ordonnance lorsqu’il est accompagné de violences.

PEINE DE MORT

La peine de mort était toujours en vigueur pour les meurtres et les infractions liées au terrorisme, ainsi que pour d’autres crimes, dont les infractions à la législation sur les stupéfiants. Les tribunaux ont prononcé huit condamnations à mort, dans certains cas à l’issue d’un procès inique, et ont commué deux sentences capitales en peines de réclusion à perpétuité. Aucune exécution n’a eu lieu.

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