La répression exercée contre les opposants politiques s’est poursuivie avant et après les élections, s’illustrant par des cas de graves restrictions aux libertés d’expression et d’association, d’homicides illégaux et de disparitions non élucidées.
CONTEXTE
L’élection présidentielle a eu lieu en août. Le président sortant, Paul Kagame, a été réélu avec 98,79 % des suffrages. Le Parti démocratique vert du Rwanda a remporté 0,48 % des voix, et le candidat indépendant 0,73 %.
La Commission électorale nationale a rejeté la candidature de trois candidates indépendantes, estimant qu’elles ne remplissaient pas les critères d’éligibilité. L’une d’entre elles, Diane Rwigara, a été accusée d’avoir présenté de fausses signatures. Le 14 juillet, elle a lancé un nouveau mouvement militant, le Mouvement pour le salut du peuple.
Plusieurs missions diplomatiques et observateurs de la société civile ont estimé que le scrutin s’était déroulé sans violences ; ils se sont toutefois déclarés préoccupés par certaines irrégularités, notamment en ce qui concerne le décompte des voix et l’enregistrement des résultats.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION
Les partis d’opposition et les candidats indépendants se sont heurtés à des difficultés en amont de l’élection du mois d’août et par la suite.
Peu après que Diane Rwigara eut annoncé sa candidature, en mai, des photos d’elle nue, prétendument, ont circulé sur les réseaux sociaux. Elle a signalé à la police et à la Commission électorale nationale que ses représentants avaient subi des intimidations alors qu’ils sillonnaient le pays pour recueillir les signatures dont elle avait besoin pour se présenter comme candidate indépendante.
Des policiers ont interrogé Diane Rwigara et ses proches à leur domicile à Kigali, la capitale, le 29 août, et les ont empêchés de sortir de chez eux. Le 30 août, la police a confirmé qu’une enquête était en cours et affirmé que la famille n’était pas en détention. Les membres de la famille ont été interrogés par la police pendant plusieurs semaines ; leur liberté de mouvement a été restreinte et ils n’ont pas pu communiquer librement. Le 23 septembre, la police a arrêté Diane Rwigara ainsi que sa mère, Adeline Rwigara, et sa soeur, Anne Rwigara. Le 3 octobre, le parquet a confirmé qu’elles étaient inculpées d’« incitation à l’insurrection ou au trouble parmi la population », et que Diane Rwigara serait aussi inculpée de falsification de documents et sa mère de discrimination et de sectarisme. Anne Rwigara a été libérée sous caution le 23 octobre, mais Diane et Adeline Rwigara ont été placées en détention provisoire et se trouvaient toujours derrière les barreaux à la fin de l’année, dans l’attente de leur procès.
Le 26 septembre, huit dirigeants et membres des Forces démocratiques unifiées-Inkingi (FDU-Inkingi), un parti d’opposition non reconnu, ont été inculpés de formation d’une force armée irrégulière et d’infraction contre le président de la République. Théophile Ntirutwa, représentant de ce parti à Kigali, a été arrêté le 6 septembre et détenu au secret jusqu’au 23 septembre. Il a ensuite été inculpé de soutien à un groupe armé.
Parmi les autres personnes arrêtées en septembre figurait Léonille Gasengayire, vicetrésorière du FDU-Inkingi. Elle avait déjà été arrêtée en mars 2016 et détenue pendant plusieurs jours par la police, puis de nouveau arrêtée en août 2016 et poursuivie pour « incitation à l’insurrection ou au trouble parmi la population ». Elle avait été acquittée et remise en liberté le 23 mars 2017.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
En avril, la Commission électorale nationale a rendu public un règlement électoral prévoyant que les candidats à l’élection présidentielle devaient faire valider 48 heures à l’avance leur matériel de campagne destiné aux réseaux sociaux, ce qui a suscité un intense débat en mai. L’Autorité rwandaise de régulation des services d’utilité publique (RURA) a annoncé le 31 mai que la Commission n’était « pas compétente pour réguler ou interrompre l’utilisation des réseaux sociaux par les citoyens ». Le lendemain, la Commission a annoncé qu’elle ajusterait la réglementation relative aux réseaux sociaux en fonction des remontées que lui ferait le grand public. L’obligation de faire valider les publications 48 heures à l’avance n’a finalement pas été appliquée.
DISPARITIONS FORCÉES
Des cas de possibles disparitions forcées ont été signalés. Plusieurs disparitions n’avaient toujours pas été élucidées à la fin de l’année ; il s’agissait peut-être de disparitions forcées. On ignorait toujours ce qu’il était advenu d’Illuminée Iragena, membre du FDU-Inkingi, disparue en mars 2016 à Kigali.
Le 14 février, Violette Uwamahoro, citoyenne britannique et épouse d’un membre du Congrès national rwandais, mouvement d’opposition politique interdit, a disparu alors qu’elle arrivait en bus à Kigali. Elle avait fait le voyage depuis le Royaume- Uni pour assister aux funérailles de son père au Rwanda. Les autorités ont dans un premier temps affirmé ignorer où elle se trouvait. Cependant, on sait qu’elle a été maintenue en détention au secret jusqu’au 3 mars, date à laquelle la police a annoncé la détenir. Elle et son cousin, Jean-Pierre Shumbusho, qui est policier, ont été inculpés de révélation de secrets d’État et de formation d’une force armée irrégulière, ainsi que d’infractions contre le pouvoir établi ou le président de la République. Violette Uwamahoro a nié toutes ces accusations ; elle a bénéficié d’une remise en liberté provisoire le 27 mars, le juge ayant estimé que les éléments de preuve étaient insuffisants. Elle a été autorisée à retourner au Royaume-Uni le 12 avril.
CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL
Léopold Munyakazi, professeur d’université extradé des États-Unis vers le Rwanda en 2016, a été reconnu coupable de génocide en juillet. Le tribunal de grande instance de Muhanga l’a condamné à une peine de réclusion à perpétuité qu’il devra purger à l’isolement − une pratique pourtant condamnée par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui la considère comme une violation de l’interdiction de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Jean Twagiramungu, ancien enseignant, a été extradé en août d’Allemagne vers le Rwanda, afin d’y être jugé. Il était accusé d’avoir orchestré et commis un génocide dans l’ancienne préfecture de Gikongoro (à présent dans la Province du Sud).
Le procès pour génocide de Ladislas Ntaganzwa, dont l’affaire avait été transférée depuis le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), s’est poursuivi devant la Chambre spécialisée dans les crimes internationaux de la Haute Cour de la République rwandaise. En décembre, la Chambre spécialisée a reconnu Emmanuel Mbarushimana, extradé du Danemark en 2014, coupable de génocide, et l’a condamné à la réclusion à perpétuité.
Bernard Munyagishari, dont l’affaire avait été transférée du TPIR en 2013, a été déclaré coupable en avril et condamné à une peine de réclusion à perpétuité pour génocide et crimes contre l’humanité.
Henri Jean-Claude Seyoboka, extradé du Canada en 2016 et accusé de participation au génocide, a vu sa demande de libération sous caution rejetée par la Haute Cour militaire en février.
Enoch Ruhigira, accusé de génocide et arrêté en Allemagne en 2016, a été remis en liberté en mars. Le bureau du procureur général allemand a annulé le mandat d’arrêt à son encontre à la suite d’observations du ministère des Affaires étrangères, qui estimait que les poursuites engagées par les autorités rwandaises contre cet homme étaient probablement motivées par des considérations politiques.
DROITS DES FEMMES
Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné en février la situation au Rwanda. Le Comité a accueilli avec satisfaction les lois contre la discrimination ; il s’est toutefois dit préoccupé par le maintien de certaines dispositions discriminatoires dans la législation. Par exemple, alors que le viol est généralement puni d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, le viol conjugal n’entraîne qu’une peine de deux à six mois d’emprisonnement assortie d’une amende. Le Comité s’est également inquiété d’un accroissement de la mortalité maternelle due aux avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. L’avortement n’était en effet autorisé qu’à titre exceptionnel, sur décision de justice en cas de viol, d’inceste ou de mariage forcé ou avec l’accord de deux médecins en cas de risque pour la santé de la femme enceinte ou du foetus. Des modifications du Code pénal ont été proposées en vue de supprimer la nécessité d’une décision de justice.
PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE
Le Rwanda a continué de recevoir et d’accueillir des réfugiés venant du Burundi, dont le nombre s’élevait à 89 146 à la fin de l’année.
SURVEILLANCE INTERNATIONALE
Le Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture a suspendu en octobre sa visite au Rwanda, invoquant une série d’obstacles imposés par les autorités, notamment concernant l’accès à certains lieux de détention et la confidentialité de certains entretiens. Le chef de la délégation a indiqué qu’un grand nombre des personnes interrogées avaient exprimé des craintes de représailles. C’était la troisième fois seulement en 10 ans que le Sous-comité suspendait une visite dans un pays.