Rapport annuel 2018

Éthiopie

République fédérale démocratique d’Éthiopie
Chef de l’État : Mulatu Teshome Wirtu
Chef du gouvernement : Hailemariam Desalegn

Le gouvernement a levé l’état d’urgence en juin. En août, les manifestations ont repris dans la région Oromia ; les manifestants protestaient contre la hausse de l’impôt sur le revenu et réclamaient la libération de Beqele Gerba, de Merera Gudina et d’autres prisonniers politiques. En février, 10 000 personnes détenues arbitrairement ont été remises en liberté. Des cas de torture et d’autres mauvais traitements, des procès inéquitables et des violations des droits à la liberté d’expression et d’association ont continué d’être signalés.

Contexte

Les autorités n’ont pas mis en oeuvre les réformes qu’elles avaient promises pour répondre aux doléances exprimées lors des manifestations de 2015 et de 2016 dans les régions Amhara et Oromia. Les manifestants avaient protesté contre l’expulsion forcée de paysans chassés de leurs terres dans l’Oromia au cours des 20 dernières années, l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants de partis politiques d’opposition, et les importantes restrictions pesant sur les droits à la liberté d’expression et d’association. Au lieu de cela, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence en octobre 2016, après que des exploitations agricoles et des commerces eurent été incendiés par la foule en colère dans l’Oromia et l’Amhara, à la suite d’un mouvement de foule qui avait provoqué la mort d’au moins 55 personnes durant la fête traditionnelle oromo de l’Irrecha. Les autorités éthiopiennes n’avaient toujours pas mené d’enquête indépendante et sérieuse pour déterminer pourquoi et comment un si grand nombre de personnes avaient péri.

Torture et autres mauvais traitements

Des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes accusées de terrorisme ont continué d’être signalés. Des détenus se sont plaints à de multiples reprises devant les tribunaux d’avoir été torturés et maltraités par des policiers durant leur interrogatoire. Dans certains cas, des juges ont ordonné à la Commission éthiopienne des droits humains (CEDH) d’enquêter sur ces allégations, mais les enquêtes menées par cette Commission n’étaient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Angaw Tegeny et Agbaw Seteny ont été jugés au titre de la Loi antiterroriste de 2009, en même temps que 35 autres personnes, dans l’affaire concernant un incendie dans la prison de Qilinto, dans la banlieue d’Addis- Abeba, la capitale. Les deux hommes ont dit que des policiers avaient suspendu une bouteille d’eau à leur scrotum et qu’ils les avaient fouettés sur la plante des pieds. Or, le rapport remis par la CEDH à la Haute Cour fédérale ne mentionnait pas ces allégations de torture.

Arrestations et détentions arbitraires

Les détentions arbitraires se sont poursuivies sous l’état d’urgence, qui a été levé en juin. Le 2 février, le gouvernement a ordonné la libération de 10 000 des 26 000 personnes arrêtées et détenues arbitrairement au titre de la Loi antiterroriste en 2016.
Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées au titre de cette loi, qui comprend des définitions beaucoup trop larges et vagues d’actes terroristes passibles de peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Des personnes ont été maintenues en détention provisoire au-delà des quatre mois maximum prévus par la loi. Ainsi, sept artistes de la région Oromo ont été détenus plus de six mois avant d’être inculpés par le parquet, le 29 juin.

Procès inéquitables

Plusieurs centaines de militants politiques, dissidents et manifestants pacifiques ont été jugés dans le cadre de procès inéquitables pour des infractions au titre de la Loi antiterroriste. Ces affaires ont été marquées par une période de détention provisoire prolongée, des retards abusifs, et des allégations persistantes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Des dirigeants de premier plan de partis politiques d’opposition tels que Merera Gudina, président du Congrès fédéraliste oromo (CFO), et Beqele Gerba, viceprésident du CFO, ont été jugés pour des infractions au titre de la Loi antiterroriste en raison de leur participation présumée à l’organisation des manifestations de novembre 2015 en Oromia. Le procès de Beqele Gerba a été ajourné à plusieurs reprises. Le tribunal a finalement rejeté les accusations de terrorisme qui avait été retenues contre lui. Il a cependant estimé qu’il devait être jugé au titre du Code pénal pour avoir provoqué et préparé des outrages à la Constitution ou à l’ordre constitutionnel.

Liberté d’expression

La Haute Cour fédérale a déclaré des journalistes, des blogueurs et des militants coupables d’infractions liées au terrorisme, et elle les a condamnés à des peines d’emprisonnement. Yonatan Tesfaye a été déclaré coupable d’avoir incité au terrorisme dans des messages publiés sur Facebook, et condamné à six ans et demi d’emprisonnement. Getachew Shiferaw a été condamné à 18 mois d’emprisonnement pour avoir envoyé des courriels aux dirigeants d’un parti politique d’opposition interdit, installé à l’étranger. Il a notamment été déclaré coupable d’avoir témoigné de l’estime à quelqu’un qui avait, en 2012, publiquement critiqué le Premier ministre défunt Meles Zenawi.

Droits économiques, sociaux et culturels

Le 11 mars, 115 personnes ont perdu la vie à la suite de l’effondrement d’une montagne d’ordures à la décharge de Koshe, la plus vaste décharge à ciel ouvert d’Éthiopie, située aux abords d’Addis-Abeba. Plusieurs centaines de personnes habitaient dans ce secteur. La plupart des victimes vivaient à proximité de ce site et gagnaient leur vie en recyclant des déchets. Les autorités savaient que la décharge avait atteint sa capacité maximale, et les habitants de ce secteur n’avaient d’autre choix que de vivre et de travailler là, car le gouvernement ne protégeait pas leur droit à un logement convenable et à un travail décent. Une collecte de fonds a été organisée et plus de 80 millions de birrs éthiopiens (environ 3 millions de dollars des États-Unis) ont été réunis pour la réadaptation des victimes. Les autorités municipales, chargées de la gestion de ce fonds, n’avaient toujours pas fourni cette assistance aux victimes et à leurs proches à la fin de l’année.

Exécutions extrajudiciaires

La police Liyu éthiopienne du Somali (police Liyu) – unité de forces spéciales de la région Somali, dans l’est de l’Éthiopie, et milice éthiopienne locale – a exécuté de façon extrajudiciaire plusieurs centaines d’Oromos vivant dans la région Somali. Certaines des victimes étaient des nourrissons âgés de seulement six mois. La police Liyu a également expulsé au moins 50 000 Oromos vivant dans la région Somali entre septembre et octobre. Elle a mené des attaques dans les districts voisins de la région Oromia et déplacé des milliers d’habitants de ces secteurs en février, mars, août, septembre et octobre.

Enlèvement d’enfants

Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour protéger correctement les habitants de la région Gambela contre les attaques répétées menées par des membres armés du groupe ethnique des Murles, basé au Soudan du Sud. Le 12 mars, des combattants murles ont franchi la frontière avec l’Éthiopie et enlevé 22 enfants anuaks. Les autorités n’ont, semble-t-il, pris aucune mesure pour que ces enfants soient rendus à leur famille.

Impunité

La police et l’armée continuaient de bénéficier de l’impunité pour les violations des droits humains perpétrées en 2015 et 2016. Le gouvernement a rejeté en 2017 les appels réclamant des enquêtes indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains commises dans le cadre des manifestations ayant eu lieu dans plusieurs régions. Dans les rares cas où la CEDH a enquêté et constaté que des violations avaient été perpétrées, le gouvernement n’a pas mené d’investigations ni déféré à la justice les auteurs présumés de ces actes.

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