Rapport annuel 2018

Gambie

République de Gambie
Chef de l’État et du gouvernement : Adama Barrow (a remplacé Yahya Jammeh en janvier)

Le nouveau gouvernement s’est engagé à réviser plusieurs lois répressives et à réformer les forces de sécurité. Des mesures ont été prises en vue d’amorcer un processus de justice de transition.

Contexte

Grâce à la médiation de dirigeants de la région et face à la menace d’une intervention militaire de la CEDEAO [1] [2], l’ancien président Yahya Jammeh a accepté les résultats de l’élection présidentielle de décembre 2016 et a quitté la Gambie pour la Guinée équatoriale le 21 janvier [3]. Il était prévu que la force de coalition de la CEDEAO stationnée en Gambie se retire à la mi-2018. Adama Barrow a été investi le 19 janvier à Dakar, la capitale sénégalaise, alors que la situation dans son pays était dans l’impasse.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

Le 10 février, le gouvernement a annulé le retrait de la Gambie du Statut de Rome de la CPI, qui avait été annoncé pendant le mandat du président Yahya Jammeh [4].
Le 21 septembre, la Gambie a signé le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, dans le but manifeste d’abolir à terme la peine de mort.
Des initiatives ont été prises en vue d’amorcer un processus de révision constitutionnelle et de réformer des lois répressives mises en oeuvre sous le régime précédent.
Deux projets de loi instaurant une Commission de révision de la Constitution et une Commission nationale des droits humains ont été adoptés par l’Assemblée nationale le 13 décembre.

Prisonnières et prisonniers politiques

Entre décembre 2016 et janvier 2017, des dizaines de prisonniers politiques et de prisonniers d’opinion ont été libérés, notamment les prisonniers d’opinion Amadou Sanneh et Ousainou Darboe. Le 30 janvier, le président Barrow a gracié Ousainou Darboe et des dizaines d’autres personnes qui avaient été arrêtées pour avoir participé à une manifestation pacifique en avril 2016.

Détention

Les conditions de détention n’étaient pas conformes aux normes internationales : les installations sanitaires, la nourriture et l’accès aux soins médicaux étaient insuffisants. Cent soixante-quatorze prisonniers ont été libérés en février à l’occasion de la fête de l’indépendance et 84 autres en mars afin de réduire la surpopulation carcérale. L’assistance juridique était limitée, surtout en dehors de Banjul, la capitale. De nouveaux juges ont été nommés en vue de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Liberté d’expression

L’État s’est engagé à réviser plusieurs lois répressives à l’égard des médias. Un certain nombre de journalistes qui s’étaient exilés parce qu’ils étaient harcelés ou menacés d’emprisonnement sous le régime précédent sont rentrés en Gambie.
Le 19 janvier, une femme a été arrêtée et placée en détention pour trouble à la paix après avoir prétendument insulté le président Barrow. Elle a été libérée sous caution le 2 mars et le tribunal de première instance de Brikama a prononcé un non-lieu le 3 avril.
En novembre, lors d’un colloque organisé à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, la Gambie a annoncé qu’elle appliquerait les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO concernant la participation de l’État aux violations des droits humains dont avaient été victimes les journalistes Deyda Hydara, Ebrima Manneh et Musa Saidykhan. Ces décisions prévoyaient notamment la négociation de dommages et intérêts avec les familles des victimes.

Liberté de réunion

Les lois restrictives sur la liberté de réunion pacifique n’avaient pas encore été modifiées. Le 23 novembre, la Cour suprême gambienne a statué que l’article 5 de la Loi de 1961 relative à l’ordre public, qui exige d’obtenir l’autorisation de la police avant tout rassemblement pacifique, était conforme à la Constitution.
Le 2 juin, la force de coalition de la CEDEAO a tiré à balles réelles pour disperser des personnes qui manifestaient près de l’ancienne résidence de Yahya Jammeh, dans le village de Kanilai, faisant un mort et au moins six blessés. L’État s’est engagé à diligenter une enquête mais aucune information à ce sujet n’avait été rendue publique à la fin de l’année.
Le mouvement Occupy Westfield a initialement obtenu la permission de manifester pacifiquement contre les coupures d’électricité et d’eau, mais l’autorisation lui a été retirée le 11 novembre. Le rassemblement a été dispersé le 12 novembre par la police antiémeutes.

Police et forces de sécurité

En février, l’Agence nationale de renseignement (NIA), qui pratiquait la torture et la détention arbitraire sous le gouvernement précédent, a été rebaptisée Service de renseignement de l’État (SIS), et le gouvernement lui a retiré ses pouvoirs en matière de détention. Ces changements n’ont toutefois pas été entérinés par une nouvelle législation. Dans les mois qui ont suivi, les responsables de la police, de l’administration pénitentiaire, du renseignement et de l’armée ont été remplacés. Néanmoins, ces institutions n’ont pas été réformées en profondeur et aucune mesure de contrôle n’a été prise pour en exclure les personnes qui avaient commis de graves atteintes aux droits humains. Des groupes de la société civile ont déploré le fait que les autorités n’aient pas fait le nécessaire pour conserver les documents et les éléments matériels attestant des violations perpétrées par les forces de sécurité, en particulier la NIA.
En juillet, 12 militaires ont été arrêtés à la suite de messages de « mutinerie » et de « sédition » publiés sur les réseaux sociaux en soutien à l’ancien président Yahya Jammeh. Ils ont été détenus sans inculpation par l’armée jusqu’à leur comparution devant un tribunal, le 17 novembre, soit au-delà de la durée maximale prévue par la Constitution. Le 27 novembre, 10 d’entre eux ont été inculpés de trahison et de mutinerie et les deux autres d’obstruction par négligence à la procédure légale de détention.

Justice de transition

Dix militaires ont été arrêtés et placés en détention en janvier. Accusés d’avoir participé à des disparitions forcées et des homicides, ils n’ont cependant pas été inculpés et se trouvaient toujours derrière les barreaux à la fin de l’année. En février, des poursuites pénales ont été engagées à l’encontre de neuf agents de la NIA, dont l’ancien directeur, accusés d’avoir tué le militant d’opposition Solo Sandeng en avril 2016.
En octobre, des victimes d’atteintes aux droits humains, des organisations de la société civile et des groupes internationaux de défense des droits humains ont formé une coalition pour demander que Yahya Jammeh et les autres personnes responsables de graves violations des droits humains sous son régime soient traduits en justice. Une information judiciaire a été ouverte en Suisse contre Ousmane Sonko, ministre de l’Intérieur de 2006 jusqu’à sa fuite à l’étranger en septembre 2016, pour des crimes contre l’humanité commis pendant le mandat du président Yahya Jammeh.
Le 13 décembre, un projet de loi instaurant une Commission vérité, réconciliation et réparation (TRRC) – chargée de se pencher sur les événements survenus sous le régime précédent – a été adopté par l’Assemblée nationale, à la suite d’une consultation à laquelle ont participé des acteurs nationaux et internationaux.
Le 10 août, une commission d’enquête a été créée en vue de faire la lumière sur la mauvaise gestion des fonds publics et les abus de pouvoir dont Yahya Jammeh se serait rendu coupable. Par ailleurs, l’État a gelé les actifs présumés appartenir à l’ancien président.
Le Groupe d’experts sur les personnes disparues, une unité de police chargée d’enquêter spécifiquement sur les disparitions forcées orchestrées sous le régime de Yahya Jammeh, a vu le jour en février. En mars, les corps de quatre personnes susceptibles d’avoir été victimes de disparition forcée ont été exhumés. Parmi eux figurait celui de Solo Sandeng. Il est prévu que le Groupe d’experts adresse à la TRRC la liste des disparitions sur lesquelles elle devra enquêter.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Les relations entre personnes de même sexe demeuraient interdites par la loi. Un texte législatif adopté en octobre 2014, par exemple, prévoyait des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité pour des infractions relevant de l’« homosexualité avec circonstances aggravantes ». Les personnes LGBTI étaient toujours en butte à la discrimination et aux menaces de la part d’acteurs non étatiques.

Droits sexuels et reproductifs

En novembre, l’État et ses partenaires de développement ont lancé un programme complet d’éducation sexuelle, destiné à être mis en oeuvre dans les écoles.
Malgré les lois érigeant en infraction les mutilations génitales féminines (MGF), ces pratiques demeuraient courantes. L’État et ses partenaires de développement ont élaboré une stratégie de communication visant à sensibiliser la population aux dangers des MGF.
L’avortement était toujours interdit par la loi, sauf lorsque la vie de la femme enceinte était en jeu.

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