Il subsistait de profondes inégalités qui portaient atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment pour ce qui était de l’accès aux services de santé en matière de sexualité et de procréation. Des défaillances du système judiciaire entravaient l’accès à la justice des victimes de crimes motivés par la haine et de violences liées au genre. Des enquêtes sur le recours excessif à la force par la police pendant des manifestations étaient en cours.
Contexte
De nombreuses manifestations ont été organisées pour dénoncer la corruption. Les tensions politiques se sont intensifiées en mars, après que le président Jacob Zuma a procédé à un remaniement ministériel de grande ampleur, qui a conduit notamment au départ du ministre des Finances, Pravin Gordhan.
Malgré une augmentation des dépenses publiques relatives à la santé, à l’éducation et aux services essentiels, les statistiques nationales montraient que le pays ne parvenait pas à faire reculer la pauvreté et les inégalités.
Recours excessif à la force
La Direction indépendante d’enquête sur la police (IPID) a indiqué une hausse des abus de pouvoir imputables à des policiers. Elle a ainsi recensé 394 décès consécutifs à une action policière et 302 morts en garde à vue sur la période 2016-2017, ces deux chiffres étant supérieurs à ceux de l’année précédente. Elle a également signalé 173 cas de torture, 112 viols – dont 35 commis par des agents dans l’exercice de leurs fonctions – et 3 827 agressions. À la fin de l’année, l’IPID a conclu son enquête sur l’homicide par balle du journaliste Godknows Nare, perpétré en avril à Johannesburg, et a transmis le dossier au procureur général. Godknows Nare aurait été abattu par des policiers croyant qu’il avait volé une voiture. Il était pourtant sorti de son véhicule les mains en l’air.
Le 23 mai, des policiers ont tiré une balle en caoutchouc à faible distance sur Leonaldo Peterson (17 ans) alors que celui-ci se trouvait à son domicile, dans la province du Gauteng, pendant qu’une manifestation se déroulait dans le quartier. Sa blessure à la main a nécessité plusieurs opérations chirurgicales.
Le 27 mai, Samuel Mabunda, un migrant originaire du Mozambique, a succombé à ses blessures après avoir été roué de coups par des agents de l’entreprise de sécurité privée Red Ants Security Services, que la police avait engagée pour procéder à des expulsions dans le quartier d’Ivory Park, à Johannesburg. Une enquête de police était en cours à la fin de l’année.
Le 12 septembre, des policiers ont tiré des balles en caoutchouc à faible distance sur Ona Dubula (14 ans) dans un quartier informel de Hout Bay (province du Cap-Ouest) au cours d’une manifestation concernant les permis de pêche.
L’adolescent, qui a été touché au visage et aux côtes, a depuis lors des difficultés à parler. Une enquête de l’IPID était en cours à la fin de l’année.
Homicides illégaux
Selon le ministère de la Police, de nouveaux homicides de conseillers municipaux ont été commis au cours de l’année, ainsi que des meurtres et des tentatives de meurtre au foyer d’hébergement Glebelands, à Durban. Plusieurs arrestations ont eu lieu dans le cadre de ces affaires. Une commission d’enquête chargée de déterminer les causes profondes des homicides politiques perpétrés dans la province du Kwazulu-Natal a démarré ses auditions en mars et son mandat a été prolongé jusqu’en mars 2018.
Violences liées au genre
Les violences faites aux femmes et aux filles, y compris les homicides liés au genre, demeuraient très répandues. Plus de 39 000 viols ont été signalés à la police entre avril 2016 et mars 2017, ce chiffre étant probablement bien en deçà de la réalité. En septembre, le Conseil de la recherche médicale a indiqué que seules 8,6 % des affaires de viol traitées par la police en 2012 avaient abouti à une déclaration de culpabilité. Il a donné plusieurs explications à cela, notamment le manque de ressources, la formation insuffisante des policiers, ainsi que l’absence d’enquête et de recueil d’éléments scientifiques.
En mai, le ministère de la Justice a publié le rapport de la Commission de réforme du droit sud-africain sur la prostitution des adultes. La Commission a recommandé que la vente et l’achat de services sexuels continuent d’être érigés en infraction, prenant ainsi le contre-pied des témoignages et recommandations de travailleuses et travailleurs du sexe et de militants qui les soutiennent, de la Commission pour l’égalité des genres, ainsi que de spécialistes des droits humains et de la santé publique. En juin, Zwelethu Mthethwa a été condamné à 18 ans de réclusion pour le meurtre de Nokuphila Kumalo, une travailleuse du sexe tuée en 2013. Cette affaire a mis en évidence les difficultés d’accès à la justice rencontrées par les travailleuses et travailleurs du sexe.
Droits sexuels et reproductifs
Des inégalités criantes entravaient toujours l’accès des femmes aux services de santé en matière de sexualité et de procréation. Ainsi, moins de 7 % des 3 880 établissements de soins du pays pratiquaient des avortements. L’État n’a pris aucune mesure face au refus de certains professionnels de la santé de procéder à des interruptions de grossesse et d’indiquer où il était possible de bénéficier de ces services, ce qui était contraire aux normes internationales relatives aux droits humains. Le manque d’informations sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, y compris sur l’accès légal à l’avortement (modalités et lieux), et les inégalités qui empêchaient les femmes et les filles appartenant à des groupes marginalisés d’avoir recours à ces services ne faisaient que renforcer la difficulté d’avorter sans danger.
Droit à la santé
Selon les statistiques officielles, près d’un garçon sur trois et d’une fille sur quatre présentaient un retard de croissance.
En dépit des politiques de santé visant à limiter la propagation du VIH, l’incidence du VIH/SIDA demeurait particulièrement élevée chez les femmes et les filles. On estimait à 2 000 par semaine le nombre de nouvelles contaminations chez les femmes et les filles âgées de 15 à 24 ans.
En septembre, le ministre de la Santé s’est adressé au Parlement. À cette occasion, il a expliqué que la politisation des autorités de santé provinciales et une mauvaise gestion avaient entraîné « une pénurie de personnel médical, de médicaments, de matériel et d’autres éléments indispensables » dans les établissements de soins publics. La présidente de la Commission parlementaire sur les services publics et l’administration aurait reçu des menaces de mort en mars, après avoir enquêté sur le mauvais fonctionnement des établissements de santé de la province du Mpumalanga. En juin, la Commission des droits humains sud-africaine a estimé que les autorités de santé de la province du Kwazulu-Natal avaient bafoué les droits à la vie, à la santé et à la dignité de personnes atteintes d’un cancer, faute d’oncologues et d’équipements en état de marche pour pratiquer des examens et traiter les patients.
En octobre, une procédure d’arbitrage a débuté au sujet du décès de plus de 118 patients qui souffraient de pathologies mentales. Ceux-ci sont morts après que les autorités de santé de la province du Gauteng ont décidé, pour des raisons budgétaires, de retirer plus de 1 300 patients des centres de soins gérés par Life Esidimeni et de les placer dans des établissements dirigés par des ONG. La Commission des droits humains a souligné qu’« [aucune] des 27 ONG auxquelles les patients avaient été confiés n’avait l’agrément requis, les ressources nécessaires ni la capacité de prendre en charge des personnes atteintes d’une maladie mentale ». En février, le médiateur des questions de santé a estimé que ce transfert avait bafoué les droits des patients et de leurs familles, notamment leurs droits à la vie et à la dignité.
Justice internationale
Le 6 juillet, la Chambre préliminaire de la CPI a estimé que l’Afrique du Sud aurait dû exécuter le mandat d’arrêt décerné contre le président soudanais Omar el Béchir lorsque celui-ci s’est rendu dans le pays, en juin 2015. En mars 2016, la Cour suprême d’appel sud-africaine avait jugé que le fait que le gouvernement s’en soit abstenu était illégal [1].
À l’issue de la procédure judiciaire nationale en Afrique du Sud, la Chambre préliminaire de la CPI a organisé une audience en avril 2017.
Début décembre, un avant-projet de loi visant à abroger la Loi relative à la transposition du Statut de Rome dans le droit interne a été présenté au Parlement. Le gouvernement manifestait ainsi son intention de mettre à exécution sa décision de quitter la CPI.
Liberté d’expression
Le 7 juillet, le Forum national des rédacteurs en chef sud-africains (SANEF) et 11 journalistes ont obtenu auprès de la chambre de la Cour suprême du sud de la province de Gauteng une injonction à l’encontre du parti politique Black First Land First (BLF) et de son dirigeant, Andile Mngxitama. Des journalistes qui enquêtaient sur des allégations de corruption mettant en cause le président Jacob Zuma et la famille Gupta, d’origine indienne, s’étaient plaints d’être menacés et harcelés. Le 17 juillet, Micah Reddy, journaliste au Centre amaBhungane pour le journalisme d’investigation, a déclaré avoir été harcelé par un groupe de sympathisants et de membres de BLF, après avoir participé à une table ronde avec Andile Mngxitama à la South African Broadcasting Corporation (diffuseur public de programmes télévisuels et radiophoniques en Afrique du Sud).
Le 27 juillet, le Centre amaBhungane a organisé à Johannesburg une manifestation publique sur l’affaire des courriels « GuptaLeaks », qui dénonçaient des actes de corruption que l’élite politique aurait commis. La réunion a été perturbée par des membres de BLF et une vingtaine de personnes appartenant, semblait-il, à la fondation MK Inkululeko, une association d’anciens combattants. Le 11 août, la chambre de la Cour suprême du sud de la province de Gauteng, saisie par les journalistes Sam Sole et Ferial Haffajee et le SANEF, a jugé que BLF et Andile Mngxitama n’avaient pas respecté la décision de justice du 7 juillet. En outre, elle a étendu l’injonction de sorte qu’elle protège tous les journalistes. Le 29 septembre, BLF et Andile Mngxitama ont formé un recours, auquel le SANEF et les journalistes se sont opposés.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées
Les personnes LGBTI étaient toujours victimes de harcèlement, de discrimination et de violences.
Le 4 avril, le corps de Matiisetso Alleta Smous, une lesbienne, a été découvert carbonisé à Kroonstad (province de l’État-Libre). Selon un témoin, elle a été violée et poignardée à la poitrine avant d’être brûlée vive. Trois suspects ont été arrêtés le 5 avril et libérés dans le courant du mois, faute de preuves. Une enquête était toujours en cours à la fin de l’année.
Le 15 mai, le corps de Lerato Moloi, une autre lesbienne, a été retrouvé dans un champ à Soweto (province du Gauteng). Il est ressorti de l’examen post-mortem qu’elle avait été violée et poignardée dans le cou. Deux suspects ont été arrêtés en mai.
L’Autorité nationale chargée des poursuites a renvoyé l’affaire devant la chambre de la Cour suprême à Johannesburg.
Le 11 août, la chambre de la Cour suprême à Potchefstroom a condamné David Shomolekae à la réclusion à perpétuité pour avoir tué par strangulation Lesley Makousa, un élève gay de 16 ans, en août 2016. David Shomolekae a été déclaré coupable de meurtre, vol et cambriolage.
Le projet de loi sur la lutte contre les crimes et discours de haine et leur prévention, qui avait été présenté en octobre 2016 et englobait les crimes motivés par l’homophobie, devait encore être approuvé par le gouvernement avant d’être débattu à l’Assemblée nationale.
Le 6 septembre, la chambre de la Cour suprême du Cap-Ouest a statué que le refus du ministère de l’Intérieur de permettre aux personnes transgenres ayant opéré leur transition après leur mariage de faire modifier les indications de genre sur leurs papiers d’identité bafouait les droits des couples concernés à l’égalité et à la dignité. Le ministère obligeait auparavant les couples transgenres à divorcer pour obtenir la modification de ces indications de genre.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Les atteintes aux droits des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, ainsi que la discrimination à leur encontre, se sont poursuivies.
Le 29 juin, la Cour constitutionnelle a déclaré que les articles 34(1)(b) et (d) de la Loi n° 13/2002 relative à l’immigration, notamment la disposition autorisant à placer un « étranger en situation irrégulière » en détention pendant une période pouvant aller jusqu’à 120 jours sans comparution devant une autorité judiciaire, étaient en contradiction avec les articles 12(1) et 35(2)(d) de la Constitution et, par conséquent, nuls. Cependant, cette décision a été suspendue pour deux ans de manière à ce que le Parlement ait le temps d’adopter une loi corrective.
En juillet, le ministère de l’Intérieur a publié un livre blanc sur les migrations internationales en vue d’actualiser la politique en la matière. Dans ce document, il proposait de créer des centres de détention aux frontières, où les demandeurs d’asile seraient placés en attendant le traitement de leur dossier, ce qui limiterait leur droit au travail et leur liberté de circulation. Il proposait aussi d’établir une autorité centralisée de contrôle aux frontières, qui engloberait la police et la douane. Le projet de loi y afférent, adopté par l’Assemblée nationale le 8 juin, était en cours d’examen par le Conseil national des provinces.
En juillet, la Commission des droits humains sud-africaine a vivement condamné les déclarations du ministre adjoint de la Police, qui avait affirmé que la plupart des étrangers vivant à Johannesburg étaient impliqués dans diverses infractions ; elle a qualifié ces propos d’« irresponsables » et de « xénophobes ».
Le 29 septembre, la Cour suprême d’appel a statué que la décision prise en 2012 par le ministère de l’Intérieur de fermer le bureau d’accueil des réfugiés du Cap était illégale et a ordonné que ce service rouvre ses portes en mars 2018 au plus tard.
Le 30 novembre, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi portant modification de la Loi n° 130/1998 relative aux réfugiés. Ce texte a restreint le droit des personnes persécutées dans leur pays de demander et d’obtenir l’asile. En décembre, le président Jacob Zuma a promulgué la Loi n° 11/2017 portant modification de la législation sur les réfugiés.