Rapport annuel 2017

Géorgie

Géorgie
Chef de l’État : Guiorgui Margvelachvili
Chef du gouvernement : Guiorgui Kvirikachvili

Une série de décisions favorables au gouvernement rendues par les tribunaux dans plusieurs affaires très médiatisées a de nouveau mis l’accent sur le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et l’ingérence du pouvoir politique dans l’administration de la justice. De nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés par la police ont été signalés. La mise en place d’une clôture le long des frontières administratives séparant les régions sécessionnistes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud du reste de la Géorgie a continué d’avoir des conséquences néfastes pour les droits économiques et sociaux de la population locale.

Contexte

Avec 115 sièges, le parti au pouvoir – le Rêve géorgien – a accru sa majorité au Parlement à l’issue des élections législatives qui ont eu lieu le 8 octobre. Principale formation d’opposition, le Mouvement national uni (MNU) a remporté 27 sièges, tandis que l’Alliance des patriotes, parti conservateur de droite, en obtenait six.

Plusieurs enregistrements clandestins de conversations privées, ainsi que des détails sur la vie intime de personnalités de l’opposition et de journalistes, ont été diffusés peu de temps avant les élections. Soupçonnées de s’être procuré illégalement les enregistrements, cinq personnes, dont un ancien membre des services de sécurité, ont été arrêtées. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.

En Abkhazie et en Ossétie du Sud, les autorités de fait et les forces russes présentes sur le terrain continuaient de restreindre la circulation entre ces deux régions sécessionnistes et le reste de la Géorgie. Des dizaines de personnes ont été arrêtées. Plusieurs d’entre elles ont affirmé avoir été torturées et, plus généralement, maltraitées (notamment rouées de coups) au cours de longues périodes de détention arbitraire. Un homme a été tué par un soldat russe le 19 mai, alors qu’il tentait de passer en Abkhazie. Une enquête ouverte par les autorités de fait de la région était toujours en cours à la fin de l’année.

Le renforcement de la clôture installée le long des frontières administratives a eu des conséquences négatives sur les droits au travail, à la nourriture et à un niveau de vie suffisant de la population locale, qui a perdu, partiellement ou totalement, l’accès à ses vergers, pâturages et terres agricoles.

Justice

Un certain nombre d’observateurs, aussi bien géorgiens qu’étrangers, ont fait part de leur inquiétude concernant le manque d’indépendance de l’appareil judiciaire et le caractère sélectif de la justice.

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a déclaré, le 12 janvier, que les tribunaux géorgiens, pour des faits comparables, avaient tendance à approuver les mesures de détention prises à l’encontre de membres du MNU ou à condamner ces derniers à des peines de privation de liberté, tandis qu’ils libéraient sous caution ou condamnaient à une simple amende les militants favorables au gouvernement.

Le 16 mai, cinq anciens hauts responsables du ministère de la Défense (qui avaient été nommés par l’ex-ministre de la Défense Irakli Alasania, devenu depuis l’un des ténors de l’opposition) ont été condamnés par le tribunal municipal de Tbilissi à sept années d’emprisonnement chacun pour l’« utilisation abusive » de 4,1 millions de laris (2,1 millions de dollars des États-Unis). Ils ont été déclarés coupables bien que l’accusation n’ait pas pu fournir de preuves convaincantes qu’il y avait eu « intention malveillante », élément pourtant indispensable pour caractériser l’infraction dont ils étaient accusés.

Le 10 juin, la cour d’appel de Tbilissi a confirmé le jugement prononcé en première instance en 2015 concernant Roustavi 2, restituant cette chaîne de télévision favorable à l’opposition à son ancien propriétaire. Ce dernier affirmait avoir vendu sa société plus de 10 ans auparavant sous la pression du gouvernement MNU de l’époque. La procédure judiciaire, qui est intervenue après l’expiration du délai de prescription, aurait été, de l’avis de nombreux observateurs, encouragée par l’actuel gouvernement, qui aurait ainsi cherché à priver le MNU de son principal relais médiatique à l’approche des élections législatives.

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, dans un arrêt en date du 14 juin concernant l’affaire Merabishvili c. Géorgie, que la prolongation répétée de la détention provisoire du requérant, accusé de corruption, n’était pas raisonnable et avait été une occasion de plus d’exercer des pressions dans le cadre de l’enquête, sans lien avec cette accusation de corruption, sur la mort de l’ancien Premier ministre Zurab Zhvania et les activités financières de l’ancien président de la République Mikheil Saakashvili.

Le 21 juillet, le président de la Cour constitutionnelle a déclaré que les autorités avaient exercé des pressions sur certains juges de la Cour pour qu’ils retardent l’énoncé de verdicts ou se prononcent en leur faveur dans plusieurs affaires de premier plan. Le parquet a ouvert une information sur ses allégations le 1er août.

Liberté de réunion

Le droit à la liberté de réunion pacifique restait généralement respecté, hormis lors d’un petit nombre d’incidents au cours desquels des partisans du Rêve géorgien s’en seraient violemment pris à des adversaires politiques (des sympathisants du MNU auraient parfois fait de même).

Le 22 mai, une douzaine d’hommes non identifiés ont agressé un groupe de membres connus du MNU dans un bureau de vote du village de Kortskheli. Selon des témoins, l’attaque semblait avoir été préparée. Des images prises lors de l’incident montrent les militants du MNU frappés à coups de poing, jetés à terre et roués de coups de bâtons. Plusieurs policiers présents sur les lieux n’ont rien fait pour s’interposer et ont laissé les agresseurs repartir sans être inquiétés. Le 1er juin, six hommes ont été inculpés de « houliganisme » en relation avec cette attaque. Ils ont tous été remis en liberté sous caution.

Liberté d’expression

Le 15 février, le Parlement a rejeté un projet de loi qui aurait fait de « l’insulte aux sentiments religieux » un délit administratif. Ce texte avait été approuvé par la Commission parlementaire des droits humains. Il visait notamment à sanctionner les critiques exprimées à l’encontre de responsables religieux.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Le 9 août, le président Guiorgui Margvelachvili a refusé d’organiser un référendum sur une modification de la Constitution proposant de restreindre la définition du mariage, « union volontaire fondée sur l’égalité entre les époux », pour la remplacer par la formulation suivante : « une union entre un homme et une femme ». Le projet initial de modification de la Constitution avait été approuvé en mai par la Commission parlementaire des droits humains.

Une femme transgenre, hospitalisée après avoir été agressée et frappée par deux hommes, est morte des suites de ses blessures le 23 novembre. Une ONG locale de défense des droits des femmes a indiqué avoir enregistré au moins 35 agressions contre des femmes LGBTI au cours de l’année. Le bureau du médiateur public a joint sa voix à celles de groupes locaux de défense des droits pour dénoncer l’absence de véritables enquêtes et d’obligation de rendre des comptes pour les crimes visant des personnes LGBTI.

Torture et autres mauvais traitements

Les actes de torture, les autres mauvais traitements, et, plus généralement, les violations des droits humains attribuées aux responsables de l’application des lois constituaient un sujet de préoccupation. Dans ce contexte, le gouvernement n’a pas pris les mesures législatives nécessaires pour mettre en place un mécanisme indépendant destiné à enquêter sur les violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité.

Demur Sturua, 22 ans, habitant Dapnari, un village de l’ouest de la Géorgie, a été convoqué le 7 août par un inspecteur de la police locale, qui souhaitait l’interroger sur une personne soupçonnée de faire pousser du cannabis dans la localité. Le jeune homme s’est suicidé le lendemain. Dans la lettre qu’il a laissée, il blâmait l’inspecteur de police, affirmant que celui-ci l’avait frappé et menacé. Selon l’avocat de la famille de Demur Sturua, l’autopsie aurait révélé des lésions sur le corps de la victime. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.

Des informations ont par la suite été publiées dans la presse, selon lesquelles des habitants de villages reculés, susceptibles d’avoir été traités de la même manière par la police, refusaient de porter plainte parce qu’ils craignaient d’éventuelles représailles et qu’ils n’avaient aucune confiance en les pouvoirs publics.

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