Rapport annuel 2017

Maroc et Sahara occidental

Royaume du Maroc
Chef de l’État : Mohammed VI
Chef du gouvernement : Abdelilah Benkirane

Des restrictions continuaient de peser sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les autorités ont poursuivi des journalistes et dispersé par la force des manifestations. Les femmes faisaient l’objet de discriminations dans la législation et dans la pratique. La loi sanctionnait toujours pénalement les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

En mars, les Nations unies ont été contraintes par les autorités marocaines de fermer un bureau de liaison militaire de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) et de retirer des membres de leur personnel civil, après que Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, a fait référence à l’« occupation » du Sahara occidental par le Maroc. En avril, le Conseil de sécurité des Nations unies a une fois de plus renouvelé pour un an le mandat de la MINURSO sans y ajouter de volet concernant la surveillance de la situation en matière de droits humains. La MINURSO n’avait pas retrouvé sa capacité antérieure à la fin de l’année.

Le Maroc a présenté, en septembre, une demande d’adhésion à l’Union africaine (UA).

Des manifestations liées à des revendications socioéconomiques ont eu lieu en octobre dans différentes régions. Des habitants ont affronté la police lorsque les autorités ont commencé à démolir des quartiers informels dans la ville de Sidi Bibi, proche d’Agadir. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans les grandes villes, notamment à Rabat, la capitale, et à Marrakech, après que Mouhcine Fikri, un vendeur de poisson, a trouvé la mort en tentant de récupérer sa marchandise confisquée par des agents de l’État à Al Hoceima, dans la région du Rif. Des manifestations de grande ampleur ont également eu lieu dans cette ville. Les protestations ont baissé d’intensité au bout de quatre jours, quand les autorités ont inculpé 11 personnes liées à la mort de Mouhcine Fikri.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a examiné, en octobre, la situation des droits humains au Maroc et au Sahara occidental.

Système judiciaire

Les autorités ont poursuivi le processus de réforme du système judiciaire. En février, le Parlement a adopté des lois relatives au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et au statut des magistrats, qui n’ont toutefois pas instauré l’indépendance du pouvoir judiciaire. En juin, le Conseil de gouvernement a approuvé un avant-projet de loi visant à modifier et à compléter le Code pénal. Ce texte contenait des dispositions progressistes mais ne remédiait pas aux lacunes importantes du code actuel concernant, entre autres, la peine de mort et les restrictions injustifiées de la liberté d’expression et de religion. Ce projet de loi n’avait pas encore été adopté à la fin de l’année. Un avant-projet de loi portant modification du Code de procédure pénale était toujours en cours d’examen.

Liberté d’expression

Cette année encore, les autorités ont poursuivi des journalistes et des détracteurs du gouvernement qui n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression. Parmi eux figurait Ali Anouzla, un éminent journaliste indépendant, inculpé en janvier d’apologie du terrorisme, de soutien et d’incitation au terrorisme en relation avec un article publié en 2013 sur le site d’information Lakome.com. S’il est déclaré coupable, il risque jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Sept journalistes et militants ont été poursuivis pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et « manquement au devoir de signaler des financements étrangers » pour avoir pris part à un projet financé par des fonds étrangers qui visait à former des membres du public au journalisme citoyen. Ils encourent des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

En février, le Conseil supérieur de la magistrature a révoqué le juge Mohamed el Haini, qui avait été accusé par le ministère de la Justice et des Libertés d’avoir enfreint son devoir de réserve et exprimé des opinions politiques en critiquant sur des réseaux sociaux, entre autres, les projets de loi sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le statut des juges.

Un nouveau Code de la presse adopté en août a supprimé les peines d’emprisonnement pour exercice de la liberté de presse, un mois après la modification du Code pénal qui érigeait en infraction certaines formes d’expression pacifique.

Liberté d’association et de réunion

Cette année encore, les autorités ont bloqué l’enregistrement officiel de plusieurs organisations de défense des droits humains, notamment des branches locales de l’Association marocaine des droits humains, de Freedom Now et de la Coordination maghrébine des organisations des droits humains.

Elles ont également empêché des groupes de défense des droits humains, entre autres associations, d’organiser des manifestations publiques et des réunions. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants étrangers ont été expulsés ou se sont vu refuser l’entrée sur le territoire. En juin, l’Institut International pour l’action non violente (NOVACT), une organisation non gouvernementale espagnole, a fermé son bureau au Maroc après que deux de ses membres se sont vu refuser l’entrée dans le pays. Amnesty International a poursuivi le dialogue avec les autorités en vue d’obtenir la levée des dernières restrictions qui entravaient ses propres activités de recherche au Maroc et au Sahara occidental.

La liberté de réunion pacifique restait soumise à des restrictions. En janvier, la police a dispersé par la force des manifestations pacifiques d’enseignants stagiaires à Inezgane et dans d’autres villes. Selon des témoins, les protestataires ont été frappés à coups de matraque et de bouclier ; plus de 150 personnes ont été blessées.

En août, huit militants ont été condamnés, à l’issue d’un procès inique, à des peines allant de quatre mois à un an d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation pacifique à Sidi Ifni, dans le sud du pays. Leurs déclarations de culpabilité ont été confirmées en appel ; une peine de quatre mois d’emprisonnement a été réduite à trois mois.

Répression de la dissidence – militants sahraouis

Les autorités ont continué de réprimer la dissidence pacifique au Sahara occidental. Elles ont dispersé des manifestations non violentes, engagé des poursuites pénales contre des militants sahraouis qui prônaient l’autodétermination du Sahara occidental ou dénonçaient des atteintes aux droits humains, et soumis ces militants à des restrictions. Des défenseurs des droits humains ont été interrogés à leur retour de l’étranger. Des organisations de défense des droits des Sahraouis, comme le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme (CODESA), se voyaient toujours refuser l’enregistrement officiel.

En juillet, la Cour de cassation a conclu que 23 manifestants et militants sahraouis emprisonnés à la suite d’affrontements meurtriers à Gdeim Izik en 2010 devaient être rejugés par un tribunal civil. La plupart avaient été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement en 2013, à l’issue d’un procès inéquitable devant un tribunal militaire, sur la base d’« aveux » qui auraient été obtenus sous la torture. Le nouveau procès civil a ouvert fin décembre mais a été renvoyé à janvier 2017. Vingt et un des 23 Sahraouis se trouvaient toujours derrière les barreaux à la fin de l’année.

Cette année encore, les autorités ont expulsé du Sahara occidental des journalistes et des militants étrangers, ainsi que des défenseurs des droits humains, ou les ont empêchés de s’y rendre. Une délégation composée d’un juriste belge, d’un juge espagnol et d’avocats français et espagnols qui s’étaient rendus à Rabat pour intervenir en faveur des prisonniers de Gdeim Izik a été expulsée en avril.

Torture et autres mauvais traitements

En avril, les forces de sécurité ont arrêté Brahim Saika, militant de la Coordination des chômeurs sahraouis à Guelmim, alors qu’il quittait son domicile pour participer à une manifestation pacifique en vue de réclamer des emplois. Inculpé d’insultes et de voies de fait contre des agents de l’État, ainsi que d’outrage à une institution publique, il a entamé une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements qui lui auraient été infligés par la police. Il est mort peu après à l’hôpital, alors qu’il était en détention. Selon des informations relayées par les médias, une autopsie officielle a conclu qu’il avait succombé à un virus. Aucune enquête indépendante n’a toutefois été diligentée sur les circonstances de sa mort, alors que ses proches l’avaient demandé, et il a été enterré contre la volonté de sa famille.

Ali Aarrass, qui possède la double nationalité belge et marocaine, se trouvait toujours en détention plus de trois ans après que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire eut conclu que cet homme avait été déclaré coupable à l’issue d’un procès inique s’appuyant sur des « aveux » obtenus sous la torture. En juin, Ali Aarrass a affirmé dans une lettre ouverte avoir subi des mauvais traitements, ainsi que d’autres détenus. Il a été transféré à la prison locale de Tiflet II en octobre et placé à l’isolement, où il se trouvait toujours à la fin de l’année. La Cour de cassation n’avait toujours pas statué sur son cas, plus de quatre ans après avoir examiné son pourvoi.

Des prisonniers ont protesté contre la dureté des conditions de détention, notamment le manque d’hygiène et d’accès aux soins médicaux, la nourriture insuffisante et la surpopulation importante. Plus de deux ans après son adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU], le Maroc n’avait toujours pas mis en place le Mécanisme national de prévention prévu par cet instrument.

Impunité

Les autorités n’ont rien fait pour mettre en œuvre les principales recommandations émises par l’Instance équité et réconciliation, 10 ans après la publication par cet organe de son rapport sur les atteintes aux droits humains commises entre 1956 et 1999.

Droits des femmes

En juillet, la chambre basse du Parlement a adopté un projet de loi contre les violences faites aux femmes, qui était attendu de longue date. Ce texte était cependant toujours en cours d’examen devant la chambre haute à la fin de l’année. Il contenait des éléments positifs, notamment des mesures en vue de protéger les victimes de violence pendant la procédure judiciaire et par la suite, mais, sans renforcement notable, il n’assurerait pas aux femmes une véritable protection contre la violence et la discrimination.

Par ailleurs, l’avortement était toujours érigé en infraction pénale. Les autorités ont proposé des modifications prévoyant des exceptions en cas d’inceste ou de viol et pour certaines raisons médicales. Ces modifications prévoient toutefois l’obligation d’informer un tiers et d’obtenir son accord, ce qui risque de retarder l’accès à un avortement légal et de mettre en danger la santé des femmes enceintes. Ces modifications n’avaient pas été adoptées à la fin de l’année.

En juillet, le Parlement a adopté une loi réglementant le travail des employés de maison, des femmes et des filles pour la plupart. Ce texte fixait à 18 ans l’âge minimum des employés de maison, tout en prévoyant une période de transition de cinq ans durant laquelle des mineurs de 16 et 17 ans pourraient continuer à effectuer ce type de travail.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Cette année encore, des personnes LGBTI ont été poursuivies et incarcérées aux termes de l’article 489 du Code pénal, qui érige en infraction les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. En mars, deux hommes victimes d’une agression homophobe menée par des jeunes gens dans la ville de Béni Mellal ont fait l’objet de poursuites. La vidéo de cette agression, qui a circulé sur Internet, a suscité la réprobation générale. L’une des victimes a été condamnée à quatre mois d’emprisonnement au titre de l’article 489, assortis d’un sursis en appel, et à une amende ; l’autre a été condamnée à trois mois d’emprisonnement avec sursis. Selon des informations parues dans la presse, deux des agresseurs ont été condamnés en appel à des peines respectives de quatre et six mois d’emprisonnement.

Droits des réfugiés et des migrants

Les autorités continuaient d’empêcher des personnes originaires d’Afrique subsaharienne de pénétrer de façon irrégulière dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc. Certains migrants ont fait état d’un recours excessif à la force de la part des autorités marocaines et espagnoles. Selon des groupes de défense des droits humains, des campements improvisés autour de la ville de Nador, dans le nord-est du pays, ont été détruits et des dizaines de personnes ont été transférées dans des villes du sud du Maroc.

Les législateurs ont adopté en juillet une disposition législative approuvant la ratification par le Maroc de la Convention 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants. En août, le gouvernement a promulgué une nouvelle loi pour lutter contre la traite des êtres humains. En décembre, le roi Mohammed VI a annoncé une nouvelle vague de régularisation de migrants sans papiers.

Les autorités n’avaient toujours pas mis en place de système national d’asile, mais elles permettaient aux réfugiés d’avoir accès aux droits fondamentaux et à des services de base, dont l’éducation. Les Syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ont reçu des documents les protégeant de l’expulsion, sans qu’une décision soit prise sur leur statut définitif.

Camps du Front Polisario

Cette année encore, le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps qu’il contrôlait. Brahim Ghali a été élu secrétaire général du Front Polisario après la mort de Mohamed Abdelaziz en mai.

Peine de mort

Les tribunaux ont continué de prononcer des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu depuis 1993. En juillet, les autorités ont commué les sentences capitales de 23 prisonniers en réclusion à perpétuité.

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