Rapport annuel 2017

Soudan — Rapport annuel 2017

République du Soudan
Chef de l’État et du gouvernement : Omar Hassan Ahmad el Béchir

Les autorités ont refusé d’exécuter des mandats d’arrêt décernés par la Cour pénale internationale (CPI). Cette année encore, la situation sécuritaire et humanitaire est demeurée préoccupante au Darfour et dans les États du Nil bleu et du Kordofan du Sud, où les violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains étaient répandues. Des éléments ont laissé à penser que des armes chimiques avaient été utilisées par les forces gouvernementales au Darfour. La liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique a été soumise à des restrictions arbitraires. Des détracteurs du gouvernement et des opposants présumés ont été arrêtés arbitrairement et incarcérés, entre autres violations de leurs droits. L’usage excessif de la force par les autorités pour disperser des rassemblements a fait de nombreuses victimes.

Contexte

Les conflits armés qui ont persisté au Darfour et dans les États du Nil bleu et du Kordofan du Sud ont entraîné des pertes en vies humaines ainsi que des perturbations et des souffrances généralisées pour la population civile.

En mars, le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine pour le Soudan (AUHIP) a proposé une feuille de route pour la paix et le dialogue en vue de mettre un terme aux conflits. Les parties s’y engageaient à mettre fin aux conflits au Darfour et dans les États du Nil bleu et du Kordofan du Sud et à permettre l’accès humanitaire à toutes les populations de ces trois régions. Elles convenaient également d’entamer un processus de dialogue national ouvert. Le gouvernement a signé cet accord en mars, mais les groupes d’opposition ont dans un premier temps refusé de faire de même.

L’accord a finalement été signé le 8 août par quatre groupes d’opposition : l’Oumma (Parti de l’indépendance), le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N), le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), et la faction Minni Minnawi du Mouvement de libération du Soudan (MLS-MM). Les négociations ont repris le lendemain à Addis-Abeba, en Éthiopie, sur deux axes : entre le MPLS-N et le gouvernement d’une part, et sur le Darfour à propos de la fin des hostilités et de l’accès à l’aide humanitaire d’autre part. Les pourparlers entre le gouvernement et les groupes armés d’opposition – le MPLS-N, le MJE et le MLS-MM – ont toutefois échoué le 14 août. Les deux parties se sont reproché mutuellement d’être à l’origine de l’échec.

À l’issue de l’examen du bilan du pays en matière de droits humains dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies en mai, le Soudan a accepté un certain nombre de recommandations, notamment la ratification de la Convention contre la torture [ONU], ainsi que des efforts en vue d’empêcher le recours à la torture et aux traitements inhumains. Il a toutefois rejeté les recommandations l’invitant à supprimer les dispositions sur l’impunité de la Loi de 2010 relative à la sécurité nationale et à garantir l’ouverture d’enquêtes indépendantes débouchant sur des poursuites pour les crimes au regard du droit international et les violations des droits humains imputables à des membres du Service national de la sûreté et du renseignement (NISS), des forces armées et de la police.

Le Parlement a adopté en janvier une modification législative qui portait de deux à cinq ans d’emprisonnement la peine maximale pour participation à une émeute.

Cour pénale internationale

Les autorités refusaient toujours d’exécuter cinq mandats d’arrêt décernés par la CPI contre des ressortissants soudanais, dont deux contre le président Omar el Béchir pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre présumés au Darfour.

Conflit armé

Darfour

La situation sécuritaire et humanitaire demeurait dramatique au Darfour, où le conflit armé est entré en 2016 dans sa treizième année.

Les forces gouvernementales ont lancé en janvier une offensive militaire de grande ampleur dans la région du Djebel Marra. Des localités de cette zone ont été la cible d’attaques aériennes et terrestres coordonnées jusqu’en mai. Ensuite, la saison des pluies a rendu le terrain impraticable pour les forces terrestres dans presque toute la zone, mais les opérations aériennes se sont poursuivies jusqu’à la mi-septembre.

Un grand nombre de crimes au regard du droit international et de violations des droits humains imputables aux forces gouvernementales soudanaises ont été recensés. Celles-ci ont notamment bombardé des civils et des biens à caractère civil (c’est-à-dire qui n’étaient pas des objectifs militaires), tué illégalement des hommes, des femmes et des enfants, enlevé et violé des femmes, déplacé de force des civils, et pillé et détruit des biens civils, dont des villages entiers.

Des éléments de preuve portent également à croire que les forces gouvernementales soudanaises ont utilisé à plusieurs reprises des armes chimiques lors de leurs attaques dans le Djebel Marra. Des images satellite, plus de 200 entretiens approfondis avec des victimes et l’analyse par des experts de plusieurs dizaines de photos ont révélé qu’au moins 30 attaques probables à l’arme chimique avaient eu lieu dans le Djebel Marra entre janvier et septembre 2016. Quelque 200 à 250 personnes, dont beaucoup, voire la plupart, étaient des enfants, sont vraisemblablement mortes des suites d’une exposition à des agents chimiques. La grande majorité des victimes des attaques présumées à l’arme chimique n’ont pas pu bénéficier de soins médicaux appropriés.

Kordofan du Sud et Nil bleu

Le 24 avril, le Front révolutionnaire soudanais, une coalition de quatre groupes armés d’opposition, a annoncé un cessez-le-feu unilatéral pour une durée de six mois, dans le prolongement d’un précédent cessez-le-feu proclamé en octobre 2015. Le président el Béchir a décrété, le 17 juin, la cessation unilatérale des hostilités pour quatre mois dans les États du Nil bleu et du Kordofan du Sud. En octobre, il a prolongé cette mesure jusqu’à la fin de l’année dans ces deux régions.

Malgré la proclamation de la cessation des hostilités, des affrontements sporadiques ont opposé les forces gouvernementales au MPLS-N dans les zones contrôlées par l’Armée populaire de libération du Soudan-Nord (APLS-N). Le conflit armé était caractérisé par des attaques aériennes et terrestres menées par les forces gouvernementales, dont beaucoup visaient des biens à caractère civil, ainsi que par l’entrave de la fourniture d’aide humanitaire aux civils.

Liberté d’association

Des militants de la société civile ont été victimes d’arrestations et soumis à des restrictions arbitraires de leurs activités.

Le 28 janvier, le NISS a empêché la tenue d’un séminaire organisé au club Al Mahas, à Khartoum, la capitale, par un comité opposé à la construction des barrages de Kajbar et de Dal, dans l’État du Nord. Les membres de ce comité affirmaient que les barrages auraient un impact social et environnemental négatif. Douze personnes ont été interpellées par le NISS et relâchées dans la journée.

Des agents du NISS ont effectué le 29 février une descente dans les locaux d’une ONG, le Centre de Khartoum pour la formation et le développement humain (TRACKS). Ils ont saisi des téléphones mobiles et des ordinateurs portables, ainsi que des documents, les passeports des personnes présentes et deux véhicules. Le directeur de TRACKS, Khalafalla Mukhtar, a été retenu pendant six heures, de même qu’un autre employé de l’organisation et un visiteur, Mustafa Adam, directeur d’une autre organisation de la société civile appelée Al Zarqaa. Huit personnes liées à TRACKS, dont des employés, ont été arrêtées le 22 mai par le NISS. Cinq d’entre elles ont été libérées sous caution en juin. Les trois autres ont été maintenues en détention sans inculpation pendant près de trois mois par le bureau du procureur en charge de la sûreté de l’État, avant d’être transférées à la prison d’Al Huda dans l’attente de leur procès. Au total, six employés de TRACKS et personnes liées à l’organisation ont été inculpés en août de différentes infractions, notamment de crimes contre l’État passibles de la peine capitale. Leur procès n’était pas terminé à la fin de l’année.

Entre le 23 et le 28 mars, quatre représentants de la société civile ont été interpellés à l’aéroport international de Khartoum par des agents des services de sécurité alors qu’ils se rendaient à une réunion de haut niveau avec des diplomates à Genève (Suisse) pour préparer l’Examen périodique universel de la situation des droits humains au Soudan.

Cette année encore, les autorités ont empêché des partis politiques d’opposition d’organiser des activités publiques pacifiques. Le NISS a empêché le Parti républicain de commémorer l’anniversaire de l’exécution de son fondateur, Mahmoud Mohamed Taha, le 18 janvier. En février, des agents du NISS ont interdit à deux partis d’opposition, le Parti communiste soudanais (PCS) et le Parti du Congrès soudanais (SCP), d’organiser une réunion publique à Khartoum.

Liberté d’expression

La liberté d’expression était toujours soumise à des restrictions arbitraires. Des numéros de journaux étaient régulièrement saisis. Douze journaux ont ainsi vu leurs numéros confisqués à 22 reprises durant l’année. Plusieurs dizaines de journalistes ont été arrêtés et interrogés par le bureau des médias du NISS et le parquet en charge de la presse et des publications à Khartoum.

En avril, des agents du NISS ont saisi sans fournir aucune explication le tirage complet des quotidiens Akhir Lahzah, Al Sihaa et Al Tagheer. En mai, les journaux Alwan, Al Mustagilla et Al Jareeda ont été saisis dans les imprimeries par le NISS. Al Sihaa et Al Jareeda ont été de nouveau saisis en octobre.

Le 14 août, le Conseil national de la presse et des publications a suspendu sine die la publication de quatre journaux : Elaf, Al Mustagilla, Al Watan et Awal al Nahar. Il a affirmé que cette mesure avait été prise car ceux-ci persistaient à violer la règlementation établie par la Loi relative à la presse et aux publications.

Arrestations et détentions arbitraires

Dans tout le pays, des membres de partis d’opposition, des défenseurs des droits humains, des étudiants et des militants politiques ont été arrêtés et détenus de manière arbitraire, entre autres violations de leurs droits fondamentaux, par des agents du NISS et des membres d’autres branches des forces de sécurité.

Le 1er février, des agents du NISS ont arrêté à Khartoum quatre étudiants originaires du Darfour à la suite d’une manifestation organisée par le Front populaire unifié, affilié à la faction Abdul Wahid Al Nour du Mouvement de libération du Soudan, contre le conflit dans le Djebel Marra.

En avril, des affrontements violents ont opposé durant trois semaines des étudiants aux forces de sécurité à l’université de Khartoum. Le mouvement de protestation avait été déclenché par des informations selon lesquelles le gouvernement avait l’intention de vendre certains bâtiments de l’université. Plusieurs dizaines d’étudiants ont été interpellés ; cinq d’entre eux ont été détenus sans inculpation à Khartoum. Ils ont été remis en liberté à la fin d’avril, mais certains ont de nouveau été arrêtés en mai.

Le 5 mai, des agents du NISS ont effectué une descente au cabinet de Nabil Adib, éminent avocat spécialiste des droits humains, où ils ont arrêté 11 personnes, dont huit étudiants qui avaient été exclus, temporairement ou définitivement, de l’université de Khartoum. Toutes ces personnes avaient été libérées à la fin du mois de juin.

Dix hommes qui avaient rencontré l’envoyé spécial des États-Unis pour le Soudan et le Soudan du Sud en visite dans la région ont été arrêtés le 31 juillet par des agents du NISS dans le Darfour central. Sept d’entre eux étaient des personnes déplacées. Ils ont tous été remis en liberté en septembre.

Recours excessif à la force

Les autorités ont imposé des restrictions arbitraires à la liberté de réunion et, dans bien des cas, ont utilisé une force excessive pour disperser des rassemblements, faisant plusieurs morts et de nombreux blessés. Aucune enquête n’a été menée sur ces décès.

En février, des agents du NISS et des étudiants affiliés au Parti du Congrès national (NCP), au pouvoir, ont violemment interrompu un séminaire public organisé par un parti d’opposition à l’université d’El Geneina. Un certain nombre d’étudiants ont été grièvement blessés et l’un d’entre eux, Salah al Din Qamar Ibrahim, a succombé à ses blessures.

Le 19 avril, Abubakar Hassan Mohamed Taha, 18 ans, étudiant à l’université du Kordofan, a été abattu d’une balle dans la tête par des agents du NISS à Al Obeid, capitale du Kordofan du Nord. Les étudiants défilaient pacifiquement quand ils ont été interceptés par des agents du NISS lourdement armés, qui auraient ouvert le feu sur la foule pour les empêcher de participer aux élections étudiantes. Vingt-sept autres étudiants ont été blessés, dont cinq grièvement. L’homicide d’Abubakar Hassan Mohamed Taha a provoqué des manifestations étudiantes dans tout le pays10.

Mohamad al Sadiq Yoyo, 20 ans, étudiant en deuxième année à l’université Al Ahlia d’Omdourman, dans l’État de Khartoum, a été abattu le 27 avril par des agents du NISS.

Le 8 mai, dans la ville de Kosti (État du Nil blanc), des policiers ont dispersé par la force un sit-in pacifique organisé par l’Association des étudiants de la faculté d’ingénierie de l’université Al Imam al Mahdi. Les policiers auraient utilisé du gaz lacrymogène et des matraques ; sept étudiants environ ont été blessés, dont quatre grièvement.

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