Les droits fonciers et les droits en matière de territoire étaient toujours menacés par l’adoption de lois affaiblissant le cadre de protection des droits des peuples autochtones et fragilisant le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Les violences faites aux femmes et le taux de grossesse chez les mineures ont continué d’augmenter sans que les autorités n’apportent de réponse efficace. La grâce présidentielle accordée pour raisons humanitaires à l’ancien président péruvien Alberto Fujimori a soulevé de graves préoccupations en matière d’impunité et de respect des garanties procédurales.
DÉFENSEURES ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
En l’absence de politiques visant à les protéger efficacement et à reconnaître publiquement l’importance de leur travail, des défenseurs des droits humains, en particulier ceux travaillant sur des questions liées à la terre, aux droits territoriaux et à l’environnement, ont cette année encore été menacés et harcelés par des acteurs étatiques et non étatiques. Des défenseurs des droits humains ont été présentés comme des criminels et poursuivis en justice ; ils encouraient de lourdes peines dans le cadre de procès menés à des fins de harcèlement, et ils ne disposaient généralement pas des ressources financières nécessaires pour bénéficier d’une représentation juridique suffisante.
En mai, la Cour suprême a confirmé l’acquittement de Máxima Acuña, marquant ainsi la fin de cinq ans de procédure pénale sans fondement pour des accusations d’occupation illégale de terres. Máxima Acuña et ses proches ont continué de signaler des manoeuvres d’intimidation et ils attendaient toujours une décision de justice portant sur la propriété des terres où ils vivaient.
DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Plusieurs lois prévoyant des normes environnementales et des procédures d’accès à la terre moins strictes destinées à promouvoir des projets d’extraction ou d’infrastructures ont été adoptées, bien qu’elles soient toujours contraires au cadre de protection des droits des peuples autochtones.
Les membres des communautés indigènes de Cuninico, dans la région de Loreto, et d’Espinar, dans la région de Cuzco, étaient toujours confrontés à une crise sanitaire en raison de la contamination par des métaux lourds de leurs seules sources d’eau. Le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour leur fournir des soins médicaux spécialisés et un accès à une eau propre et saine.
Aucun progrès concret n’a été constaté dans l’affaire concernant quatre dirigeants de la communauté asháninka tués dans la région d’Ucayali en 2014 ; ils avaient signalé aux autorités avoir reçu des menaces de mort de la part de bûcherons opérant illégalement.
IMPUNITÉ
Un an après son adoption, le Plan national de recherche des personnes disparues n’avait toujours pas été mis en oeuvre.
Le 24 décembre, Pedro Pablo Kuczynski a accordé une grâce présidentielle pour raisons humanitaires à l’ancien président Alberto Fujimori, qui purgeait depuis 2009 une peine de 25 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité. Cette décision, entachée d’un manque de transparence, d’impartialité et de respect des procédures régulières, et prise sans l’accord des victimes et de leurs familles, a été prise dans de mauvaises conditions, surtout compte tenu de la gravité des crimes de droit international reprochés à l’ancien président.
En juin, la Cour suprême du Chili a confirmé l’élargissement de la demande d’extradition concernant Alberto Fujimori pour inclure l’homicide de six habitants de la commune de Pativilca, dans la région de Lima, en janvier 1992. En juillet, le troisième procureur principal chargé des affaires pénales a accusé Alberto Fujimori d’être responsable de ce crime, commis par ses subordonnés avec la complicité d’autres personnes. Toutefois, la mesure de grâce accordée le 24 décembre à l’ancien président péruvien levait toutes les poursuites engagées contre lui, ce qui laissait à penser que l’impunité pourrait prévaloir dans cette affaire.
En août, des militaires ont été condamnés pour les actes de torture, la disparition forcée et l’exécution extrajudiciaire dont avaient été victimes 53 personnes à la caserne militaire de Los Cabitos, à Ayacucho, en 1983.
En septembre s’est ouvert le procès d’anciens membres de la marine accusés d’avoir tué plus de 100 personnes lors d’une émeute à la prison d’El Frontón en 1986. Ces homicides pourraient s’apparenter à un crime contre l’humanité.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
Entre janvier et septembre, le Bureau du procureur général a enregistré 17 182 plaintes pour « infractions contre la liberté sexuelle », ce qui incluait les viols et d’autres formes de violence sexuelle. La justice n’a donné suite qu’à 2 008 de ces plaintes, soit 11 %. Le registre des plaintes ne précisait pas le genre des plaignants.
Au cours de la même période, le ministère de la Femme a signalé 94 cas de féminicides.
Aucune avancée concrète n’a été réalisée en matière de politiques et de lois destinées à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Le taux de grossesse chez les mineures restait élevé. Selon les statistiques officielles, au moins 12 fillettes âgées de 11 ans et moins et 6 516 adolescentes âgées de 12 à 17 ans ont accouché entre janvier et mars.
L’avortement restait considéré comme une infraction pénale en toutes circonstances, hormis dans les cas où la santé ou la vie de la femme ou de la jeune fille enceinte étaient menacées. Le Congrès devait examiner une proposition de loi prévoyant la dépénalisation de l’avortement en cas de viol.
Plus de 5 000 femmes étaient inscrites au registre des victimes de stérilisation forcée. Cependant, elles n’avaient toujours pas obtenu justice ni réparation.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
Le Pérou n’avait toujours pas adopté de législation spécifique reconnaissant et protégeant les droits des personnes LGBTI, qui ont cette année encore été la cible de discriminations et de violences en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
En mai, le Congrès a partiellement abrogé le décret-loi n° 1323, notamment l’article permettant de considérer l’« orientation sexuelle et l’identité de genre » comme des circonstances aggravantes pour certaines infractions et les érigeant en éléments constitutifs de discrimination.
Les personnes transgenres ne pouvaient toujours pas faire reconnaître leur identité de genre sur le plan social et juridique, et leurs droits à la santé, au travail, au logement et à l’éducation, ainsi que leur droit de circuler librement, entre autres, étaient bafoués.