Environ 200 détenus, fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo, étaient en attente de leur procès en lien avec les violences postélectorales de 2010 et 2011. Aucune enquête n’a été ouverte sur les homicides commis lors de mutineries et d’affrontements entre des militaires démobilisés et les forces de sécurité. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont été restreints, et des manifestations ont été interdites. Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président, a été acquittée des chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé devant la CPI s’est poursuivi.
Contexte
L’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) s’est achevée en juin, 13 ans après son lancement par le Conseil de sécurité de l’ONU. L’expert indépendant de l’ONU s’est félicité de la progression graduelle du pays vers la réconciliation nationale et la stabilité qui, a-t-il précisé, demeurait un processus fragile au vu des troubles de janvier.
Après la découverte d’une cache d’armes dans une maison appartenant à un conseiller proche du président de l’Assemblée nationale, les autorités ont diligenté des investigations, auxquelles participaient des enquêteurs des Nations unies.
En juillet, des groupes armés ont perpétré plusieurs attaques. Trois soldats ont été tués quand des hommes armés ont pris d’assaut un camp militaire de Korhogo, dans le nord du pays.
Liberté d’expression
Un texte de loi limitant le droit à la liberté d’expression par des dispositions relatives à la diffamation, à l’outrage au président et à la diffusion de fausses informations a été adopté.
En février, six journalistes accusés d’avoir diffusé de fausses informations sur les mutineries au sein de l’armée ont été maintenus deux jours en détention à Abidjan. Bien qu’ils n’aient pas été inculpés, les autorités ont continué à les convoquer pour des interrogatoires.
En août, deux journalistes du Quotidien ont été arrêtés en raison d’un article qu’ils avaient consacré à la situation financière du président de l’Assemblée nationale.
Liberté d’association et de réunion
En février, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc pour réprimer une manifestation pacifique de producteurs de cacao et de membres du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire.
En juillet, des militaires démobilisés ont manifesté pacifiquement à Bouaké pour appeler l’État à tenir les promesses faites à la suite des mouvements de protestation de mai (voir ci-après). Amadou Ouattara, Mégbè Diomandé et Lassina Doumbia, des membres de la « Cellule 39 » – une association de militaires démobilisés – ont été arrêtés et inculpés de trouble à l’ordre public et d’organisation d’une manifestation non autorisée.
Au moins 40 étudiants ont été arrêtés en septembre, après que la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire eut organisé des manifestations dans tout le pays pour dénoncer les violences policières et la hausse des frais d’inscription à l’université. Une étudiante a indiqué que la police l’avait interpellée avec des amis dans sa chambre et battue. Certains des étudiants arrêtés avaient jeté des pierres sur des policiers, mais les autres n’avaient pas usé violence. Ils ont tous été inculpés de trouble à l’ordre public et remis en liberté provisoire au bout de 20 jours.
Impunité
Des sympathisants présumés de l’ancien président Gbagbo ont été jugés pour des atteintes aux droits humains commises pendant et après l’élection de 2010. En revanche, aucun des partisans du président Ouattara n’a été arrêté ou jugé pour des violations des droits fondamentaux.
En mai, Simone Gbagbo a été acquittée des chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre par la cour d’assises d’Abidjan. Les victimes d’atteintes aux droits humains ont été privées de leur droit, au regard de la loi, de participer à l’audience. De nouveaux avocats, commis d’office par le bâtonnier après le retrait de ceux de Simone Gbagbo en 2016, se sont aussi désistés en mars au motif que la cour n’avait pas été constituée de manière régulière, un juge ayant été désigné après l’ouverture du procès.
Quelque 200 sympathisants de Laurent Gbagbo, arrêtés en 2011 pour des infractions qu’ils auraient commises pendant la période de troubles qui a suivi l’élection de 2010, étaient toujours détenus dans l’attente de leur procès. Deux d’entre eux, Assi Jean Kouatchi et Bonfils Todé, sont morts en détention en 2017.
Plusieurs détenus remis en liberté provisoire étaient en instance de jugement. Parmi eux figuraient Antoinette Meho, membre de l’organisation de la société civile Solidarité Wé, qui a été libérée en mai. Elle a été inculpée d’atteinte à la sûreté de l’État. En décembre, Hubert Oulaye, un ancien ministre qui avait été libéré à titre provisoire en juin, et Maurice Djire ont été condamnés à 20 ans de réclusion pour meurtre et complicité de meurtre dans une affaire d’homicide de casques bleus remontant à 2012. Le tribunal n’a pas produit les dépositions de deux témoins de l’accusation pendant le procès de ces deux hommes, alors que leurs avocats en avaient fait la demande. En juillet, Adou Assoa, un autre ancien ministre, a été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour trouble à l’ordre public mais relaxé du chef d’atteinte à la sûreté de l’État.
David Samba, militant de l’opposition et président de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire, une ONG, a fini de purger sa peine de six mois d’emprisonnement pour trouble à l’ordre public en mars 2016. Alors qu’il purgeait sa peine, il a été inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État en lien avec une tentative de soulèvement à Dabou en 2015. À la fin de l’année, il était toujours en détention dans l’attente d’être jugé pour ces nouvelles charges.
Mutineries
Au moins 10 personnes ont été tuées et plusieurs dizaines d’autres blessées lors de mutineries et d’affrontements entre les forces de sécurité et des militaires démobilisés.
Quatre personnes ont été tuées entre les 12 et 14 mai, pendant une mutinerie qui a débuté à Bouaké avant de s’étendre à d’autres villes. Elle a été menée par des soldats qui avaient intégré l’armée en 2011 et réclamaient le versement de primes. Le 13 mai, un groupe de mutins s’est rendu dans les locaux de la « Cellule 39 », qui avait condamné la mutinerie, et a ouvert le feu.
Issoufou Diawara a été abattu dans le dos et plusieurs personnes ont été blessées. Les violences ont cessé lorsque l’État a accédé aux demandes des mutins, acceptant de leur verser des primes.
Le 22 mai, quatre militaires démobilisés ont été tués dans des affrontements avec la police alors qu’ils manifestaient pour réclamer un accord équivalent à celui obtenu par les mutins. Les survivants ont affirmé qu’ils n’étaient pas armés lorsque la police a tiré. (Avant leur intégration dans l’armée, les militaires démobilisés faisaient partie de groupes armés qui avaient combattu aux côtés du président Ouattara pendant les violences postélectorales de 2010-2011.)
Rien n’indiquait que les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, notamment des membres des forces de sécurité, seraient traduits en justice avant la fin de l’année.
Justice internationale
Le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé devant la CPI pour crimes contre l’humanité, dont les chefs de meurtre et de viol, qui auraient été commis pendant les violences postélectorales, se poursuivait. En juillet, la Chambre d’appel a ordonné à la Chambre de première instance de réexaminer sa décision de débouter Laurent Gbagbo de sa demande de mise en liberté provisoire.
Responsabilité des entreprises
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a reporté à 2018 la publication des résultats de son audit de la pollution qui continuait d’affecter les 18 sites d’Abidjan où quelque 540 000 litres de déchets toxiques avaient été déversés en 2006 par l’entreprise Trafigura. Les autorités n’avaient toujours pas évalué les risques sanitaires à long terme liés à l’exposition aux produits chimiques contenus dans les déchets, ni suivi l’état de santé des victimes. Les demandes d’indemnisation par l’entreprise se poursuivaient, mais nombre de victimes n’avaient reçu aucun dédommagement.