Rapport annuel 2017

Bosnie-Herzégovine

Bosnie-Herzégovine
Chef de l’État : une présidence tripartite est exercée par Bakir Izetbegović, Dragan Čović, Mladen Ivanić
Chef du gouvernement : Denis Zvizdić

Les minorités vulnérables faisaient l’objet de discriminations généralisées, malgré l’adoption d’une loi progressiste destinée à lutter contre ces pratiques. Les journalistes et la liberté de la presse étaient toujours en butte à des menaces et à des agressions. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a rendu plusieurs verdicts concernant des crimes perpétrés pendant le conflit de 1992-1995. Au niveau national, les victimes civiles de la guerre n’avaient toujours qu’un accès limité à la justice et aux réparations.

Contexte

La Bosnie-Herzégovine a déposé en février une demande d’adhésion à l’Union européenne (UE), qui a été acceptée en septembre.

Les autorités de la Republika Srpska (RS), l’une des deux entités constitutives de la Bosnie-Herzégovine, ont refusé d’appliquer une décision de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, qui estimait que la Loi de la RS sur les jours fériés (qui faisait du 9 janvier la fête nationale de la Republika Srpska) était inconstitutionnelle et discriminatoire à l’égard des non-Serbes vivant dans l’entité.

Les élections municipales qui se sont déroulées dans tout le pays en octobre ont été marquées par une montée des discours nationalistes. Les chiffres du premier recensement réalisé depuis la guerre, en 2013, ont été publiés en juin. La RS a toutefois contesté la méthodologie utilisée pour ce recensement, ainsi que ses résultats.

Discrimination

Le Conseil des ministres a adopté en avril son premier Plan d’action pour la prévention de la discrimination. En juin, l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine s’est prononcée en faveur d’un certain nombre de modifications de la Loi sur la prévention de la discrimination. Bien accueillie en général par la société civile, la loi modifiée dressait la liste des motifs de discrimination prohibés (dont l’orientation sexuelle) et élargissait considérablement la notion d’incitation à la discrimination, qui ne portait jusque-là que sur des critères d’appartenance ethnique, de religion ou de nationalité.

Le Parlement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine – l’autre entité constitutive de la Bosnie-Herzégovine – a adopté plusieurs modifications du Code pénal de l’entité, faisant des crimes de haine des infractions à part entière. Les motifs permettant de qualifier une infraction de crime de haine étaient nombreux, mais les peines prescrites pour l’incitation à la haine, aux discours de haine et à la violence se limitaient aux actes fondés sur la nationalité, l’appartenance ethnique ou la religion des personnes et n’incluaient pas les discours de haine visant d’autres groupes marginalisés.

L’exclusion et la discrimination demeuraient des phénomènes très répandus, touchant notamment les Roms et les personnes LGBTI. Bien que le nombre de Roms dépourvus de papiers d’identité ait diminué et que leur accès au logement se soit légèrement amélioré, les Roms étaient toujours confrontés à des barrières structurelles qui les empêchaient d’accéder à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi. La Stratégie nationale d’intégration des Roms et le Plan d’action l’accompagnant sont arrivés à leur terme en 2016, sans que bon nombre des objectifs fixés aient été atteints. Le Conseil des ministres a réaffecté une partie des fonds initialement destinés à financer la mise en œuvre du Plan d’action.

Les personnes LGBTI étaient confrontées à des discriminations et à des manœuvres d’intimidation permanentes. Plusieurs organisations de la société civile ont relevé des cas d’agressions verbales ou physiques et de discrimination. La plupart de ces faits n’ont fait l’objet d’aucune enquête sérieuse. En mars, un groupe de jeunes gens a fait irruption dans un café-cinéma fréquenté par la communauté LGBTI de Sarajevo, la capitale, et s’en est violemment pris aux clients. Plusieurs personnes ont été blessées. Pourtant, la police a considéré l’incident comme constituant un délit mineur. De la même façon, les auteurs de l’attaque menée en 2014 contre les organisateurs du Festival du film queer Merlinka n’ont jamais été inculpés. L’édition 2016 de cette manifestation artistique s’est déroulée sous haute protection policière.

L’arrêt rendu en 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdić-Finci c. Bosnie-Herzégovine, qui concluait que les dispositions sur le partage du pouvoir énoncées dans la Constitution étaient discriminatoires, est resté lettre morte. En vertu de ces dispositions, les citoyens qui refusaient de déclarer leur appartenance à l’un des trois peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine (les Bosniaques, les Croates et les Serbes) ne pouvaient pas être candidats à des fonctions législatives ou exécutives.

Liberté d’expression

Les journalistes ont cette année encore fait l’objet de menaces, de pressions politiques et d’agressions. L’Association des journalistes a recensé des attaques répétées contre des professionnels de la presse, ainsi que des remises en cause de la liberté d’expression et de l’intégrité des médias.

Crimes de droit international

Le TPIY a rendu son verdict en première instance dans plusieurs affaires mettant en cause de hauts responsables pour leur rôle présumé dans des crimes commis lors du conflit de 1992-1995. En mars, il a déclaré Radovan Karadžić, président de la RS pendant la guerre, coupable de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et l’a condamné à 40 ans d’emprisonnement. Toujours au mois de mars, le TPIY a déclaré Vojislav Seselj, leader du Parti radical serbe, non coupable des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre dont il était accusé.

Le manque de moyens et de ressources, ainsi qu’une mauvaise gestion des dossiers et des manœuvres persistantes d’obstruction de la part du pouvoir politique, ont cette année encore ralenti l’action de la justice et l’accès des victimes à des recours devant les tribunaux nationaux. Une étude indépendante commandée par l’OSCE et parue en juillet a montré que la Stratégie nationale relative aux crimes de guerre n’avait pas atteint ses objectifs, et que plus de 350 affaires complexes attendaient toujours d’être traitées par la Cour d’État et les services du parquet.

En dépit des engagements pris par les autorités, l’adoption de la Loi sur la protection des victimes de la torture était toujours au point mort, de même que l’harmonisation des lois relatives aux entités censées garantir les droits des victimes civiles de la guerre et destinées à leur permettre d’avoir accès aux services, à une aide juridique gratuite et à de véritables réparations.

Un tribunal de la ville de Doboj a accordé en octobre une indemnisation financière à une personne victime de viol pendant la guerre et a condamné l’auteur du crime à cinq années d’emprisonnement. C’était la deuxième fois que des réparations financières pour crimes de guerre étaient accordées dans une affaire pénale. De nombreuses victimes restaient cependant contraintes d’intenter une action au civil pour obtenir des réparations, ce qui les obligeait à révéler leur identité et leur faisait encourir des frais supplémentaires. La Cour constitutionnelle a estimé en avril que le délai de prescription s’appliquait aux demandes de réparations pour des dommages non matériels et que les requêtes ne pouvaient concerner que les auteurs des faits, et non l’État, ce qui limitait encore un peu plus la possibilité pour les victimes de solliciter et d’obtenir une indemnisation.

Les corps de plus de 75 % des personnes ayant disparu pendant la guerre ont été exhumés et identifiés. Quelque 8 000 personnes étaient cependant toujours manquantes depuis le conflit. Les opérations d’exhumation se heurtaient à des problèmes considérables, liés notamment à la baisse du financement de l’Institut pour les personnes manquantes et au manque de compétences en la matière au niveau national. La Loi sur les personnes manquantes n’était toujours pas appliquée et le Fonds pour les familles des personnes manquantes n’avait toujours pas été créé.

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