Rapport annuel 2018

Ouganda

République de l’Ouganda
Chef de l’État et du gouvernement : Yoweri Kaguta Museveni

Le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion a fait l’objet de restrictions. Des journalistes et d’autres personnes ayant critiqué le président ou sa famille ont été arrêtés, détenus et harcelés. Le nombre de femmes tuées, parfois après avoir subi des violences sexuelles, est monté en flèche. Les autorités ont déclaré qu’elles diligenteraient des enquêtes sur ces crimes et engageraient des poursuites à l’encontre des responsables présumés. Un projet de révision des dispositions constitutionnelles relatives au droit foncier devait permettre à l’État d’exproprier des particuliers. L’Ouganda était le pays qui accueillait le plus grand nombre de réfugiés dans la région, dont plus d’un million de Sud-Soudanais.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Le 19 mars, à l’aéroport international d’Entebbe, des agents de l’immigration ont empêché Stella Nyanzi, une universitaire, d’embarquer sur un vol à destination des Pays-Bas, où elle devait assister à une conférence. Celle-ci avait critiqué le président et son épouse, qui est aussi la ministre de l’Éducation, parce que l’État ne fournissait pas de serviettes hygiéniques aux élèves alors qu’il s’y était engagé en 2015.
Le 8 avril, la police l’a arrêtée pour outrage au président sur les réseaux sociaux. Stella Nyanzi a été inculpée en vertu de la Loi de 2011 relative à l’utilisation abusive de l’informatique et détenue 33 jours à la prison de haute sécurité de Luzira à Kampala, la capitale, avant d’être libérée sous caution. Les charges retenues contre elle ont finalement été abandonnées.
Le 8 avril, Gertrude Tumusiime Uwitware, journaliste à Nation TV, a été enlevée par des inconnus, qui lui ont bandé les yeux et l’ont interrogée pendant plusieurs heures, après qu’elle eut témoigné son soutien à Stella Nyanzi sur les réseaux sociaux. Le porteparole de la police métropolitaine de Kampala a promis d’enquêter mais, à la fin de l’année, on ignorait si les investigations avaient progressé.
Le 27 septembre, la Commission ougandaise des communications a menacé de suspendre, voire de retirer les licences des médias qui diffusaient en direct les débats parlementaires sur la proposition de révision constitutionnelle visant à supprimer la limite d’âge de 75 ans pour les candidats à l’élection présidentielle. Cette révision a été adoptée par le Parlement en décembre et, selon le gouvernement, elle est entrée en vigueur le même mois. La Commission a déclaré que la diffusion de ces débats alimentait une « culture de la violence ». L’opposition considérait cette révision comme un moyen de permettre au président Yoweri Museveni de se présenter de nouveau en 2021. Celui-ci était déjà au pouvoir depuis 31 ans.
Le 10 octobre, la police a convoqué Arinaitwe Rugyendo, directeur du journal Red Pepper et du site d’information en ligne Daily Monitor, et Charles Bichachi, du groupe Nation Media, auquel appartient le Daily Monitor, au sujet d’articles sur le débat concernant la limite d’âge des candidats à l’élection présidentielle. Elle les a interrogés parce qu’un député qui dirigeait le mouvement en faveur de la suppression de cette limite d’âge avait porté plainte, au motif que ces articles ternissaient sa réputation. Arinaitwe Rugyendo et Charles Bichachi ont été inculpés en vertu de l’article 27A de la Loi relative à la police.
Le 24 novembre, après que Red Pepper eut publié un article accusant le président d’être impliqué dans un complot destiné à renverser son homologue rwandais, la police a perquisitionné dans les locaux du journal, fouillant notamment les ordinateurs et les téléphones portables, et a ordonné la fermeture de cette publication. Au même moment, elle a arrêté Arinaitwe Rugyendo et d’autres membres du personnel, à savoir Richard Kintu, James Mujuni, Patrick Mugumya, Richard Tusiime, Johnson Musinguzi, Ben Byarabaha et Francis Tumusiime. Ces personnes étaient toujours en détention à la fin de l’année.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les 2 et 20 septembre, une vingtaine de policiers et d’agents des forces de sécurité ont effectué une descente dans les locaux d’ActionAid Ouganda à Kansanga, un quartier de Kampala, empêchant le personnel de quitter les lieux pendant plusieurs heures. Il était indiqué sur le mandat qu’ActionAid faisait l’objet d’une enquête pour « transferts illicites de fonds au profit d’activités illégales ». La police a saisi des documents, ainsi que les ordinateurs portables de l’organisation et les téléphones mobiles des employés. Le 9 octobre, la Banque de l’Ouganda a gelé les comptes d’ActionAid. Le 13 octobre, le Bureau national chargé des ONG, sous la tutelle du ministère des Affaires intérieures, a envoyé une lettre à 25 ONG de développement pour leur demander des informations sur leurs comptes bancaires.
Le 20 septembre, la police a effectué une descente dans les locaux de l’Institut des Grands Lacs pour les études stratégiques (Great Lakes Institute for Strategic Studies). Elle était munie d’une autorisation de perquisition concernant les ordinateurs et les téléphones portables, ainsi que les documents financiers et bancaires. Quelque temps avant l’opération, le directeur exécutif de l’organisation, Godber Tumushabe, avait tenu des propos défavorables à la levée de la limite d’âge pour se présenter à l’élection présidentielle.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

La police a enregistré 28 homicides de femmes à Entebbe (district de Wakiso). Selon les médias, un homme a avoué en avoir tué huit à la demande d’un homme d’affaires local. Dans une déclaration publique en date du 3 septembre, le porte-parole de la police a indiqué que les meurtres recensés se divisaient en quatre catégories et que 13 personnes avaient été arrêtées et inculpées dans ces affaires. Douze des victimes ont été violées ou agressées sexuellement avant leur décès, quatre ont été tuées par leur mari ou leur compagnon, une a été tuée par ses deux frères dans ce que la police considérait comme un règlement de comptes, et les autres cas ont été qualifiés de « meurtres rituels ».
Le corps de l’une des victimes, Rose Nakimuli, a été découvert le 24 juillet dans une bananeraie du district de Wakiso.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES

En juillet, le gouvernement a présenté un projet de révision de l’article 26(2) de la Constitution. Ce texte permettrait à l’État d’exproprier des particuliers au profit de projets d’infrastructure sans leur fournir rapidement, au préalable, une indemnisation juste, et potentiellement sans attendre la fin des négociations concernant l’indemnisation.
Aux termes de la législation existante, l’État ne pouvait acquérir des terrains privés qu’après avoir versé une indemnisation « juste et suffisante ». Si le propriétaire contestait le montant de l’indemnisation, la Haute Cour pouvait bloquer l’acquisition par l’État jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Si elle était adoptée, la nouvelle loi accroîtrait le risque d’expulsion forcée et pourrait empêcher les personnes menacées d’expulsion de participer aux consultations relatives aux expropriations. Elle écarterait aussi la possibilité de mener des négociations équitables et transparentes au sujet des indemnisations et de former un recours. Les groupes marginalisés, notamment les personnes vivant dans la pauvreté et les habitants des zones rurales, seraient particulièrement lésés.

DROIT À LA SANTÉ

Le 10 octobre, l’Association des médecins ougandais (Uganda Medical Association, UMA) a entamé une grève illimitée pour protester contre la faiblesse des salaires et la pénurie de fournitures essentielles. Toutefois, les praticiens ont continué à prodiguer des soins aux enfants, aux femmes enceintes et aux victimes d’accident nécessitant une prise en charge d’urgence.
Le président Yoweri Museveni a déclaré la grève illégale et a ordonné aux médecins de reprendre le travail, sans quoi ils s’exposeraient à des procédures disciplinaires. L’État a indiqué qu’il n’augmenterait la rémunération des médecins qu’une fois que la commission créée par le président pour examiner les salaires de tous les fonctionnaires aurait rendu ses conclusions.

PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE

Au 10 novembre, l’Ouganda accueillait quelque 1 379 768 réfugiés et demandeurs d’asile. Environ 1 037 359 de ces personnes venaient du Soudan du Sud (348 782 étaient arrivées entre janvier et septembre), et 61 % d’entre elles étaient des mineurs, pour la plupart non accompagnés ou séparés de leurs parents. Quelque 236 572 réfugiés étaient originaires de République démocratique du Congo (RDC), 39 041 du Burundi (voir Burundi) et 35 373 de Somalie. Les réfugiés restants venaient de divers autres pays.
Les demandeurs d’asile du Soudan du Sud et de RDC obtenaient le statut de réfugié prima facie tandis que ceux d’autres nationalités faisaient l’objet d’une procédure individuelle de détermination du statut de réfugié auprès du Comité d’éligibilité. En juin, l’Ouganda a cessé d’accorder automatiquement le statut de réfugié aux demandeurs d’asile burundais.
Aux termes de la Loi de 2006 relative aux réfugiés et du Règlement de 2010 sur les réfugiés, les personnes réfugiées jouissaient d’une relative liberté de circulation, d’un accès aux services de base (enseignement primaire et soins médicaux, notamment) au même titre que les Ougandais et du droit de travailler et de créer une entreprise.
En mai, le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de diminuer de moitié les rations céréalières de plus de 800 000 réfugiés sud-soudanais.
Les appels adressés aux donateurs internationaux en vue de résoudre la crise régionale des réfugiés n’ont pas permis de réunir suffisamment de fonds. Le financement s’est avéré être la principale difficulté pour l’Ouganda en la matière. Le Sommet de la solidarité envers les réfugiés, organisé en Ouganda en juin, avait pour objectif de mobiliser l’aide internationale mais, en novembre 2017, le Plan d’intervention pour les réfugiés du Soudan du Sud – une initiative conjointe de l’État et du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – n’avait permis d’obtenir que 68 % des fonds nécessaires, et le Plan d’intervention pour les réfugiés du Burundi seulement 20 %.
En octobre, l’aide alimentaire aux réfugiés a été réduite temporairement de 50 % en raison d’un retard de paiement de la part de donateurs. Cette diminution a déclenché des émeutes et des manifestations dans le camp de réfugiés de Nyumanzi (district d’Adjumani).

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