Rapport annuel 2017

Allemagne

République fédérale d’Allemagne
Chef de l’État : Joachim Gauck
Chef du gouvernement : Angela Merkel

Les autorités ont déployé des efforts considérables pour loger les demandeurs d’asile arrivés en 2015 et traiter leurs dossiers. Toutefois, le gouvernement a aussi adopté plusieurs lois visant à limiter leurs droits et ceux des réfugiés, avec, par exemple, des restrictions au regroupement familial. Le nombre d’attaques racistes et xénophobes contre des foyers de demandeurs d’asile demeurait important et les autorités n’ont pas adopté de stratégie de prévention efficace.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Le nombre de nouveaux demandeurs d’asile a considérablement baissé par rapport à 2015. Environ 304 900 arrivées ont été enregistrées entre janvier et novembre, contre 890 000 en 2015.

Au cours de l’année, les autorités ont amélioré leur capacité de traitement des demandes d’asile. Entre janvier et novembre, environ 702 490 personnes, dont beaucoup étaient arrivées en Allemagne l’année d’avant, ont demandé l’asile. Les autorités ont statué sur 615 520 cas environ. Le rythme d’obtention du statut de réfugié à part entière s’est ralenti pour les Syriens, les Irakiens et les Afghans ; ils ont été plus nombreux à bénéficier d’une protection subsidiaire et moins nombreux à se voir reconnaître le statut de réfugié plein et entier. La protection subsidiaire accordait moins de droits, y compris en matière de regroupement familial. Entre janvier et novembre, 59 % des demandeurs syriens ont obtenu la reconnaissance de leur statut de réfugié à part entière, contre 99,6 % pendant la même période en 2015.

En mars, de nouvelles modifications des lois sur l’asile sont entrées en vigueur. Le droit au regroupement familial a été suspendu jusqu’en mars 2018 pour les personnes bénéficiant de la protection subsidiaire. Une nouvelle procédure d’asile accélérée a été établie pour diverses catégories de demandeurs, notamment ceux originaires de pays jugés « sûrs » ; elle ne fournissait pas de garanties suffisantes concernant l’accès à une procédure d’asile équitable. À la fin de l’année, une loi définissant l’Algérie, le Maroc et la Tunisie comme des pays « sûrs » était en instance devant le Conseil fédéral. La nouvelle procédure d’asile accélérée n’avait pas été mise en œuvre à la fin de l’année.

En mai, le Parlement a adopté la toute première loi sur l’intégration applicable aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Ce texte visait à offrir aux réfugiés des perspectives en matière d’emploi et d’éducation, tout en leur imposant de suivre des cours d’intégration. La loi a également autorisé les Länder à leur imposer des restrictions relatives au lieu de résidence, durci les conditions de délivrance des permis de séjour et réduit encore les prestations pour ceux qui contreviendraient aux nouvelles règles.

Au 19 décembre, 640 réfugiés en provenance de Grèce et 455 venus d’Italie avaient été relocalisés en Allemagne. En vertu de l’accord passé entre l’UE et la Turquie, l’Allemagne a accepté le transfert de 1 060 réfugiés syriens arrivant de Turquie. Malgré la détérioration de la situation sécuritaire en Afghanistan, les autorités ont renvoyé de force plus de 60 ressortissants afghans dont les demandes d’asile avaient été rejetées. En 2015, moins de 10 Afghans dont les demandes d’asile avaient été rejetées avaient été renvoyés de force.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, les autorités n’ont pas mené d’enquêtes efficaces sur les allégations de mauvais traitements policiers, ni créé de mécanisme de plainte indépendant chargé d’examiner ces allégations.

À la fin de l’année, les gouvernements de Rhénanie du Nord-Westphalie et de Saxe-Anhalt envisageaient d’obliger les policiers en service à porter un badge d’identification.

La Commission conjointe des Länder de l’Agence fédérale pour la prévention de la torture (mécanisme de prévention créé par l’Allemagne au titre du Protocole facultatif à la Convention contre la torture [ONU]) continuait de manquer cruellement de moyens et d’effectifs.

En avril, le bureau du procureur de Hanovre a clos l’enquête sur les mauvais traitements qu’un agent de la police fédérale aurait infligés en 2014 à deux réfugiés, respectivement afghan et marocain, dans les cellules de garde à vue de la police fédérale à la gare centrale de Hanovre. En septembre, le tribunal régional supérieur de Celle a rejeté la demande déposée par l’une des victimes en vue de rouvrir le dossier.

Discrimination

La deuxième commission d’enquête créée par le Parlement en octobre 2015 a poursuivi ses investigations concernant certaines affaires où les autorités n’avaient pas enquêté sur les crimes racistes et xénophobes perpétrés par le groupe d’extrême droite Clandestinité national-socialiste contre des membres de minorités ethniques entre 2000 et 2007. Aucune enquête officielle n’a été diligentée sur le racisme institutionnel qui aurait pu expliquer ces défaillances, en dépit des recommandations formulées en 2015 par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] et le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Des dizaines de manifestations hostiles aux réfugiés et aux musulmans ont eu lieu dans le pays. Sur la même période, les autorités ont enregistré 813 infractions commises contre des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ainsi que 1 803 infractions visant directement des demandeurs d’asile, dont 254 ont entraîné des blessures. Les autorités n’ont pas mis en œuvre de stratégie nationale adaptée pour empêcher les attaques contre les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Cette année encore, des organisations de la société civile ont fait état de contrôles d’identité effectués par la police qui étaient discriminatoires à l’égard de membres de minorités ethniques et religieuses.

En juin, la Cour fédérale de justice a rejeté la demande d’une personne intersexuée qui voulait être officiellement reconnue comme appartenant à un troisième genre. À la fin de l’année, l’appel interjeté par cette personne était en instance devant la Cour constitutionnelle fédérale.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En octobre, le Parlement a voté une nouvelle loi sur la surveillance, qui a conféré à l’Office fédéral de renseignements des pouvoirs étendus lui permettant de surveiller les ressortissants de pays non membres de l’UE en dehors de tout contrôle des autorités judiciaires et à des fins très diverses, dont la sécurité nationale. En août, plusieurs procédures spéciales des Nations unies, y compris le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression, ont fait part de leur préoccupation quant aux effets négatifs de cette loi sur la liberté d’expression et à l’absence de contrôle par les autorités judiciaires.

En avril, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que certains des pouvoirs de surveillance conférés à la Police fédérale criminelle en 2009 pour lutter contre le terrorisme et plus généralement contre la criminalité étaient inconstitutionnels. Certaines mesures en particulier ne garantissaient pas le droit au respect de la vie privée. En attendant leur modification, ces dispositions demeuraient en vigueur.

Commerce des armes

En mars, le gouvernement a instauré un cadre juridique permettant de procéder à des contrôles sélectifs après expédition afin d’améliorer la surveillance des exportations allemandes d’armes de guerre et de certains types d’armes à feu. Le but était de veiller au respect des certificats d’utilisation finale et d’éviter que les armes exportées ne soient utilisées pour commettre des violations des droits humains. Ces dispositions devraient en outre permettre de vérifier, après la livraison aux pays destinataires, que les armes exportées se trouvaient bien là où elles devaient être. Les États recevant du matériel militaire allemand devraient produire un certificat d’utilisation finale dans lequel ils déclareraient consentir à des contrôles sur place. De tels certificats ont été signés dans le cadre d’au moins quatre exportations d’armes légères autorisées. À la fin de l’année, le gouvernement mettait en œuvre la première phase pilote de ce nouveau mécanisme.

Responsabilité des entreprises

En août, le tribunal régional de Dortmund a accepté d’être saisi d’une plainte déposée en 2015 par quatre Pakistanais contre la marque de vêtements allemande Kik et leur a accordé une aide juridique. En septembre 2012, 260 ouvriers étaient décédés et 32 avaient été grièvement blessés dans l’incendie qui avait détruit l’une des principales usines de textile pakistanaises où Kik se fournissait.

En décembre, les autorités allemandes ont adopté un plan national d’action visant à mettre en œuvre les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme [ONU]. Toutefois, ce plan ne prévoyait pas de mesures permettant de satisfaire à toutes les normes énoncées dans les Principes et ne garantissait pas l’exercice d’une diligence raisonnable des entreprises allemandes en matière de droits humains.

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