Rapport annuel 2018

Mozambique

République du Mozambique
Chef de l’État et du gouvernement : Filipe Jacinto Nyusi

Les emprunts levés dans le secret par l’État ont plongé le pays dans une crise économique. En raison de l’acquisition massive de terres à des fins d’exploitation minière, qui s’est traduite par l’expulsion des habitants qui y vivaient et en dépendaient pour subsister, l’insécurité alimentaire s’est aggravée. Comme les années précédentes, les personnes qui exprimaient des idées dissidentes ou des critiques ont été exposées à des agressions et des actes d’intimidation de la part des forces de sécurité ou d’individus non identifiés. Selon les estimations, 30 000 personnes atteintes d’albinisme étaient victimes de discrimination et craignaient pour leur vie ; au moins 13 d’entre elles ont été tuées. Les violences faites aux femmes et aux filles demeuraient très répandues.

CONTEXTE

Le tribunal administratif et la commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner la situation de la dette publique avaient affirmé en 2016 que les garanties dont étaient assortis les emprunts à hauteur de 2,2 milliards de dollars des États-Unis contractés dans le secret par le gouvernement pour financer des achats dans les domaines de la sécurité et de la défense étaient illégales et contraires à la Constitution. Mis au jour en avril 2016, ces emprunts cachés devaient selon les prévisions faire passer la dette du Mozambique à 135 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2017. La monnaie locale s’est dépréciée et les prix ont fortement augmenté, la dépendance du pays à l’égard des importations aggravant encore la situation.
De hauts responsables du gouvernement ont fait obstruction à un audit sur les emprunts réclamé par les donateurs internationaux pour restaurer la confiance, et imposé comme condition à la reprise de l’aide financière. Ces donateurs ont par conséquent gelé leur aide dans l’attente de la coopération du gouvernement et de la divulgation d’informations complètes sur ces emprunts.
La trêve conclue en décembre 2016 entre le gouvernement, dirigé par le Front de libération du Mozambique (FRELIMO), et le principal parti d’opposition, la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), s’est maintenue tout au long de 2017, après trois années de violents affrontements. La décentralisation des pouvoirs de l’exécutif était à l’ordre du jour des pourparlers de paix toujours en cours. Les relations entre les dirigeants politiques des deux mouvements restaient tendues : le chef de la RENAMO, Afonso Dhlakama, a accusé le président Filipe Nyusi de ne pas avoir procédé dans les délais convenus au retrait des forces armées gouvernementales postées dans la région de Gorongosa.

CONFLITS FONCIERS

Des sociétés minières ont acquis des terrains utilisés par les personnes qui y vivaient, aggravant l’insécurité alimentaire existante dont souffraient plus de 60 % des populations rurales qui tiraient de la terre leurs moyens de subsistance, leur nourriture et leur eau.
En 2013, la compagnie minière Vale Mozambique avait commencé à ériger des clôtures le long de terrains utilisés par la population locale pour faire paître son bétail et ramasser du bois pour le feu, notamment à Nhanchere (district de Moatize, province de Tete). Le 13 juin 2017, Hussen António Laitone a été abattu par la police dans ce secteur alors que les habitants protestaient pacifiquement contre l’acquisition de terres pour des projets miniers. Il ne participait pas à la manifestation.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Les personnes exprimant des opinions divergentes ou critiques étaient toujours la cible d’actes d’intimidation, de harcèlement et d’agressions.
Le 17 mai, le journaliste et militant des droits humains Armando Nenane a été roué de coups par la police antiémeutes à Maputo, la capitale du pays, en raison de ses opinions au sujet du « G40 », groupe qui aurait été créé sous la présidence d’Armando Guebuza, l’ancien chef d’État, pour jeter le discrédit sur ses opposants et promouvoir le parti au pouvoir. Avant son passage à tabac, Armando Nenane avait reçu des menaces de mort anonymes par téléphone. Personne n’avait eu à rendre des comptes pour son agression à la fin de l’année.
Le 4 octobre, Mahamudo Amurane, maire de Nampula (ville située dans le nord du pays), a été abattu devant chez lui par un inconnu armé. À la suite de désaccords avec les dirigeants du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), il avait annoncé son intention de quitter le parti et de créer son propre mouvement en vue de se porter de nouveau candidat aux élections municipales d’octobre 2018.
Le 2 décembre, dans cette même ville, un homme armé a menacé de tuer Aunício da Silva, journaliste d’investigation et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Ikweli. Il l’a accusé d’avoir publié des articles salissant l’image de Carlos Saíde, le candidat du MDM aux élections municipales à Nampula.

DISCRIMINATION – LES PERSONNES ATTEINTES D’ALBINISME

Les quelque 30 000 personnes atteintes d’albinisme étaient victimes de discrimination et se voyaient placées au ban de la société. Beaucoup craignaient pour leur vie. Les persécutions à leur égard ont augmenté. À la connaissance d’Amnesty International, au moins 13 personnes albinos ont été tuées, mais ce chiffre était probablement en deçà de la réalité. Ces homicides étaient attisés par les croyances ou les superstitions attribuant des pouvoirs magiques à ces personnes. La plupart ont eu lieu dans les provinces du centre et du nord, les régions les plus pauvres du pays.
Le 31 janvier, un garçon albinos de sept ans a été assassiné par quatre inconnus qui sont entrés par effraction chez lui, dans le district de Ngaúma (province de Niassa), et l’ont enlevé alors que sa famille dormait. Le 28 mai, un enfant de trois ans a été soustrait à sa mère dans le district d’Angónia (province de Tete). On ignorait l’identité de ses kidnappeurs. Le 13 septembre, un adolescent de 17 ans a été tué dans le secteur de Benga (district de Moatize, province de Tete), parce que les parties de son corps étaient recherchées ; ses agresseurs ont prélevé son cerveau, ses cheveux et les os de ses bras. À la fin de l’année, aucune arrestation n’avait eu lieu dans le cadre de ces homicides et personne n’avait été traduit en justice.
Le gouvernement n’a pratiquement rien fait pour lutter contre le problème, en dépit de l’indignation publique qu’il suscitait. Une stratégie visant à mettre fin aux homicides a été préparée, mais elle n’a pas été mise en oeuvre, faute de moyens semble-t-il.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

De nombreuses femmes ont été tuées, souvent par un conjoint ou ex-conjoint, ou par un homme de leur famille. Plusieurs des auteurs de ces meurtres ont tenté de justifier leur acte en affirmant que leur victime avait pratiqué la sorcellerie à leur encontre.
Le 10 janvier, un homme de 31 ans a tué sa femme de 27 ans avec un couteau de cuisine dans le quartier d’Inhagoia, en périphérie de Maputo. En février, dans le district de Vanduzi (province de Manica), un homme de 27 ans a décapité sa mère à coups de machette parce qu’elle avait refusé de lui servir à manger. En mai, un autre homme a tué sa mère dans le district de Guru (province de Manica), au motif qu’elle lui aurait jeté un sort d’impuissance sexuelle. En août, deux frères ont tué leur grand-mère, âgée de 70 ans, à Messano (district de Bilene, province de Gaza), après l’avoir accusée de leur avoir jeté un mauvais sort. En septembre, dans le quartier du Centro Hípico, situé dans la banlieue de Chimoio (province de Manica), un homme prétendant que sa mère, âgée de 80 ans, l’avait ensorcelé l’a tuée à coups de barre métallique.
Même si, dans toutes ces affaires, les auteurs présumés des homicides ont reconnu les faits, les autorités n’ont rien fait pour élaborer, financer et mettre en oeuvre une stratégie efficace de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

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