Les autorités ont continué de restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion lors de manifestations de masse organisées par des groupes d’opposition. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive contre des manifestants ; 11 personnes au moins ont été tuées. Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les autres formes de mauvais traitements, ainsi que l’impunité en cas de violations des droits humains, avaient toujours cours.
SURVEILLANCE INTERNATIONALE
Le Togo a accepté différentes recommandations faites à l’issue de l’examen du bilan du pays en matière de droits humains dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies. Il s’est notamment engagé à prendre des mesures pour prévenir la torture et les autres violations des droits humains commises par les forces de sécurité, et à veiller à ce que toute personne soupçonnée de tels agissements fasse l’objet d’une enquête satisfaisante et de véritables poursuites. Il a rejeté les recommandations l’invitant, entre autres, à assurer la protection des personnes LGBTI et à modifier ou abroger les lois invoquées pour réprimer les journalistes et les défenseurs des droits humains, notamment les textes érigeant la diffamation en infraction [1].
RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Comme les années précédentes, les forces de sécurité, armée comprise, ont usé d’une force excessive et meurtrière pour réprimer et disperser des manifestations pacifiques. Elles ont fait évacuer des contestataires avec violence, frappé des membres de l’opposition et maltraité des journalistes.
Le 28 février, elles ont tiré à balles réelles pour disperser des personnes qui s’étaient rassemblées spontanément à Lomé, la capitale, afin de dénoncer la hausse des prix des produits pétroliers. Une personne a été tuée, et plusieurs autres ont été blessées [2].
En juin, les forces de sécurité ont réprimé des manifestations organisées par un syndicat étudiant de l’université de Lomé pour réclamer de meilleures conditions de vie. Des vidéos diffusées sur internet ont montré des membres des forces de sécurité armés de fusils en train de frapper des étudiants à coups de matraque alors qu’ils étaient au sol. Certains étudiants ont jeté des pierres en direction des forces de sécurité. Au moins 19 étudiants ont été arrêtés ; 10 d’entre eux ont été relâchés peu après avoir été présentés au parquet. Sept autres ont été remis en liberté le 19 juin, après avoir été relaxés des chefs de rébellion et de destruction de biens par le tribunal de Lomé. Le 26 juin, Foly Satchivi, président de la Ligue togolaise des droits des étudiants (LTDE), et Marius Amagbégnon ont été condamnés à 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour troubles aggravés à l’ordre public, le tribunal ayant estimé qu’ils étaient les organisateurs de la manifestation. Libérés le 27 juin, les deux étudiants ont ensuite fait appel de leur condamnation. Plusieurs étudiants ont déclaré devant le tribunal avoir été battus par les forces de sécurité lors de leur arrestation et de leur transfert.
D’août à décembre, l’opposition politique a manifesté en masse dans de grandes villes du pays. Les forces de sécurité ont dispersé les contestataires à grand renfort de gaz lacrymogène et de coups de matraque, en utilisant des canons à eau et en tirant à balles réelles. De violents affrontements ont également eu lieu de manière sporadique entre des groupes d’opposition et des sympathisants du parti au pouvoir. Les forces de sécurité ont effectué des descentes dans des maisons et des lieux de prière, et frappé des gens, y compris des personnes qui n’avaient pas participé aux manifestations. Au moins 10 personnes ont été tuées, dont deux membres des forces armées et trois enfants âgés de 11 à 14 ans. On a également dénombré plusieurs centaines de blessés, parmi lesquels des membres des forces de sécurité. Plus de 200 personnes, dont le secrétaire général du Parti national panafricain (PNP), dans l’opposition, ont été arrêtées. Au moins 60 d’entre elles ont été condamnées à des peines allant jusqu’à 60 mois d’emprisonnement pour rébellion, destruction volontaire, voie de fait, violences envers des représentants de l’autorité publique, troubles aggravés à l’ordre public et vol aggravé, notamment [3] [4].
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Les autorités ont continué de réprimer le droit à la liberté d’expression. Elles ont, de façon arbitraire, fermé des médias et arrêté des dirigeants associatifs et des leaders de l’opposition en raison des opinions dissidentes qu’ils exprimaient. Elles ont également bloqué l’accès à internet pour empêcher des militants et des journalistes de signaler des violations.
Le 6 février, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a retiré les fréquences de CityFM (radio) et de La Chaine du Futur (télévision), leur reprochant de n’avoir pas respecté la réglementation concernant l’autorisation d’émettre. Aucun mécanisme de recours contre une telle décision n’était prévu par le règlement de la HAAC [5].
Le 7 février, le journaliste Robert Kossi Avotor a été frappé à coups de matraque et menotté par des gendarmes qui voulaient l’empêcher de photographier une expulsion à Lomé. Il a été placé en détention, ses photos ont été détruites, et il a été relâché le même jour sans être inculpé. Il a déposé une plainte auprès du parquet de Lomé, mais a indiqué n’avoir reçu aucune réponse au sujet de cette plainte à la fin de l’année. Le 22 février, le procureur de la République a indiqué que toute personne qui communiquerait des informations sur l’agression du journaliste encourrait des poursuites judiciaires pour « diffusion de fausses nouvelles ».
Kombate Garimbité, membre de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI), un parti de l’opposition, a été arrêté le 4 avril après avoir critiqué une proposition du chef de la localité de Yembour. Celui-ci avait exigé des familles qu’elles financent la réparation des dégâts causés par des étudiants lors d’une manifestation en mars. Accusé par les autorités d’être l’instigateur de cette manifestation, Kombate Garimbité a été inculpé de troubles aggravés à l’ordre public. Il a nié toute implication dans le mouvement de contestation, affirmant qu’il se trouvait alors à Lomé, à 630 km de Yembour. À la fin de l’année, il était toujours en détention sans avoir été jugé [6].
Salomée T. Abalodo a été arrêtée par des gendarmes le 13 avril, à Pagouda (dans la région de la Kara), après avoir pris des photos de manifestants blessés et demandé aux autorités locales d’empêcher les forces de sécurité d’utiliser une force excessive contre les manifestants pacifiques. Inculpée de « rébellion » et de « participation à une manifestation non autorisée », elle a recouvré la liberté le 12 mai, quand le tribunal de Pagouda a abandonné les charges retenues contre elle [7].
Pendant neuf jours en septembre, les autorités ont bloqué l’accès à internet alors que se tenaient des manifestations conduites par l’opposition. Cette mesure a perturbé le déroulement de ces manifestations et entravé le travail des militants des droits humains et des journalistes qui suivaient l’évolution du mouvement de contestation.
IMPUNITÉ
Les autorités n’avaient toujours pas pris la moindre mesure pour identifier les responsables présumés des violations des droits humains – y compris en ce qui concerne la mort de près de 500 personnes – commises au cours des violences ayant émaillé l’élection présidentielle de 2005. D’après les informations disponibles, aucune des 72 plaintes déposées par des familles de victimes auprès des tribunaux d’Atakpamé, d’Amlamé et de Lomé n’a donné lieu à une enquête exhaustive.