Rapport annuel 2017

Roumanie

République de Roumanie
Chef de l’État : Klaus Iohannis
Chef du gouvernement : Dacian Julien Cioloș

Les Roms ont cette année encore été victimes de discrimination systématique, d’expulsions forcées et d’autres violations de leurs droits fondamentaux. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est entrée en vigueur au mois de septembre. La Cour européenne des droits de l’homme a tenu une audience publique sur une affaire mettant en cause la Roumanie pour complicité présumée dans le cadre des programmes de « restitution » et de détention secrète mis en place par les États-Unis. Aucune décision n’avait cependant été prise à la fin de l’année dans cette affaire, pourtant ouverte quatre ans auparavant.

À la suite des élections législatives de décembre, Sorin Mihai Grindeanu a été nommé Premier Ministre par le président et devait prendre ses fonctions le 4 janvier 2017.

Discrimination – les Roms

Dans son rapport d’avril, le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme [ONU] a demandé aux autorités de reconnaître les graves discriminations dont sont victimes les Roms, de mettre en œuvre la Stratégie 2015-2020 relative à l’intégration des Roms et de prendre des mesures ciblées en matière d’enseignement, de santé et d’emploi, en mettant notamment en place des garanties juridiques contre les expulsions forcées et en améliorant l’accès aux logements sociaux. En juin, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a exprimé des préoccupations similaires.

Droits en matière de logement – expulsions forcées

La Cour européenne des droits de l’homme a annoncé en mars des mesures provisoires engageant les autorités roumaines à suspendre l’expulsion de 10 familles roms dans la ville d’Eforie. Ces familles étaient menacées d’expulsion pour la troisième fois. Elles faisaient partie des 101 personnes, parmi lesquelles 55 enfants, dont les foyers avaient été détruits en 2013. En juin, le tribunal départemental de Constanţa a jugé ces démolitions illégales et déclaré que la municipalité devait fournir aux familles des logements satisfaisants. La situation de ces familles en matière d’hébergement restait cependant précaire à la fin de l’année.

Les 300 Roms expulsés de force du centre de Cluj-Napoca en 2010 et relégués dans le secteur de Pata Rat – qui abritait deux décharges, dont une pour produits chimiques, et où étaient déjà implantés deux campements roms – poursuivaient leur combat pour obtenir justice devant les tribunaux roumains, avec l’assistance d’une ONG, le Centre européen des droits des Roms (CEDR). Selon les habitants de la zone et plusieurs ONG, certains habitants souffraient de troubles respiratoires en raison des fumées toxiques dégagées par plusieurs feux allumés sur de nouvelles décharges. Le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme s’est rendu dans le secteur de Pata Rat et a condamné les « conditions primitives » dans lesquelles vivaient les habitants, qui étaient notamment privés d’électricité et contraints de vivre entassés dans des pièces humides.

Droit à l’éducation

Deux ONG, le CEDR et le Centre rom pour l’intervention et les études sociales (CRISS), ont demandé en mai à la Commission européenne d’ouvrir une enquête sur les atteintes à la législation européenne contre la discrimination qu’aurait commises la Roumanie en persistant dans sa politique de ségrégation des enfants roms dans les établissements scolaires. Au terme d’une étude menée en partenariat avec le Centre de ressources pour la participation publique (CERE) sur 112 municipalités du nord-est de la Roumanie, le Centre pour le plaidoyer et les droits humains a pu constater que 82 des 394 établissements scolaires de la région pratiquaient une forme ou une autre de ségrégation à l’égard des enfants roms. En novembre et en décembre, le ministère de l’Éducation a mené une consultation publique sur un projet de cadre interdisant la ségrégation à l’école. Ce cadre élargissait les critères d’inclusion scolaire, établissait de nouvelles obligations et sanctions pour les autorités et définissait le rôle de la Commission nationale de déségrégation et d’inclusion.

Police et forces de sécurité

En janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Roumanie avait violé les droits fondamentaux de quatre membres de la famille Boaca (Ion, le père, et ses trois enfants). Elle a conclu que ces derniers avaient subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements et avaient été victimes de discrimination. Ces quatre personnes avaient fait l’objet de violences en mars 2006 au poste de police de Clejani, une ville du département de Giurgiu. Frappé à coups de poing et à coups de pied dans les côtes par des policiers, Ion Boaca avait dû rester hospitalisé pendant 19 jours.

En juin, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a décidé de mettre un terme au suivi de l’exécution d’un ensemble d’arrêts majeurs de la Cour européenne des droits de l’homme (appelé groupe Barbu Anghelescu) concernant des violences policières à caractère potentiellement raciste commises contre des Roms sans qu’aucune enquête sérieuse n’ait été menée. Le CEDR, le CRISS et le Comité Helsinki de Roumanie ont déploré cette décision, expliquant que le gouvernement roumain n’avait pas pris les mesures nécessaires pour appliquer les arrêts en question ni pour s’attaquer au racisme institutionnel généralisé, entre autres problèmes.

Discrimination – les personnes handicapées

La Roumanie a ratifié en 2011 la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle a bien créé un mécanisme de suivi, comme l’exige ce traité, mais celui-ci n’était toujours pas opérationnel à la fin de l’année 2016.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Le Code civil interdisait le mariage et l’union civile entre personnes du même sexe. Les unions de ce type contractées à l’étranger n’étaient pas reconnues. Un recours concernant un couple de personnes du même sexe demandant la reconnaissance de leur mariage célébré en Belgique était toujours en cours d’examen par la Cour constitutionnelle. En novembre, celle-ci a adressé à la Cour de justice de l’Union européenne une demande de décision préjudicielle sur l’interprétation harmonisée du droit européen relatif à la liberté de mouvement et de résidence des couples de même sexe.

La Coalition pour la famille, qui regroupe une trentaine d’associations et de fondations, a mené campagne jusqu’au mois de mai en faveur d’une proposition de loi suggérant de restreindre la définition du terme « famille » figurant dans la Constitution. Si cette proposition était adoptée, la « famille », actuellement définie comme fondée sur le « mariage entre deux conjoints », deviendrait fondée sur le « mariage entre un homme et une femme ». En juillet, la Cour constitutionnelle a accepté que ce projet de loi soit soumis au Parlement afin qu’il décide s’il convenait d’organiser ou non un référendum national sur la question. Aucune décision n’avait encore été prise à la fin de l’année.

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en avril que les autorités avaient manqué à leur obligation d’enquêter sérieusement sur l’agression dont avaient été victimes en 2006 des participants à la marche des fiertés de Bucarest, ainsi que sur les motivations potentiellement discriminatoires de cette agression.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

La Cour européenne des droits de l’homme a tenu en juin une audience publique sur l’affaire mettant en cause la Roumanie pour complicité présumée dans le cadre des programmes de « restitution » et de détention secrète mis en place par les États-Unis et gérés dans le monde entier par la CIA au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Abd al Rahim al Nashiri, un ressortissant saoudien actuellement incarcéré au centre de détention américain de Guántanamo, à Cuba, avait introduit une requête contre la Roumanie en 2012, affirmant avoir été victime, entre 2004 et 2006, d’une disparition forcée et d’actes de torture dans un centre de détention secret dont disposait la CIA à Bucarest. Il accusait également la Roumanie de ne pas avoir mené d’enquête sérieuse sur son placement en détention secrète. Quelques mois plus tôt, en février, le secrétaire général du Conseil de l’Europe avait mis un terme de façon sommaire à l’enquête ouverte au titre de l’article 52 sur l’implication de certains États européens dans les opérations de la CIA. Cette décision constituait un coup sévère pour le principe de l’obligation de rendre des comptes. Le gouvernement roumain a rejeté les accusations portées contre lui et affirmé qu’une enquête était en cours. La Cour européenne n’avait pas encore rendu sa décision à la fin de l’année.

Violences faites aux femmes et aux filles

Selon les données de l’Inspection générale de la police, 8 926 cas de violences familiales ont été enregistrés au cours des six premiers mois de l’année 2016 ; 79 % des victimes étaient des femmes et 92,3 % des agresseurs étaient des hommes. Plusieurs ONG roumaines estimaient que ce chiffre ne représentait qu’une petite partie de la réalité. En juillet, plusieurs ONG ont demandé au gouvernement d’accélérer l’adoption de mesures destinées à lutter contre les violences faites aux femmes et la violence domestique. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est entrée en vigueur au mois de septembre.

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