Rapport annuel 2018

Cuba

République de Cuba
Chef de l’État et du gouvernement : Raúl Castro Ruz

Cette année encore, des personnes ont été placées arbitrairement en détention, des fonctionnaires ont été licenciés de façon discriminatoire et des travailleurs indépendants ont été harcelés, ces manoeuvres visant à faire taire les critiques. Les avancées dans le domaine de l’éducation ont été compromises par la censure persistante, qu’elle soit sur ou hors internet. Le pays est resté fermé aux observateurs indépendants des droits humains la majeure partie de l’année.

Contexte

La levée en 2013 des restrictions pesant sur les déplacements des Cubains, la suppression des plafonds limitant les versements qu’ils étaient autorisés à recevoir, et l’attrait des pays accessibles sans visa ont continué de favoriser l’émigration. En dépit de l’évolution de la diplomatie internationale du pays, les Cubains étaient toujours très nombreux à partir en raison de salaires exceptionnellement faibles et d’une liberté d’expression strictement contrôlée.
En juin, le gouvernement du président américain Donald Trump a opéré un virage de près de 180 degrés à l’égard de Cuba. Compte tenu de ce revirement, un vote du Congrès américain en faveur d’une loi levant l’embargo économique contre Cuba, qui continuait de saper les droits économiques, sociaux et culturels de la population, n’était guère probable.
Au moins 12 juristes de l’organisation de défense des droits humains Cubalex ont obtenu l’asile aux États-Unis après avoir été harcelés, intimidés et menacés d’emprisonnement en raison de leur travail pacifique en faveur des droits fondamentaux.
Cuba n’avait toujours pas ratifié le PIDCP ni le PIDESC, deux traités pourtant signés en février 2008. Le Statut de Rome de la CPI restait lui aussi en attente de ratification.
Le gouvernement a annoncé en décembre que le président Raúl Castro quitterait le pouvoir en avril 2018.

Arrestations et détentions arbitraires

Comme les années précédentes, de très nombreux défenseurs des droits humains et militants politiques ont été la cible d’actes de harcèlement et d’intimidation, et ont été détenus arbitrairement. La Commission cubaine des droits humains et de la réconciliation nationale, une ONG basée à Cuba mais non reconnue par l’État, a recensé 5 155 placements en détention arbitraire en 2017, contre 9 940 en 2016.
Les Dames en blanc, groupe de parentes de prisonniers politiques, demeuraient l’une des principales cibles de la répression exercée par les autorités. Lors de leur détention, ces femmes étaient souvent frappées par des membres des forces de l’ordre ou des agents de la sûreté de l’État en civil.
En janvier, Danilo Maldonado Machado, connu sous le pseudonyme d’El Sexto, a recouvré la liberté après avoir été incarcéré dans une prison de sécurité maximale. Il avait été arrêté en novembre 2016, quelques heures après l’annonce de la mort de Fidel Castro, parce qu’il avait écrit les mots « Se fue » (« Il est parti ») sur un mur à La Havane, la capitale cubaine [1].
En août, Yulier Perez, un artiste connu pour ses graffitis sur des murs délabrés de La Havane, a été placé arbitrairement en détention après avoir été victime pendant des mois de manoeuvres d’intimidation et de harcèlement de la part des autorités parce qu’il s’exprimait librement à travers son art [2].

Prisonnières et prisonniers d’opinion

Eduardo Cardet Concepción, dirigeant du Mouvement chrétien « Libération », une organisation en faveur de la démocratie, était toujours derrière les barreaux à la fin de l’année. Il s’était vu infliger une peine de trois ans d’emprisonnement en mars pour avoir critiqué publiquement Fidel Castro [3].
Quatre défenseurs des droits humains de la même famille ont été placés en détention à Holguín, dans le sud-est de Cuba, parce qu’ils auraient quitté leur domicile pendant la période de deuil décrétée après la mort de Fidel Castro en 2016. Le fils et les deux filles ont été condamnés à un an d’emprisonnement pour « diffamation des institutions, organisations, héros et martyrs de la République de Cuba » et « troubles à l’ordre public [4] ». Leur mère a été placée en résidence surveillée. Le 2 avril, après une longue grève de la faim, le fils et les deux filles ont bénéficié d’une libération conditionnelle, mais ils restaient en butte à des actes d’intimidation de la part des autorités.
Jorge Cervantes, membre de l’Union patriotique de Cuba (UNPACU), un groupe politique d’opposition, a été maintenu en détention pendant trois mois environ, entre mai et août. Plusieurs semaines plus tôt, l’UNPACU avait publié sur sa chaîne YouTube une vidéo intitulée « L’horreur en prison » dans laquelle Jorge Cervantes interviewait un homme qui disait avoir été maltraité dans une prison cubaine, ainsi qu’une série de courtes vidéos dénonçant la corruption chez les fonctionnaires [5].
Cette année encore, les autorités ont engagé des poursuites pour des infractions de droit commun sur la base d’accusations forgées de toutes pièces afin de harceler leurs opposants politiques et de les placer en détention, ce qui signifiait que le nombre de prisonniers d’opinion était probablement beaucoup plus élevé que les chiffres officiels.

Droits des travailleuses et travailleurs

L’État a continué d’user de son pouvoir (en tant que principal employeur du pays et qu’organe de régulation du secteur privé) pour étouffer toute critique du régime, même la plus ténue [6]. Comme les années précédentes, les détracteurs du modèle économique ou politique du gouvernement ont été victimes de licenciements discriminatoires et motivés par des considérations politiques. Celles et ceux qui perdaient leur poste dans le secteur public parce qu’ils s’étaient exprimés librement étaient bien souvent à nouveau la cible de manoeuvres de harcèlement lorsqu’ils se lançaient dans une activité indépendante, secteur naissant à Cuba mais strictement réglementé.
L’interdiction de facto des syndicats indépendants empêchait les travailleurs de s’organiser de façon indépendante et de former un recours contre les licenciements discriminatoires. En raison de la forte emprise du pouvoir politique sur la magistrature et les avocats, il était difficile d’en appeler efficacement à la justice.

Droit à l’éducation

Après des décennies de censure hors internet, des restrictions abusives sont venues limiter l’accès à l’information et la liberté d’expression en ligne, compromettant les avancées de Cuba en matière d’éducation.
Entre le mois de mai et la mi-juin, l’Observatoire libre des perturbations du réseau (OONI) a effectué des tests sur un échantillon de sites internet à Cuba et a identifié 41 sites bloqués par les autorités. Tous critiquaient le gouvernement cubain, dénonçaient des problèmes de droits humains ou présentaient des techniques pour contourner la censure.
Même si les autorités ont continué d’étendre l’accès à internet, elles privilégiaient le réseau intranet national, géré par elles-mêmes et soumis à une forte censure. Le coût d’une connexion au réseau mondial demeurait hors de prix pour la majorité de la population cubaine [7].

Surveillance internationale

En avril, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains s’est rendue à Cuba et, en juillet, le pays a reçu la visite de l’expert indépendant des Nations unies sur les droits de l’homme et la solidarité internationale.
Les organisations indépendantes de défense des droits humains n’étaient pour la plupart toujours pas autorisées à se rendre dans le pays ni à visiter ses prisons. Cuba demeurait le seul pays de la région Amériques dont Amnesty International se voyait interdire l’accès.

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