Rapport annuel 2017

Grèce

République hellénique
Chef de l’État : Prokopis Pavlopoulos
Chef du gouvernement : Alexis Tsipras

À la suite de la conclusion entre l’UE et la Turquie d’un accord sur les migrants, la Grèce s’est heurtée à des difficultés considérables pour offrir aux réfugiés, demandeurs d’asile et migrants des conditions d’accueil correctes et un accès satisfaisant à la procédure d’asile. Il a été établi qu’au moins huit réfugiés syriens avaient été renvoyés de force en Turquie. En raison de la fermeture de la route des Balkans, des milliers de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants se sont retrouvés bloqués en Grèce, vivant dans des conditions misérables. De nouveaux cas de torture et autres mauvais traitements infligés au moment de l’arrestation ou pendant la détention par des membres des forces de sécurité ont été signalés. En décembre, une nouvelle loi a mis en place un mécanisme permettant de porter plainte contre la police.

Contexte

Le Parlement a adopté de nouvelles mesures d’austérité incluant une hausse des impôts, une baisse des retraites et le transfert d’actifs publics vers un fonds de privatisation. En février, l’expert indépendant de l’ONU chargé d’examiner les effets de la dette extérieure a rendu ses conclusions. Il a indiqué que les mesures d’austérité adoptées depuis 2010 avaient fortement contribué à l’érosion généralisée des droits sociaux et économiques, et à l’aggravation de la pauvreté en Grèce.

Droits des réfugiés et des migrants

À la fin de l’année, 173 450 réfugiés, demandeurs d’asile et migrants étaient arrivés en Grèce par la mer. Au moins 434 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en tentant de traverser la mer Égée. On recensait environ 47 400 réfugiés, demandeurs d’asile et migrants en Grèce continentale et 15 384 sur les îles grecques.

Accord UE-Turquie sur les migrants

Le 18 mars 2016, l’UE et la Turquie ont conclu un accord de large portée sur le contrôle des migrants aux termes duquel la Turquie a accepté de reprendre tous les « migrants en situation irrégulière » arrivant sur les îles grecques après le 20 mars, en échange d’une aide ciblée de 6 milliards d’euros. Tout en prévoyant formellement l’accès à une procédure d’examen des demandes d’asile, cet accord permettait le renvoi en Turquie des personnes arrivant sur les îles grecques via ce pays sans que leur demande ne soit étudiée sur le fond. Cette mesure était basée sur l’idée que la Turquie était « un pays tiers sûr ». Or des recherches menées durant l’année 2016 ont montré que la Turquie n’était pas un pays sûr pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Le nombre d’arrivées a chuté après le 20 mars et à la fin de l’année, une cinquantaine de migrants en moyenne arrivaient chaque jour dans le pays.

En mai et juin, un grand nombre de demandes d’asile soumises par des réfugiés venant de Syrie qui avaient été rejetées pour des raisons de passage par un « pays tiers sûr », ont été validées en appel. Le Parlement a adopté en juin une disposition modifiant la composition des commissions d’appel en matière d’asile afin d’y inclure deux juges et une personne nommée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou par la Commission nationale des droits humains.

Au cours du même mois, deux Syriens qui étaient arrivés en Grèce en passant par la Turquie ont été les premières personnes exposées au risque d’un renvoi imminent en Turquie, leur recours ayant été rejeté par une commission d’appel pour des raisons de « pays tiers sûr ». En octobre, un troisième réfugié syrien a été exposé à ce même risque, à la suite du rejet de son recours par une commission d’appel pour les mêmes motifs, et de son placement en détention subséquent. En novembre, le Conseil d’État a examiné une requête contestant le rejet pour des raisons de pays tiers sûr d’un recours en matière d’asile, ainsi que la constitutionnalité de la composition des commissions d’appel. Il n’avait pas rendu sa décision à la fin de l’année.

Il est apparu qu’au moins huit réfugiés syriens avaient été renvoyés de force en Turquie. Ils avaient fait enregistrer leur intention de demander l’asile, mais ont été renvoyés depuis Kos le 20 octobre avant d’avoir pu déposer leur demande.

Les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants bloqués sur les îles grecques vivaient dans des camps d’accueil surpeuplés et insalubres. Ils n’y étaient pas en sécurité et leur avenir était totalement incertain. Les tensions provoquées par cette situation ont occasionnellement mené à des explosions de violence. Des émeutes ont notamment eu lieu dans les « hotspots » (centres d’enregistrement) de Lesbos, Chios et Leros.

Détention de demandeurs d’asile et de migrants

En avril, plusieurs milliers de personnes arrivées sur les îles grecques après l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie sur les migrants ont été soumises à une détention arbitraire. Les personnes les plus fragiles ont été rapidement remises en liberté et la grande majorité des demandeurs d’asile ont peu à peu été autorisés à entrer et sortir librement des « hotspots ». Cependant, un grand nombre de personnes ne pouvaient pas quitter l’île où elles avaient débarqué tant que leur demande d’asile n’avait pas été examinée.

Fermeture de la route des Balkans

En mars, en raison de la fermeture de la frontière entre la Grèce et la Macédoine, plusieurs milliers de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants se sont retrouvés bloqués en Grèce continentale (voir Macédoine). Des milliers de personnes se trouvaient dans les immenses camps improvisés d’Idomeni et du Pirée, où les conditions de vie étaient très difficiles. D’autres avaient trouvé refuge dans des camps de réfugiés officiels installés à travers le pays. Entre les mois de mai et de juillet, les autorités grecques ont évacué les camps de Polykastro, d’Idomeni et du Pirée.

Dans la majorité des camps de réfugiés officiels, les conditions étaient inadaptées pour l’accueil de personnes, ne serait-ce que pour quelques jours. Ces camps, qui accueillaient près de 20 000 personnes à la fin de l’année, étaient soit des camps de tentes soit établis dans des entrepôts abandonnés. Ils se trouvaient dans certains cas dans des secteurs isolés, loin des hôpitaux et d’autres services. À la fin de l’année, 23 047 personnes ayant déposé une demande de relocalisation (en particulier des personnes spécialement vulnérables et des enfants non accompagnés) avaient obtenu un logement dans le cadre d’un programme du HCR.

À la fin de l’année, seuls 7 286 demandeurs d’asile avaient été transférés depuis la Grèce dans d’autres pays européens dans le cadre de la relocalisation, alors que le nombre total de places promises était de 66 400.

Accès à la procédure d’asile

Les personnes voulant accéder à la procédure d’asile se heurtaient à d’importants obstacles, notamment parce qu’elles ne pouvaient pas soumettre leur demande d’asile au moyen de Skype ou n’y parvenaient qu’après de nombreuses tentatives. En juin, le service grec des demandes d’asile a mis en place un vaste programme de préenregistrement des demandes de protection internationale en Grèce continentale. En juillet, les autorités ont annoncé avoir procédé au préenregistrement de 27 592 personnes, parmi lesquelles 3 481 appartenaient à des groupes vulnérables.

Droit à l’éducation

En août, le Parlement a adopté des dispositions législatives portant création de classes spéciales pour les enfants en âge d’être scolarisés. En octobre, quelque 580 enfants réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants en âge d’être scolarisés ont intégré des classes à Athènes, la capitale, et à Thessalonique. Des cas de xénophobie ont été signalés. Ainsi, à Oreokastro et à Lesbos, des parents d’élèves ont refusé que des migrants et des réfugiés mineurs soient intégrés dans le système scolaire.

Objecteurs de conscience

En septembre, la Grèce a été jugée coupable d’avoir violé l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (dans l’affaire Papavasilakis c. Grèce) parce qu’elle n’avait pas veillé à ce que les entretiens auxquels étaient soumis les objecteurs de conscience devant une commission spéciale se déroulent dans des conditions respectueuses de l’efficacité procédurale et de la parité. Cette commission spéciale examine les demandes de service civil de remplacement.

En septembre également, le gouvernement grec a rejeté les recommandations que lui avait adressées le Conseil des droits de l’homme [ONU] afin qu’il instaure un service civil de remplacement qui n’ait aucun caractère punitif ou discriminatoire, et qu’il veille à ce que les objecteurs de conscience ne soient ni harcelés ni poursuivis en justice.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, des cas de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés, infligés notamment à des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants au moment de leur arrestation ou durant leur détention.

Le 27 septembre, cinq adolescents syriens âgés de 12 à 16 ans ont été interpellés par la police dans le centre d’Athènes parce qu’ils transportaient des armes factices utilisées comme accessoires dans une pièce de théâtre dans laquelle ils allaient jouer. Les garçons ont dit qu’ils avaient été frappés et forcés à se déshabiller durant leur détention au poste de police du quartier d’Omonoia. Une enquête pénale et une enquête disciplinaire ont été ordonnées dans cette affaire.

L’ONG grecque Greek Helsinki Monitor (GHM) a signalé que trois hommes roms avaient été frappés par des policiers pendant leur arrestation et leur détention, en octobre, dans un poste de police situé dans l’ouest d’Athènes. L’un de ces hommes, qui a fait un accident cardiaque et subi de graves blessures, a été hospitalisé. Les victimes et GHM ont réclamé une expertise médicolégale, mais ont essuyé un refus. GHM a déposé auprès du procureur d’Athènes chargé des crimes de haine une plainte pour torture et manquements des policiers à leurs obligations.

En octobre également, un tribunal de Thessalonique a jugé 12 gardiens de prison coupables d’avoir infligé des actes de torture et de graves blessures à Ilia Karelli, un Albanais retrouvé mort dans sa cellule en mars 2014 dans la prison de Nigrita. Ils ont été condamnés à des peines de cinq à sept ans d’emprisonnement.

Le Parlement a adopté en décembre une loi instituant le médiateur grec en tant que mécanisme national chargé de recevoir les plaintes visant la police. Ce mécanisme était habilité à mener ses propres enquêtes, mais ses recommandations adressées aux organes disciplinaires des forces de l’ordre n’étaient pas contraignantes.

Conditions carcérales

Les conditions de détention demeuraient particulièrement préoccupantes. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la Grèce avait enfreint la Convention européenne des droits de l’homme pour mauvaises conditions de détention et/ou absence de recours effectif contre ces mauvaises conditions dans neuf affaires, qui concernaient des personnes détenues à Larissa, Salonique, Trikala et Komotini.

Discrimination – les Roms

En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est dit préoccupé par la situation des Roms en Grèce, notamment par les obstacles auxquels ils se heurtaient concernant l’accès à des services de base tels que l’éducation et le logement, et par le fait qu’ils étaient fréquemment soumis à des contrôles d’identité et harcelés par la police.

Racisme

Des agressions motivées par la haine visant des personnes appartenant à des groupes vulnérables, notamment des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, ont continué d’être signalées.

En juillet, des membres d’un groupe d’extrême droite ont incendié un squat abritant des réfugiés à Athènes. Les coupables n’avaient pas été identifiés à la fin de l’année.

En novembre, des activistes d’extrême droite présumés ont attaqué des réfugiés dans le camp de Souda, sur l’île de Chios, en blessant au moins deux. Deux militants qui tentaient d’aider les réfugiés ont eux aussi été agressés. Ils ont dû être hospitalisés. Une enquête pénale a été ouverte.

Fin novembre, un tribunal du Pirée a confirmé en appel la déclaration de culpabilité rendue en première instance contre quatre hommes accusés d’avoir, en 2012, enlevé, dévalisé et gravement blessé un travailleur migrant égyptien, Walid Taleb.

Le procès des dirigeants et des membres du parti d’extrême droite Aube dorée accusés d’avoir assassiné Pavlos Fyssas en 2013 et créé une organisation criminelle se poursuivait à la fin de l’année.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Le ministère de la Justice a créé en mai une commission préparatoire chargée de rédiger le projet de loi portant reconnaissance juridique de l’identité de genre des personnes transgenres et prévoyant une procédure administrative n’obligeant pas la personne à subir une opération chirurgicale de changement de sexe. En juin, le tribunal de première instance d’Athènes a autorisé un homme transgenre à modifier son genre sur ses papiers d’identité sans qu’il ait à subir une telle intervention chirurgicale.

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