Rapport annuel 2017

Côte d’Ivoire

République de Côte d’Ivoire
Chef de l’État : Alassane Dramane Ouattara
Chef du gouvernement : Daniel Kablan Duncan

Le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique a été restreint et de nombreux membres de l’opposition ont été arrêtés. Plusieurs dizaines de détenus étaient toujours en attente de leur procès en lien avec les violences postélectorales de 2010-2011, et il restait préoccupant de constater qu’un certain nombre de responsables présumés de crimes commis pendant cette période échappaient toujours à l’obligation de rendre des comptes. Le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé s’est ouvert devant la CPI. Simone Gbagbo n’a pas été transférée à la CPI, qui avait pourtant décerné un mandat d’arrêt à son encontre ; son procès a débuté devant un tribunal ivoirien. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a lancé une évaluation de l’impact environnemental lié aux tonnes de déchets toxiques qui avaient été déversés en 2006. Dix-neuf personnes, dont un enfant, ont été tuées dans une attaque menée par un groupe armé.

Contexte

Les partis de l’opposition ont manifesté contre le projet de Constitution adopté à l’issue d’un référendum national tenu en octobre. La nouvelle Constitution a relevé la limite d’âge des candidats à l’élection présidentielle, supprimé la condition selon laquelle les candidats devaient être nés de deux parents de nationalité ivoirienne et créé un sénat dont un tiers des membres sont nommés par le président de la République. En décembre, la coalition du parti au pouvoir a remporté les élections législatives.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Les autorités ont restreint le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en vertu de lois érigeant en infraction les manifestations pacifiques, entre autres formes d’expression non violente. Plus de 70 personnes, principalement membres de partis de l’opposition, ont été arrêtées puis libérées au bout de plusieurs heures, voire plusieurs jours. En juillet, Prospère Djandou, Jean Léopold Messihi et Ange Patrick Djoman Gbata ont été arrêtés alors qu’ils recueillaient des signatures en faveur de la libération de l’ancien président Laurent Gbagbo et ont été inculpés d’attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité publique. Ils ont été libérés deux semaines plus tard. En octobre, à la suite d’une manifestation pacifique contre le référendum sur la nouvelle Constitution, au moins 50 membres de l’opposition, dont Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale, ont été arrêtés arbitrairement à Abidjan et détenus pendant plusieurs heures. Plusieurs d’entre eux ont été détenus dans des véhicules de police en mouvement – une pratique connue sous le nom de « détention mobile » – sur des kilomètres et contraints à regagner leur domicile à pied. Certains ont été emmenés jusqu’à Adzopé, à une centaine de kilomètres du centre d’Abidjan.

Impunité

En février, 24 militaires inculpés des assassinats de l’ancien président Robert Guéï, de sa famille et de son garde du corps, Fabien Coulibaly, perpétrés en 2002, ont été jugés devant un tribunal militaire. Trois accusés, dont le général Bruno Dogbo Blé, ancien commandant de la garde présidentielle, et le commandant Anselme Séka Yapo ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Dix accusés ont été condamnés à 10 ans d’emprisonnement et les autres ont été acquittés.

Au moins 146 partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo arrêtés entre 2011 et 2015 étaient toujours en attente de jugement pour des infractions qu’ils auraient commises pendant la période de troubles qui a suivi l’élection de 2010. Quatre-vingt-sept d’entre eux au moins étaient détenus depuis 2011 ou 2012.

Bien que le président Alassane Ouattara se soit engagé à faire en sorte que la justice soit rendue équitablement pendant son mandat, seules des personnes soupçonnées de soutenir Laurent Gbagbo ont été jugées pour de graves atteintes aux droits humains commises pendant et après l’élection de 2010. En revanche, les membres des forces loyales au président Alassane Ouattara qui s’étaient rendus coupables de violences, notamment de l’homicide de plus de 800 personnes à Duékoué en avril 2011 et de 13 personnes dans un camp pour personnes déplacées à Nahibly en juillet 2012, n’ont pas été poursuivis. Certains d’entre eux ont pourtant été identifiés par des familles de victimes mais, malgré les enquêtes menées, personne n’avait été traduit en justice à la fin de l’année.

Justice internationale

Le procès de l’ancien président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé devant la CPI s’est ouvert en janvier ; il était toujours en cours à la fin de l’année. En février, le président Alassane Ouattara a annoncé qu’aucun autre Ivoirien ne serait déféré à la CPI car le système judiciaire national était opérationnel. En mai, le procès de Simone Gbagbo, l’épouse de Laurent Gbagbo jugée pour crimes contre l’humanité, a débuté devant un tribunal national, bien que la CPI ait décerné un mandat d’arrêt contre elle. Un an auparavant, la CPI avait débouté la Côte d’Ivoire de son appel contestant la recevabilité de cette affaire devant la CPI.

Justice nationale

David Samba, personnalité de l’opposition et président de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire, une ONG, a été inculpé de menace contre la sécurité nationale alors qu’il purgeait déjà une peine de six mois d’emprisonnement pour trouble à l’ordre public. À la fin de l’année, il était toujours en détention dans l’attente d’être jugé pour ces nouvelles charges.

Conditions carcérales

Les prisonniers étaient toujours détenus dans des conditions déplorables à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), principale prison de la ville. En mars, l’administration pénitentiaire a déclaré que cet établissement surpeuplé, dont la capacité était de 1 500 détenus, en accueillait en réalité 3 694. Des prisonniers ont indiqué qu’ils avaient dû payer des pots-de-vin allant jusqu’à 20 000 francs CFA (32 dollars des États-Unis) à des codétenus chargés de la sécurité intérieure afin de ne pas être placés dans des cellules immondes dont le sol était couvert d’eau et d’urine. Les familles étaient contraintes de verser elles aussi des pots-de-vin pour pouvoir rendre visite à leurs proches. Par ailleurs, les prisonniers responsables de la sécurité intérieure infligeaient des châtiments corporels aux autres détenus, ce qui avait entraîné au moins trois décès en 2015. Les autorités n’ont rien fait pour protéger les prisonniers de ces agissements et des autres atteintes à leurs droits fondamentaux. Les soins médicaux demeuraient insuffisants.

En février, lors d’une mutinerie, un surveillant et neuf détenus ont été tués dans un échange de tirs.

Responsabilité des entreprises

En juillet, le PNUE a lancé une évaluation environnementale de l’impact à long terme du déversement de plus de 540 000 litres de déchets toxiques qui a eu lieu à Abidjan en 2006. Ces déchets avaient été produits par la compagnie pétrolière multinationale Trafigura. Les résultats étaient attendus pour le début de l’année 2017. Les autorités n’ont signalé que 15 décès alors que plus de 100 000 personnes ont sollicité des soins médicaux après le déversement, notamment pour des problèmes graves comme des difficultés respiratoires. Elles n’avaient toujours pas évalué les risques à long terme liés à l’exposition aux produits chimiques contenus dans les déchets et n’avaient pas non plus suivi l’état de santé des victimes. De nombreuses victimes n’avaient reçu aucun dédommagement et les demandes d’indemnisation auprès de la compagnie se poursuivaient.

Exactions perpétrées par des groupes armés

En mars, des hommes armés ont attaqué trois hôtels situés sur le front de mer de Grand-Bassam, faisant 19 morts dont un enfant. Cet attentat a été revendiqué par Al Mourabitoun, un groupe armé basé dans le nord du Mali et affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Plus de 80 personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire et, en août, deux militaires ont été condamnés à 10 ans d’emprisonnement après avoir été déclarés coupables de violation de consignes et d’association de malfaiteurs.

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