Rapport annuel 2017

Kazakhstan

République du Kazakhstan
Chef de l’État : Noursoultan Nazarbaïev
Chef du gouvernement : Bakytjan Saguintaïev (a remplacé Karim Massimov au mois de septembre)

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont cette année encore fait l’objet de restrictions. Les pouvoirs publics ont eu recours à la détention administrative pour empêcher certaines personnes de participer à des manifestations non autorisées. Ils ont également engagé des poursuites pénales contre des individus qui s’étaient exprimés sur les médias sociaux, ainsi que contre des journalistes indépendants. Certains dirigeants d’ONG – considérés comme une catégorie de contrevenants à part par le Code pénal et le Code des infractions administratives – ont pour la première fois été sanctionnés avec une sévérité accrue. De nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements sur des suspects et des prisonniers ont été signalés. Les très nombreux travailleurs migrants présents dans le pays étaient souvent exploités et avaient fréquemment des problèmes pour accéder aux soins de santé et à l’éducation. Une condamnation à mort a été prononcée.

Liberté de réunion

Le fait d’organiser une réunion publique non violente sans avoir obtenu au préalable l’autorisation des pouvoirs publics, ou de participer à une telle réunion, constituait une infraction passible d’une lourde amende ou d’une peine pouvant atteindre 75 jours d’emprisonnement aux termes du Code pénal et du Code des infractions administratives. Le simple fait d’aider à la tenue de rassemblements « illégaux », en se servant par exemple de « moyens de communication » (y compris des médias sociaux), constituait également une infraction pénale.

Une série de manifestations pacifiques « non approuvées » ont eu lieu dans tout le Kazakhstan en avril et en mai. Les participants entendaient protester contre un projet de modification du Code foncier, destiné à permettre la location de terres agricoles inexploitées à des étrangers pour une durée pouvant atteindre 25 ans. Les autorités ont réagi en bloquant l’accès aux principales places et artères des villes, et en plaçant en détention administrative les personnes qui souhaitaient participer aux manifestations.

Des rassemblements contre la modification du Code foncier étaient ainsi prévus le 21 mai à Astana, la capitale du Kazakhstan, à Almaty, la plus grande ville du pays, et dans plusieurs autres localités. Entre le 17 et le 20 mai, au moins 34 personnes ont été arrêtées et inculpées en tant qu’« organisateurs » des manifestations, pour avoir annoncé sur les réseaux sociaux leur intention d’y participer ou pour avoir diffusé des informations les concernant. La plupart de ces personnes ont été condamnées à des peines de 10 à 15 jours de détention au titre du Code administratif.

Le 21 mai, dans les villes concernées, la police a bloqué l’accès aux lieux où les rassemblements étaient prévus. Plusieurs centaines d’arrestations, jusqu’à 500 selon certaines sources, ont eu lieu à Almaty. D’autres, moins nombreuses, ont été signalées ailleurs. Les personnes placées en détention dans les postes de police ont dû signer des déclarations, dans lesquelles elles reconnaissaient avoir participé à un rassemblement public non autorisé, et donner leurs empreintes digitales. Elles ont été remises en liberté au bout de quelques heures. Selon l’ONG Adil Soz, qui milite pour la liberté d’expression, au moins 48 journalistes ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de couvrir les manifestations du 21 mai. Ils ont tous été relâchés au bout de quelques heures.

Liberté d’expression

Médias sociaux

Le parquet a fait usage du Code pénal contre des militants actifs sur les réseaux sociaux.

En janvier, Ermek Narymbaïev et Serikjan Mambetaline ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir mis en ligne sur Facebook des extraits d’un livre inédit considéré comme offensant pour l’ethnie kazakhe. Leurs peines ont été assorties d’un sursis à l’issue de la procédure d’appel. Toujours au mois de janvier, la condamnation du blogueur Igor Sytchev à cinq années d’emprisonnement a été confirmée en appel. Il lui était reproché d’avoir mis en ligne sur un autre site un sondage appelant les internautes à se prononcer sur un éventuel rattachement de sa ville de résidence à la Russie.

Le 28 novembre, les prisonniers d’opinion Max Bokaïev et Talgat Aïan ont été déclarés coupables d’« incitation à la discorde sociale, nationale, clanique, raciale, de classe ou religieuse », de « diffusion de fausses informations en toute connaissance de cause » et d’organisation de rassemblements et de manifestations non autorisés. Les deux hommes ont été condamnés à cinq années d’emprisonnement. Il leur était notamment reproché d’avoir mis en ligne en avril et en mai, sur Facebook et sur d’autres plateformes, des commentaires sur la modification envisagée du Code foncier et sur les manifestations qui se déroulaient alors. Le chanteur populaire Janat Essentaïev a été reconnu coupable en juillet d’infraction au Code pénal, pour plusieurs commentaires publiés sur Facebook à propos des manifestations contre la réforme du Code foncier. Il a été condamné à deux ans et demi de mise à l’épreuve.

Poursuites pénales contre des journalistes

La journaliste Gouzial Baïdalinova, propriétaire du portail d’informations indépendant Nakanune.kz, a été condamnée en mai à un an et demi d’emprisonnement pour « diffusion de fausses informations en toute connaissance de cause ». Sa peine a été assortie d’un sursis au mois de juillet. Souvent critique à l’égard du pouvoir en place, Nakanune.kz avait publié une série d’articles sur les activités d’une grande banque commerciale.

En octobre, Seïtkazy Mataïev et son fils Asset Mataïev ont été condamnés respectivement à six et cinq ans d’emprisonnement pour détournement de fonds et évasion fiscale. Seïtkazy Mataïev était président du syndicat des journalistes du Kazakhstan et du Club de la presse national. Son fils était directeur général de l’agence de presse KazTAG. Le syndicat des journalistes soutenait le journalisme indépendant.

Internet

Plusieurs modifications apportées à la Loi sur les communications sont entrées en vigueur en janvier. Les internautes étaient désormais tenus de télécharger et d’installer sur leurs appareils un « certificat national de sécurité », qui permettait aux autorités d’examiner les communications acheminées via le protocole HTTPS et de bloquer l’accès à certaines pages dont elles estimaient le contenu illégal.

Liberté d’association

ONG

Le fait de diriger une organisation non reconnue officiellement, ou même simplement de participer à son activité, constituait à la fois une infraction pénale et une infraction administrative. Les « leaders » d’associations étaient traités comme une catégorie de contrevenants à part, passibles de sanctions renforcées. La définition du terme « leader » était large et pouvait en fait recouvrir tout membre actif d’une ONG ou d’une association de la société civile. Ces dispositions ont été invoquées pour la première fois en 2016, notamment dans le cadre du procès intenté au pénal contre Max Bokaïev et Talgat Aïan.

La législation avait été modifiée fin 2015 pour permettre la création par l’État d’une base de données centrale des ONG. Toute ONG ne fournissant pas régulièrement à cette base de données des informations exactes était passible d’une amende ou d’une suspension temporaire de ses activités. L’ONG Initiative juridique internationale d’Almaty a contesté en février cette disposition devant la justice civile, mais elle a perdu son procès. Peu après, cette organisation a fait l’objet d’un contrôle fiscal particulièrement poussé. Les militants de la société civile craignaient que la nouvelle loi ne se traduise par des contraintes excessives pour les ONG et qu’elle n’entrave leurs activités.

Groupes religieux

Les groupes religieux étaient tenus par la loi de s’enregistrer auprès du ministère de la Justice. Le fait d’appartenir à un groupe religieux non officiellement reconnu constituait une atteinte au Code des infractions administratives. Les lieux de culte étaient soumis à un certain nombre de restrictions. Les personnes se réunissant ou distribuant des textes à caractère religieux dans des lieux non autorisés s’exposaient à de lourdes amendes. Selon l’ONG Forum 18, qui milite pour la liberté de culte, un certain nombre de pratiquants ont été condamnés à des amendes pour s’être réunis au domicile de membres de leur groupe. Sept fidèles de l’Église baptiste auraient été condamnés en août à des amendes dans l’est du Kazakhstan.

Torture et autres mauvais traitements

La torture et les autres mauvais traitements ont perduré tout au long de l’année. La Coalition des ONG du Kazakhstan contre la torture a relevé 163 nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements entre janvier et novembre 2016. Le parquet a invoqué l’article 419 du Code pénal (« dénonciation fallacieuse d’une infraction ») pour poursuivre les personnes qui avaient affirmé avoir été torturées, ou plus généralement maltraitées, et dont les allégations avaient été considérées, après enquête, comme infondées.

En septembre, un ancien surveillant de prison a été reconnu coupable de viol et d’autres actes de torture commis sur la personne d’une prisonnière, dans la région d’Almaty. Il a été condamné à neuf ans d’emprisonnement. La victime avait affirmé avoir été violée et rouée de coups par quatre surveillants ; elle avait eu un enfant à la suite du viol. Les poursuites contre les trois autres surveillants ont été abandonnées faute de preuves suffisantes, et le surveillant condamné l’a été sur la foi d’un test de paternité, qui montrait qu’il était bien le père de l’enfant mis au monde par la victime. Cette affaire a mis en lumière la question plus générale des violences sexuelles perpétrées contre les femmes dans les lieux de détention.

Droits des travailleurs migrants

Le Kazakhstan a connu toute l’année des flux de travailleurs migrants assez irréguliers en provenance, essentiellement, du Kirghizistan, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan voisins. Selon les estimations officielles, il y avait entre 300 000 et 1 500 000 travailleurs migrants dans le pays, un chiffre en nette progression en 2016 par rapport à 2015. La plupart des travailleurs migrants n’avaient pas de contrat écrit et risquaient d’être exploités (longues journées de travail sans pause ou presque, rémunération faible et versée de manière irrégulière, conditions de travail dangereuses, etc.), en particulier dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment. Beaucoup dépendaient de leur employeur pour leur logement et vivaient souvent entassés dans des locaux surpeuplés, dans des conditions médiocres. Certains employeurs confisquaient en outre le passeport de leurs employés, ce qui plaçait de fait ces derniers en situation de travail forcé. Les travailleurs migrants qui ne disposaient pas du statut de résident permanent n’avaient pas accès aux soins de santé gratuits et rencontraient des problèmes pour scolariser leurs enfants.

Le Kazakhstan n’avait pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Peine de mort

Le Kazakhstan a aboli la peine capitale pour les crimes ordinaires, mais 17 infractions constituant soit des actes relevant du terrorisme, soit des crimes de guerre restaient passibles de mort. En novembre, Rouslan Koulekbaïev a été condamné à la peine capitale pour actes relevant du terrorisme ayant entraîné la mort de 10 personnes en juillet à Almaty. Il s’agissait de la sixième condamnation à mort prononcée depuis la signature en 2003 par le président de la République, Noursoultan Nazarbaïev, d’un moratoire sur les exécutions. Toutes les condamnations à la peine capitale ont depuis cette date été commuées en peines de réclusion à perpétuité.

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