Rapport annuel 2018

Angola

République d’Angola
Chef de l’État et du gouvernement : João Manuel Gonçalves Lourenço (a remplacé José Eduardo dos Santos en septembre)

Des communautés ont été chassées de leurs terres par des projets agro-industriels de grande ampleur. Malgré l’abrogation de la loi restrictive sur les ONG, l’espace d’exercice des droits civils et politiques a continué de se réduire. Des manifestants pacifiques ont fait l’objet de violentes mesures de répression, et des détracteurs du gouvernement ont été traduits en justice pour diffamation. L’Assemblée nationale a tenté, sans succès, d’ériger en infraction l’avortement en toutes circonstances.

Contexte

À l’issue d’élections historiques tenues le 23 août, João Lourenço, membre du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), a accédé à la présidence. D’après la Commission électorale, le MPLA a obtenu 61 % des votes, contre 81 % en 2012. Des partis d’opposition – l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), la Convergence ample pour le salut de l’Angola-Coalition électorale (CASA-CE) et le Front national de libération de l’Angola (FNLA) – ont dénoncé l’illégitimité des résultats du scrutin, mais ont accepté de siéger à l’Assemblée nationale. La crise économique perdurait, accentuant le mécontentement de la population à l’égard du MPLA. En réponse à cette crise, le gouvernement a adopté un modèle de développement favorable aux grands projets agro-industriels et aux vastes acquisitions foncières, expropriant des habitants de zones rurales et compromettant leurs moyens de subsistance.
Le sectarisme politique tendait à se banaliser, notamment en raison de l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard des violences touchant Monte Belo, dans la province de Benguela. À la suite de la signature en 2002 d’un accord de paix entre le gouvernement et l’UNITA, la région a vu s’installer un conflit politique caractérisé par des clivages et des violences de plus en plus marqués entre les partisans du MPLA et ceux de l’UNITA. Comme les années précédentes, les habitants de Monte Belo ont été exposés à des persécutions, des brutalités, des menaces de mort, des intimidations et des pillages du fait de leur appartenance présumée à l’un ou l’autre des partis politiques. Malgré les protestations de la société civile, le gouvernement a laissé se développer un climat d’impunité et d’intolérance politique implacable.

Liberté d’expression

Pour réduire au silence ses détracteurs, en particulier les journalistes et les universitaires, le gouvernement angolais a eu recours à plusieurs lois, dont celles sur la diffamation, limitant la liberté d’expression et l’accès à l’information. Il a continué d’utiliser l’appareil judiciaire et d’autres institutions de l’État de manière abusive pour faire taire les voix critiques. En janvier, l’Assemblée nationale a adopté un ensemble de cinq propositions de loi concernant les médias et la communication (lois relatives à la presse, au statut du journaliste, à la diffusion radio, à la télévision et à l’autorité de régulation des communications sociales).
Ces textes contenaient des dispositions restreignant la liberté d’expression, en particulier la liberté de la presse. Ces dispositions instauraient notamment un contrôle répressif sur les communications sociales et créaient une autorité de régulation des communications dotée de prérogatives de surveillance, dont celle de déterminer si une communication donnée respecte les bonnes pratiques journalistiques. Elles constituaient une forme de censure préalable et un obstacle à la libre circulation des idées et des opinions.
Les membres de l’autorité de régulation ont pour la plupart été désignés par le MPLA, le parti disposant du plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale, ce qui a fait naître des préoccupations quant à l’indépendance et à l’impartialité de cet organe.
Le 20 juin, Rafael Marques de Morais, journaliste d’investigation et éditeur du site d’information Maka Angola, et Mariano Brás Lourenço, journaliste et rédacteur du journal O Crime, ont été inculpés de « diffamation à l’égard d’une autorité publique » et d’« outrage à un organe souverain » après la publication d’un article mettant en cause l’acquisition d’un terrain public par le procureur général.

Liberté de réunion

Les autorités ont souvent empêché la tenue de manifestations pacifiques alors qu’il n’existe aucune obligation de disposer d’une autorisation pour manifester en Angola.
Quand des manifestations ont pu se tenir, il n’était pas rare que la police procède à des arrestations et placements en détention arbitraires de manifestants pacifiques, ou leur fasse subir des mauvais traitements. Ces agissements n’ont toutefois jamais donné lieu à une enquête.
Le 24 février, la police a violemment réprimé deux rassemblements pacifiques du Mouvement révolutionnaire angolais qui se déroulaient simultanément à Luanda, la capitale du pays, et à Benguela. Les contestataires exigeaient la démission de Bornito de Sousa, le ministre de l’Administration territoriale, responsable de l’inscription des électeurs pour le scrutin du mois d’août et également candidat du MPLA à la vice-présidence. Ils estimaient que le cumul de ces deux fonctions constituait un conflit d’intérêts et une violation de la loi électorale. La police a menotté des manifestants et les a obligés à s’allonger sur le sol, avant de les frapper à coups de matraque.
Le 24 juin, les forces de sécurité ont brutalement dispersé une manifestation pacifique organisée par le Mouvement en faveur d’un protectorat des Lundas- Tchokwés, qui milite pour l’autonomie des régions de l’est et du sud-est de la province de Lunda-Nord. Elles ont tiré à balles réelles sur la foule, tuant un passant et blessant 13 manifestants. Soixante-dix personnes ont été arrêtées. Elles ont toutes été condamnées le 28 juin à 45 jours d’emprisonnement et à une amende de 22 000 kwanzas (135 dollars des États-Unis). Celles qui ont pu régler l’amende ont vu leur peine d’emprisonnement assortie d’un sursis et ont été immédiatement libérées, tandis que les autres ont dû purger l’intégralité de leur peine. Les manifestants réclamaient, entre autres, la fin de la persécution et de la détention arbitraire des membres de leur mouvement, et la libération des détenus politiques de la prison de Kakanda, dans la province de Lunda-Nord.

Liberté d’association

Le droit à la liberté d’association était toujours réprimé. L’espace dans lequel les défenseurs des droits humains, les militants politiques, les journalistes, les médias et les organisations de la société civile pouvaient exercer leurs droits civils et politiques était de plus en plus restreint. Le 11 juillet, la Cour constitutionnelle a toutefois abrogé la loi sur les ONG promulguée en 2015 par décret présidentiel (n° 74/15). Ce texte restreignait le cadre juridique des activités des ONG et habilitait le procureur général à suspendre les activités des ONG nationales et internationales en cas de soupçon de blanchiment de fonds ou d’agissements illégaux ou préjudiciables « à la souveraineté et à l’intégrité du pays ». Le décret faisait peser de lourdes charges sur les organisations de la société civile, notamment des conditions excessives et des procédures contraignantes en matière d’enregistrement, un contrôle disproportionné de leurs activités, des restrictions de financement et des sanctions.

Procès inéquitables

Le 25 septembre, six personnes, dont cinq se trouvaient en détention provisoire prolongée depuis un an, ont été jugées par le tribunal provincial de Luanda pour « organisation d’actes terroristes ». Le procès a cependant été reporté le jour même, car le procureur général ne s’est pas présenté à l’audience, alléguant des raisons de santé. Le tribunal a accordé un délai supplémentaire au substitut du procureur afin qu’il puisse prendre connaissance du dossier. À la fin de l’année, cinq des personnes accusées se trouvaient toujours en détention, tandis que la sixième, l’épouse de l’un des détenus, demeurait assignée à domicile.

Droits sexuels et reproductifs

En mars, le gouvernement a proposé de modifier des dispositions du Code pénal afin de dépénaliser l’avortement quand la grossesse était le résultat d’un viol ou que la santé de la femme enceinte était en danger. L’Assemblée nationale a rejeté cette proposition du gouvernement. Elle devait se prononcer définitivement à la fin du mois de mars, mais le vote a été repoussé sine die en raison du tollé provoqué par ce rejet.

Conflits fonciers

Les opérations d’accaparement de terres pour l’activité industrielle se sont poursuivies, principalement dans les provinces méridionales de Cunene et de Huíla, avec des effets dévastateurs sur les populations locales qui dépendaient de ces terres pour leur subsistance.
En avril et en mai, le gouvernement de la province de Huíla a présenté son projet Transhumance, qui prévoyait notamment de priver les habitants de Capela de Santo António, dans la région de Kahila (municipalité de Gambos), d’une fontaine à eau. Cette localité comptait 600 familles, qui avaient besoin de cette fontaine pour leur consommation d’eau potable, mais aussi pour l’élevage et l’irrigation. Les habitants n’ont pas été consultés en amont du projet et les autorités n’ont pas effectué d’évaluation de son impact environnemental. Le gouvernement de Huíla est resté déterminé à exproprier la population locale, en violation de la Constitution, de la Loi foncière et de la Loi relative à l’environnement, entre autres textes.
En juin, il a été révélé que le gouvernement angolais avait autorisé un projet agro- industriel de grande ampleur, Horizonte 2020, à s’approprier 76 000 hectares de terres fertiles sans le consentement libre, préalable et éclairé des populations touchées. Situées à l’ouest de la municipalité d’Ombadja et au sud de la municipalité de Curoca, dans la province de Cunene, ces terres sont occupées par 2 129 familles, dont 10 675 enfants, installées le long du fleuve Cunene dans 39 groupements d’habitations. Ces familles ont toujours vécu de l’agriculture et de l’élevage. À la fin de l’année, 15 000 hectares de végétation avaient été rasés, notamment des arbres utilisés pour la nourriture et le bois de chauffe, des pâturages et des sites d’inhumation ; 19 familles avaient été chassées de leurs terres et condamnées à l’errance, avec un accès limité à la nourriture et à l’eau.

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