Rapport annuel 2018

Mali

République du Mali
Chef de l’État : Ibrahim Boubacar Keïta
Chef du gouvernement : Soumeylou Boubèye Maïga (a remplacé en décembre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui avait remplacé Modibo Keïta en avril)

En décembre, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi sur la protection des défenseurs des droits humains. À la suite de manifestations, le gouvernement a remis à plus tard la révision de la Constitution. L’accord de paix d’Alger, signé en 2015, n’était toujours pas pleinement mis en oeuvre. Des opérations menées conjointement par l’armée malienne et certains groupes armés ont débuté à Gao dans le cadre du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).

SURVEILLANCE INTERNATIONALE

L’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ont fait part de leurs inquiétudes quant à de graves menaces pour la sécurité dans les régions du nord et du centre, qui mettaient les civils en danger et les empêchaient de bénéficier de services sociaux de base. Pendant l’année, la MINUSMA a enregistré 252 atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité ou à des groupes armés, qui ont fait plus de 650 victimes. Elle a recensé notamment 21 exécutions extrajudiciaires et homicides délibérés et arbitraires, 12 disparitions forcées et 31 cas de torture et autres formes de mauvais traitements.
Les autorités françaises ont ouvert une enquête sur la mort d’un enfant en novembre 2016 dans le cadre de l’opération Barkhane, conduite par l’armée française. Les conclusions n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année 2017. En décembre, la porte-parole du ministère français des Armées a déclaré que l’enquête menée en interne n’avait révélé aucune faute individuelle ou collective.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Les attaques se sont multipliées dans les régions centrales de Mopti et de Ségou. La présence accrue de groupes armés et l’intensification du recrutement local ont aggravé les tensions entre différentes ethnies. En février, des inconnus ont attaqué des Peuls, faisant 20 morts et 18 blessés. Ces violences ont fait suite à l’homicide d’un célèbre opposant d’influence extrémiste dans la région de Ségou.
Entre janvier et septembre, la MINUSMA a dénombré au moins 155 attaques contre ses forces de maintien de la paix, les forces de sécurité maliennes et les militaires français de l’opération Barkhane. Pendant l’année, plus de 30 personnes travaillant pour la MINUSMA, y compris des civils et des contractuels, ont été tuées par des groupes armés. La plupart des attaques ont été revendiquées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Huit enfants figuraient parmi les victimes.
En juin, une attaque menée par un groupe armé dans un hôtel situé à la périphérie de Bamako, la capitale, a fait cinq morts et 10 blessés.
En juillet, des hommes armés ont roué de coups 10 femmes qui assistaient à un mariage. En août, 12 femmes ont été flagellées à Mopti parce qu’elles n’étaient pas voilées.
À la fin de l’année, au moins huit personnes étaient toujours otages de groupes armés après avoir été enlevées au Mali, au Burkina Faso et au Niger au cours des trois dernières années. Parmi ces personnes, on dénombrait trois femmes : Gloria Cecilia Agoti Narvaez (une missionnaire colombienne), Sophie Pétronin (une Française) et Béatrice Stockly (une missionnaire suisse) ; ainsi que Mamadou Diawara (Malien), Ken Eliott (Australien), Julian Ghergut (Roumain), Soungalo (Malien) et Jeffery Woodke (Américain).

LIBERTÉ D’EXPRESSION

La liberté d’expression était menacée à l’approche d’un référendum sur la révision de la Constitution.
En juin, des affrontements entre des personnes manifestant contre la révision et des policiers, qui ont utilisé du gaz lacrymogène et des matraques, ont fait au moins huit blessés.
Des menaces physiques et verbales visant des opposants au référendum ont été signalées en juillet. Le même mois, Mohamed Youssouf Bathily (dit Ras Bath), journaliste sur Maliba FM, a été condamné à un an d’emprisonnement pour « incitation à la désobéissance des troupes » parce qu’il avait critiqué l’armée en 2016. Il a été relaxé en novembre par la cour d’appel de Bamako.

DÉTENTION

Les prisons demeuraient surpeuplées et les conditions de détention étaient mauvaises. À la fin de l’année, la Maison centrale d’arrêt de Bamako, d’une capacité de 400 détenus, en accueillait 1 947, dont 581 avaient été déclarés coupables et 1 366 étaient dans l’attente de leur procès. Les personnes détenues depuis 2013 sur la base d’accusations de terrorisme n’étaient pas autorisées à quitter leurs cellules exiguës et mal ventilées, même pour faire de l’exercice.
Des personnes étaient encore détenues dans un centre non officiel connu sous le nom de « Sécurité d’État ».

IMPUNITÉ

Les efforts de lutte contre l’impunité ont perdu de leur vigueur, dans la mesure où plusieurs procès médiatiques concernant des violences perpétrées dans le nord du pays pendant l’occupation de 2012-2013 n’ont pas véritablement progressé. L’accord de paix de 2015, qui recommandait la création d’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur les crimes de droit international, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les atteintes aux droits humains, n’avait pas été mis en oeuvre à la fin de l’année.
En août, l’ancien chef de l’unité de police du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Aliou Mahamane Touré, a été déclaré coupable d’« atteinte à la sécurité intérieure, de possession illégale d’armes de guerre, d’association de malfaiteurs et de violences graves » et condamné à 10 ans d’emprisonnement par la Cour d’assises de Bamako.
Le procès du général Amadou Haya Sanogo pour l’enlèvement et le meurtre de 21 militaires, commis en avril 2012, n’avait pas repris ; il avait été ajourné en décembre 2016. Ce report est intervenu à la suite d’une décision selon laquelle des tests ADN n’étaient pas recevables en raison d’un vice de procédure.

DROIT À L’ÉDUCATION

L’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali s’est déclaré préoccupé par le grand nombre d’écoles fermées en raison de l’insécurité dans le centre et le nord du pays ; le droit à l’éducation de plus de 150 000 enfants était ainsi bafoué.
Plus de 500 écoles de Gao, Kidal, Ségou, Mopti et Tombouctou ont gardé porte close toute l’année. Des groupes armés ont menacé d’attaquer de nombreux établissements scolaires, notamment à Niono, Macina et Ténenkou, s’ils ne fermaient pas ou n’acceptaient pas de dispenser un enseignement islamique. En mai, un groupe armé a incendié une école de Mopti, menaçant aussi d’autres établissements non coraniques.
Bien que l’article 39 de l’accord de paix engage tous les signataires à porter une attention particulière à l’éducation pour tous, des groupes armés ont continué à occuper des écoles.

JUSTICE INTERNATIONALE

En août, la CPI a condamné Ahmad Al Faqi Al Mahdi à verser 2,7 millions d’euros au titre de réparations individuelles et collectives. Cet homme avait été déclaré coupable de crime de guerre et condamné à neuf ans d’emprisonnement en 2016 pour avoir dirigé intentionnellement des attaques contre des bâtiments religieux et historiques de Tombouctou. À la fin de l’année, la CPI enquêtait sur des crimes de guerre qui auraient été commis au Mali depuis janvier 2012.

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